C’est quoi une bourse éthique de l’eau? Entretien avec Valérie Issumo

A la Suite de la publication du dossier sur « La rareté de l’eau dans les pays industrialisés » (6/04/2011), Green et Vert donne la parole à Valérie Issumo, présidente de Prana Sustainable Water, un projet de bourse éthique de l’eau.

Par GVadmin Modifié le 11 décembre 2012 à 17 h 22

A la Suite de la publication du dossier sur « La rareté de l'eau dans les pays industrialisés » (6/04/2011), Green et Vert donne la parole à Valérie Issumo, présidente de Prana Sustainable Water, un projet de bourse éthique de l'eau.

Green et Vert : Quelle est l'origine de votre projet ?

Valérie Issumo : C’est mon expérience de 15 ans dans le négoce des matières premières et mon indignation face aux inégalités relatives aux consommations d’eau et à l’accès qui sont le moteur de ce projet.

Vivre avec moins d’un dollar USD par jour dans un bidonville au sein d’un environnement pollué et nauséabond est différent de la pauvreté dans une nature quasi intacte. Les eaux usées représentent pourtant l’opportunité de récupérer de nombreux produits (méthane pour l’énergie, phosphore pour des engrais …etc…).  La gestion publique de l’eau est aussi menacée par les déficits et dettes publiques actuels. Ce marché à terme sur l’eau permettrait d’effectuer des investissements dans les infrastructures d’assainissement.

G&V : Quel serait le principe de fonctionnement de votre bourse éthique de l’eau?

V. I : Par rapport aux bourses d’eau existantes (dont celle de l’Australie qui échange des allocations ou licences de prélèvement d’eau douce), la bourse éthique de l’eau conçue par Prana Sustainable Water, permettra le négoce des offres des bonnes pratiques d’usage de l’eau ou facilitant l’assainissement et des demandes relatives aux obligations de traiter les eaux usées. La bourse éthique tiendra aussi compte du fait que l’économie mondiale implique des transferts massifs d’eau virtuelle à travers le commerce extérieur des empreintes en eau, et que les pollutions n’ont pas de frontière(s).

La « denrée » à livrer à l’échéance des titres ou certificats éthiques d’eau correspondant sera donc une capacité de traitement d’un volume selon des infrastructures reconnues en B.O.T. (Build Operate Transfer). L’acheteur de titres éthiques d’eau pourra, contre paiement d’une prime supplémentaire, obtenir l’assainissement d’eau dans un lieu déterminé (qui figurera dans la liste prédéfinie des places de livraison en fonction des priorités) et/ou avoir la distribution d’eau assainie par exemple pour l’irrigation. On peut imaginer qu’un investisseur qui permet la recharge des nappes phréatiques à travers la récupération des eaux d’inondations puisse vendre des titres éthiques d’eau à travers des certificats émis par des sociétés de supervision. Chaque titre éthique d’eau comprendra une part pour l’application des lois et conventions relatives aux pollutions des eaux et 1% philanthropique pour des actions pour le bien de la nature, pour des banques stratégiques d’eau potable et pour des nouvelles technologies pour l’assainissement.

G&V : Quelles solutions apporterait votre bourse éthique de l’eau ?

V. I : Prana Sustainable Water aurait un impact selon les 4 « P » :

1- Personnes : dignité, santé et sécurité alimentaire à travers les nouvelles infrastructures d’assainissement.
2- Planète : la bourse éthique répond avant tout à l’urgence de réparer et/ou sécuriser notre planète. Et que tout ce qui est bon pour la planète est bénéfique et équitable pour les humains.
3- Profit : nouveaux emplois et effet levier même pour les populations démunies. Par exemple, à travers l’accès à des logements avec assainissement remboursés en micro-crédits par les ventes des titres d’eau (par l’organisme financier ou le promoteur immobilier) correspondant à la valorisation des eaux usées.
4- Paix : prévention des conflits et hydro-diplomatie.

G&V : Pourquoi ce projet n’a-t-il pas encore abouti ?

V. I : Mon initiative est récente (environ 19 mois). La conception de la bourse éthique de l’eau demande une étude approfondie des lois et conventions existantes pour les investissements et pollutions, des technologies nouvelles les plus appropriées aux différentes situations qui sont les moins gourmandes (voire génératrices) en énergie, des stresses hydriques physiques mais également économiques (volumes d’eau douce existants mais pollués), des applications, etc. Les consultations des experts demandent du temps et de l’argent et il nous faut en permanence lever les craintes et confusions entre le rôle des bourses de denrées, les produits dérivés financiers et la crise financière de 2008. Nous sommes dans la phase de conclusion et recherches de partenariats ou supports, d’identification des futurs membres et acteurs de cette bourse éthiques et de projets pilotes.

G&V : Et la spéculation dans tout ça ?

V. I : Spéculer signifie notamment anticiper des situations, aucune bonne gouvernance ne peut être envisagée sans pouvoir planifier les conséquences et actions liées aux capacités de traitements des eaux usées. Le marché à terme sera plus liquide (plus de volumes de titres et donc de flexibilité) si des investisseurs y rentrent. Les bourses de denrées permettent de se prémunir contre les risques de volatilité des prix à travers le mécanisme des options qui sont des « primes » d’assurance pour planifier des revenus ou des dépenses. Aussi, si les cours de bourse des coûts de l’assainissement sont élevés mais que la contrainte de ne pas polluer persiste à travers les encouragements (vente de titres éthiques d’eau pour les  actions liées à la bonne utilisation de l’eau), des systèmes réduisant leur pollution ou consommation d’eau seront plus utilisés, ce qui aura un impact positif pour l’environnement.

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