Bientôt du pétrole made in France?

Un mois après l’annonce officielle de la découverte de pétrole au large de la Guyane française, les autorités songent déjà à la prise en compte de l’environnement et de l’économie locale en cas d’exploitation commerciale. Un engagement trop prévoyant?

Par GVadmin Modifié le 10 avril 2012 à 13 h 14
Plateforme pétrolière. © jcookfisher (Flickr.com)

Un mois après l’annonce officielle de la découverte de pétrole au large de la Guyane française, et malgré le cri d’alerte d’Eva Joly, candidate aux présidentielles pour qui "l’avenir de la Guyane est l’écotourisme, la pêche artisanale, les énergies renouvelables, pas les marées noires !", les politiques au pouvoir songent déjà à la prise en compte de l’environnement et de l’économie locale en cas d’exploitation commerciale. Un engagement trop prévoyant?

Petit retour en arrière. Nous sommes le 9 septembre 2011, la Guyane est en effervescence. Il aura fallu six mois d’exploration, et deux semaines de retard, avant que les compagnies pétrolières Tullow Oil, Royal Dutch Shell et Total ne viennent annoncer la découverte de "réservoirs gréseux imprégnés d’hydrocarbures liquides" à 150 km au large des côtes guyanaises, à une profondeur comprise entre 2000 et 6000 mètres sous le niveau de la mer.

En clair, la Guyane abrite des réserves de pétrole. Les télévisions de France et de Navarre se sont alors empressées de relayer la nouvelle, avec une image saisissante à l’appui : le directeur de la Tullow Oil en Guyane, Joachim Vogt, un flacon d’hydrocarbures à la main. La preuve d’une nouvelle ère pour la Guyane?

Rien n’est moins sûr, même si une partie de ce bout de France, coincé entre le géant brésilien et l’ex-Guyane hollandaise, le Suriname, se voit déjà comme la nouvelle Mecque du pétrole. A tort ou à raison ? Il pourrait y avoir 1,4 milliards de barils de pétrole dans ce puits guyanais. C’est "une découverte qui fait connaître la Guyane dans le monde entier… Encore plus qu’Ariane (la fusée lancée depuis le Centre Spatial Guyanais, ndlr) ! L’or noir de Guyane…" titre ainsi Alain Chaumet, éditorialiste et directeur du seul hebdomadaire local, La Semaine Guyanaise.

Quel potentiel commercial?

D’autres sont plus prudents. Y compris les compagnies pétrolières. Car une découverte n’est pas toujours synonyme d’exploitation, laquelle peut prendre plusieurs années avant de démarrer. Joachim Vogt, directeur de la Tullow Oil en Guyane, abonde dans ce sens. Dans une interview donnée le 10 septembre dernier à nos confrères de France-Guyane, il déclarait :

Ce résultat nécessite encore beaucoup d’analyses et de forages pour aller vers une qualification de volume. (…) Nous sommes en présence de systèmes complexes d’un point de vue géologique. D’aucune manière nous n'affirmons qu’il y a une découverte commerciale. Si l’exploration démontrait un niveau commercial, cela pourrait avoir un impact important. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le moment de faire des spéculations et de s’avancer trop sur ce domaine.

Pourtant l’heure est déjà à la réflexion concernant la prise en compte de l’environnement et les retombées financières pour la Guyane, en cas d’exploitation commerciale bien sûr. D’un côté il faudra s’assurer que tout soit mis en œuvre afin que les plages de l’Est de la Guyane - site d’accueil de nombreuses tortues luth en période de ponte - ne soient pas souillées en cas de marée noire.

De l’autre, il faut "réfléchir aux modalités d’un juste retour économique pour les Guyanais" a affirmé Marie-Luce Penchard, ministre en charge de l’Outre-mer, au quotidien France-Guyane le 15 septembre dernier. En clair, un dispositif fiscal particulier, inexistant à l’heure actuelle, doit être mis en place par le ministère du Budget pour que la Guyane profite de ses richesses.

Ne pas léser les Guyanais

Ces réflexions, qui peuvent sembler prématurées, sont en fait fondées, du moins si l’on en croit les récentes déclarations de la députée de la Guyane, Chantal Berthelot, sur sa page Facebook. Le 9 octobre dernier, elle affirmait :

Demander aujourd'hui l’interdiction pure et simple de ce forage est illusoire. L’État a donné depuis longtemps les autorisations et l'exploitant prépare déjà la phase d'exploitation du gisement pétrolifère. Il nous faut maintenant exiger de l'exploitant et de l'État une garantie de sécurité maximale afin d'éviter tout risque de pollution lié aux forages en eaux profondes. C'est dans cette perspective que la Commission européenne étudie un renforcement de la législation sur les plateformes pétrolières. Nos exigences doivent également porter sur les retombées économiques pour la Guyane. Hormis une participation au développement d'infrastructures routières et portuaires, la compagnie pétrolière devra s'engager à assurer la formation et l'embauche de jeunes Guyanais. Une information régulière de la population favorisera son intérêt voire son adhésion aux activités industrielles. Enfin, nous devrons tout mettre en œuvre pour qu'une taxe minière régionale sur les revenus du pétrole soit instituée. La Guyane pourrait ainsi profiter du produit de ses ressources naturelles.

Autre signe qui ne trompe pas : le géant pétrolier Shell, prochain opérateur de ce forage off-shore, a missionné, en juillet dernier, le cabinet de lobbying Boury et Associés afin d’étudier la manière dont la population et les entreprises guyanaises pourraient s’approprier au mieux le projet. La question d’un éventuel financement de la protection de la nature a également été abordée par Shell. Une proposition que Guyane Nature Environnement, une association de conservation locale, rejette pour le moment.

Dans toute cette histoire, une problématique, et non des moindres, reste toutefois en suspens : cette découverte mettra-t-elle en péril la transition énergétique que nombre d’ONG locales encouragent ? L’or noir a peut être encore de beaux jours devant lui...

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