Svalbard, côté russe

« On dit que lorsque l’on arrive à Barentsburg, on retourne en Union soviétique… C’est tout à fait vrai ! ». Une vie étroite et travailleuse, régie par une entreprise unique, dont le logo est est partout.

Par GVadmin Modifié le 17 août 2012 à 15 h 42
Jour 7 : Mathilde visite le village russe de Barentsburg.
Lorsque commence la saison d'été et que la glace fond, les habitants de Longyearbyen et les touristes fraîchement débarqués vont visiter Barentsburg, le village russe de l'île de Svalbard. Une sorte de safari, en terre inconnue... En vertu du statut international de l'archipel, la Russie a en effet maintenu une présence sur place depuis son arrivée sur les lieux, en 1932.
Comme la Norvège, Moscou ne veut pas céder sa place, et tant pis si la mine de charbon ne tourne plus qu'au ralenti depuis la chute de l'Union soviétique, faute de moyens.
Les deux pays anticipent en effet les changements géostratégiques à venir, mais également l'évolution du climat. En effet, si le réchauffement climatique se poursuit, une voie navigable s'ouvrira au nord, qui permettra de relier l'Europe à l'Asie ou l'Amérique du nord en passant près du pôle.
En attendant, Barentsburg vivote. Même si, à l'instar de sa voisine, elle a décidé cette année de relancer son activité scientifique, sa base dédiée aux sciences arctiques est loin d'avoir l'envergure des projets norvégiens. La vie aussi est totalement différente. Tout le village est lié à l'entreprise d'état qui extrait le charbon, ArticUgol, qui achemine les travailleurs, les paye, leur fournit un logement et leur billet retour. Ce sont d'ailleurs surtout des ouvriers ukrainiens, des bassins miniers du Donbass ou de Lougantz, qui débarquent à Barentsburg, attirés ici par des salaires plus haut que dans leur pays d'origine.
Dans cette cité autrefois pimpante, tout est aujourd'hui de guingois. Les maisons et les rues sont délabrées, et la salle de sport dotée d'une piscine d'eau de mer, dont tous les habitants s'enorgueillissent, mériterait un bon coup de peinture. Le bar a fermé depuis longtemps et deux magasins subsistent, l'un pour les aliments, l'autre pour les vêtements et autres produits d'entretien.
Pour payer, les habitants utilisent une carte « ArticUgol », qui débite l'argent directement sur leur compte en banque, alimenté par l'entreprise. Certains produits sont rationnés, comme l'alcool ou le sucre. Ksénia, professeur à l'école du village, postière à ses heures perdues mais également responsable de la Maison de la culture, s'en amuse : « On dit que lorsque l'on arrive à Barentsburg, on retourne en Union soviétique... C'est tout à fait vrai ! ».
Une vie étroite et travailleuse, régie par l'entreprise, dont le logo est est partout. Même si elle ne travaille pas dans la mine, Ksénia est elle aussi sous contrat avec ArticUgol, pour deux ans. Son amie, Natalia, travaille à Barentsburg depuis cinq ans : « Je suis venue ici parce que je suis seule, et que je dois élever mon fils, qui a 14 ans. Chez nous en Ukraine, si tu gagnes 5000 grivnas (environ 450 euros), pour une femme, c'est bien le maximum. Et que faire avec ça ? Donc je travaille ici, pour améliorer mes finances et mon fils vit avec mes parents là-bas, à Lougantz. La Russie nourrit les Ukrainiens et nous lui disons merci ! »
Entre Longyearbyen la coquette et Barentsburg, le contraste est assez saisissant. Et pour les habitants, qui ne peuvent rejoindre le village norvégien qu'avec l'hélicoptère de la compagnie, difficile de soutenir la comparaison. « Là-bas, il y a des routes, de l'asphalte. Ici, c'est des montagnes et encore des montagnes, soupire Natalia. Chez nous, il y a peut-être cinq voitures en tout et tout est plus compliqué, pour le ravitaillement, les déplacements.... Nous sommes plus isolés. »
Le dentiste de l'hôpital de Barentsburg, arrivé il y a un an, n'en peux plus, il n'ira pas au bout de son contrat : « J'ai signé pour deux ans mais je veux rentrer, c'est dur ici, surtout l'hiver, six mois sans voir le soleil. Ça use un peu le moral. Et puis surtout, je veux voir mon fils, que nous avons laissé ma femme et moi à ses grand-parents lorsqu'il avait six mois. Cela fait un an que nous ne l'avons pas vu. »
Non loin de là, nous rencontrons Zina, qui se baigne avec son amie Tania dans l'eau trouble de la piscine du village. Sa voix et son rire résonne sous les voûtes du bassin... « Je suis météorologue et j'ai toujours rêvé de venir ici ! Quand je suis arrivée, il y a dix ans, je n'ai plus quitté cet endroit. La nature, les animaux sauvages, c'est incroyable. Et nous avons tout ceci sous nos yeux, devant nos fenêtres ! » Pour un petit nombre, Barentsburg reste le paradis.
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A la découverte de… :

L’archipel de Svalbard est réputé pour sa nature inhospitalière, son climat extrême mais aussi pour la première réserve mondiale de semence. Pendant une semaine, vivez les aventures de Mathilde Goanec, correspondante de Green et Vert au royaume de l’ours polaire.

Retrouvez les autres épisodes ci-dessous :

Épisode 1 : Svalbard, à la limite du Pôle nord. Arrivée dans l'extrême nord norvégien, par avion.

Épisode 2 : Longyaerbyen, une cité idéale? Mathilde découvre la principale ville de Svalbard.

Épisode 3 : Lucie ou la vie polaire. Rencontre avec une étudiante française.

Épisode 4 : Jamais sans mon fusil ! Le port d'arme à feu, une nécessité dans l'archipel.

Épisode 5 : Le charbon, sale… mais indispensable à la survie sur l’île. Mathilde interroge Snore Olaussen, responsable universitaire du CO2 Lab, au sujet du charbon, principale ressource de Svalbard.

Épisode 6 : A l’intérieur de la réserve mondiale de semences. Visite du conservatoire mondial de semences.

Épisode 7 : Un projet mythique, mais controversé. Le conservatoire mondial de semences n’est pas exempt de polémiques.

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