La microfinance bientôt blanchie des accusations de harcèlement

En 2010, une vague de suicides due au harcèlement des recouvreurs de la microfinance fait la Une de la presse. Deux ans après, les dossiers judiciaires qui accusent l’industrie sont clos. Dans la misère, les familles de victimes n’ont pas la force de lutter.

Par Cathy Phouphetlinthong Modifié le 8 juin 2012 à 15 h 59
Des familles indiennes n'ont pas d'autres choix que de s'endetter. © brobbeh ( Flickr)

En 2010, une vague de suicides due au harcèlement des recouvreurs de la microfinance fait la Une de la presse. Deux ans après, les dossiers judiciaires qui accusent l’industrie sont clos. Dans la misère, les familles de victimes n’ont pas la force de lutter.

Des familles indiennes n'ont pas d'autres choix que de s'endetter. © brobbeh (Flickr)

Après plusieurs centaines de suicides suspects en 2010, l’état de l’Andhra Pradesh a légiféré pour réguler la microfinance. Mais tout semble indiquer que les responsables des pratiques horribles de certains établissements de microcrédit ne seront pas inquiétés.

76 cas de suicides avaient été associés aux pratiques de ces institutions. Des procès ont été intentés et placés sous la section 306 du code pénal indien pour ‘incitation au suicide’. Les prêts étant assurés, les institutions de microcrédit avaient plus intérêt à ce qu’un emprunteur non solvable décède plutôt qu’il reste en vie sans pouvoir rembourser. En cas de décès l’assurance paierait… C’est sans doute pourquoi les recouvreurs ont reçu des instructions pour pousser tant de paysans à mettre fin à leurs jours.

Deux tiers des cas ont été clos. Selon les défenseurs des victimes, c’est le résultat de nouvelles pressions envers les familles de survivants. A ce titre, l’histoire de Banoth Bujji, une femme Adivasi de 35 ans, est caractéristique. Elle a fait en 2010, avec son mari agriculteur, deux emprunts d’un total de 17000 roupies (244 euros) auprès de Share Microfin Limited:

« Après avoir remboursé sept mensualités de 1100 roupies, il nous a été impossible de continuer. Suite à un retard de deux mois, les recouvreurs sont venus nous voir. Ils ont menacé de prendre tous nos meubles, de vendre notre maison ou de la brûler. Quelques jours après, mon mari a avalé des pesticides. »

Lors de sa première déposition à la police, Bujji a déclaré que son époux s’était suicidé à cause des menaces du prêteur. Mais il y a quelques mois, elle a changé de version. Son mari serait revenu ivre, se serait disputé avec elle. Elle aurait quitté le foyer et l’aurait retrouvé mort en y retournant le lendemain. Pourtant, elle reconnaît qu’elle a fait cette déclaration pour en finir avec les problèmes:

« Je suis ouvrière agricole, je gagne 100 à 150 roupies par jour (deux euros). J’ai eu des frais pour l’enterrement de mon mari, j’ai deux filles à nourrir. Chaque jour de procédure c’est un jour perdu pour le travail. Share Microfin m’a proposé 80 000 roupies (1150 euros) de compensations. Dites-moi ce que je devais faire ? J’ai accepté ».

Voilà comment ces organisations dont l’objectif est de sortir les plus pauvres de la misère, peuvent avec des pratiques inhumaines, les enfoncer dans un avilissement encore plus terrible…

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