Une maladie d’origine inconnue frappe les travailleurs agricoles

Une mystérieuse affection rénale est devenue l’une des principales causes de mortalité chez les populations masculines du Salvador et du Nicaragua. Après avoir suspecté les pesticides, les spécialistes évoquent d’autres pistes et pensent que les ouvriers pourraient tout bonnement se tuer à la tâche.

Par GVadmin Modifié le 24 juillet 2012 à 16 h 55
Fatigue au travail. © Anna Maria Barry Jester (BBC)

Une mystérieuse affection rénale est devenue l’une des principales causes de mortalité chez les populations masculines du Salvador et du Nicaragua. Après avoir suspecté les pesticides, les spécialistes évoquent d'autres pistes et pensent que les ouvriers pourraient tout bonnement se tuer à la tâche.

À 19 ans, Maudiel Mártinez marche déjà comme un grand-père et sait qu’il n’en a plus pour très longtemps. Ses reins ont cessé de fonctionner correctement, et les poisons s’accumulent peu à peu dans son corps. Dans la petite communauté de La Isla, bordée de toutes parts par de vastes plantations de canne à sucre, les hommes meurent un à un, sans que les scientifiques puissent expliquer pourquoi.

Le jeune Maudiel explique que lorsqu’il est tombé malade, il a tout de suite pensé à son père et à son grand–père. La même maladie les a emportés eux-aussi, ainsi que trois de ses frères. Tous travaillaient dans les champs de canne à sucre. Cette mystérieuse affection rénale a décimé tant d’hommes à La Isla que les habitants de la région l’appellent désormais "La Isla de las viudas" (l’île des veuves).

Agriculteur salvadorien.
Agriculteur salvadorien. © CARACOL TELEVISIÓN S.A

Au Salvador, cette épidémie constitue désormais la deuxième cause de mortalité masculine et dans certaines régions agricoles, 25% des hommes sont atteints d’insuffisance rénale chronique. Leur point commun ? Le travail dans les champs. Pour Carlos Orante, docteur dans une clinique de la région de Bajo Lempas, les pesticides et les herbicides employés de manière systématique dans l’agriculture sont clairement en cause :

Ces produits chimiques sont interdits aux États-Unis, au Canada et en Europe, mais ils sont utilisés ici, sans aucune protection, et en grandes quantités.

Au Nicaragua, dans une plantation de canne à sucre financée par la Banque Mondiale pour la production d’éthanol, les ouvriers ont entamé une action en justice pour dénoncer leurs conditions de travail et l’exposition à des produits toxiques suspectés d’être à l’origine de l’insuffisance rénale chronique.

Un nouveau suspect : la chaleur

La Banque Mondiale a accepté de financer une étude pour déterminer les causes de la maladie, qui semble mettre les pesticides hors de cause. Sous la direction de Daniel Brooks, docteur à l’université de Boston, les scientifiques ont découvert que d’autres professions étaient elles-aussi touchées par la maladie. Toutes impliquent un travail pénible durant de longues périodes et dans des conditions de chaleur extrême. Le chercheur affirme :

Jour après jour, le travail manuel difficile et sans hydratation suffisante peut avoir des conséquences sur les reins qui ne sont pas évidentes à première vue, mais qui s’accumulent au fil du temps pour déclencher la maladie.

Un tel mécanisme n'a encore jamais été décrit dans la littérature médicale, mais une nouvelle étude préliminaire semble accréditer cette hypothèse. Les ouvriers agricoles des plantations de canne à sucre seraient particulièrement touchés en raison de leur mode de rémunération, car ils sont payés à la tâche. Aurora Aragón, de l'université nationale du Nicaragua, affirme :

Cette forme de travail oblige les gens à aller au-delà de leurs limites et cela a un impact sur leur santé.

Alors que les ouvriers s'organisent pour réclamer de meilleures conditions de travail et une prise en charge des personnes malades, quelque grands groupes sucriers réagissent timidement en accordant une heure de pause à leurs employés pour qu'ils puissent déjeuner, ou en s'assurant qu'ils boivent suffisamment. De maigres avancées, qui n'empêcheront pas les travailleurs de La Isla de continuer à risquer leur vie, chaque jour, pour tenter de faire vivre leur famille.

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