Les habitants du Delta du Tana entrent en guerre contre les agro-carburants

Pour faire de la place aux agro-carburants étrangers, le delta est asséché, les animaux chassés et les habitants expulsés. Révoltés, les hommes de cette région située à l’extrême nord du Kenya s’apprêtent à déterrer la hache de guerre. Sans métaphore.

Par GVadmin Modifié le 23 août 2012 à 16 h 18
Vue d'ensemble du fleuve Tana

Pour faire de la place aux agro-carburants étrangers, le delta du fleuve Tana est asséché, les animaux chassés et les habitants expulsés. Révoltés, les hommes de cette région située à l'extrême nord du Kenya s’apprêtent à déterrer la hache de guerre. Sans métaphore.

Les 427 familles du village de Gamba Manyatta habitaient là depuis des générations. Elles ont du partir. Un projet géant de plantation de cannes à sucre les a chassées, tout en détruisant la faune et la flore endémiques qui s'y trouvaient. Tout ça, ironiquement, “au nom de l’environnement”.

Dans cette région du Kenya, des entreprises privées cultivent intensivement la canne à sucre et le jatropha. Mélangés aux carburants courants en Occident, ils permettent de limiter les émissions de dioxyde de carbone. Le gouvernement a par exemple vendu 10 000 hectares de terrain aux Canadiens de Bedford Biofuels pour planter du jatropha. G4 Industries Ltd, une entreprise britannique, en a acquis 28 000.

Une catastrophe humaine et environnementale

Francis Kagema, de l’association Nature Kenya, pointe du doigt quelques oiseaux survolant un lac qui était beaucoup plus vaste auparavant :

Pas besoin d’être un expert pour voir que la situation est mauvaise. On est en pleine saison des pluies, or les éléphants sont déjà partis, les hippopotames s'y préparent, et les oiseaux se raréfient.

Le delta était l'un des derniers refuges de centaines d’espèces d’oiseaux rares. Lesquels fuient désormais un habitat en détérioration. Didewaride était une zone accessible uniquement par bateau. Aujourd'hui, ce village est entouré de terre brune, parsemé de flaques d’eau. Un vieil homme, Omar Bocha Kofonde, témoigne :

Il y avait des hippopotames, des poissons, des oiseaux, des chèvres et du bétail. Maintenant la terre est salée. Les rivières évacuaient l’eau de mer. C’était un paradis. Mais désormais l’eau salée stagne. Nous allons nous battre et nous sommes prêts à mourir car c’est la seule chose qui nous reste.

Des autochtones outrés

Chrétiens, Musulmans, membres des tribus Pokomo, Orma ou Luo... Tous les habitants du delta se sentent floués. Les déplacés disposent désormais d’un petit ruisseau nauséabond en guise de source d’eau, vers lequel les grosses fermes évacuent leurs égouts et des pesticides. La typhoïde et la malaria ont fait leur apparition et des enfants sont morts.

Dans le village d’Ozi, on vient de découvrir que deux énormes terrains ont été vendus aux enchères en avril. On ne sait pas qui les a vendus, ni qui les a achetés. Francis Kagema promet de soutenir, au nom de son association, tous les habitants désireux de porter plainte :

Ces gens habitent ici depuis des centaines d’années et soudain, on leur agite une feuille de papier sous le nez et on les appelle des « squatters ». Et ils perdent leur maison. Pour l’instant, personne ne les défend, mais le Delta Tana est en révolution. Quand les gens seront unis, ce sera la guerre – et c’est pour bientôt.

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