Se travestir pour trouver un emploi ?

La discrimination à l’embauche est tellement répandue qu’elle fait partie du ‘folklore local’. Cependant, de jeunes étudiantes se révoltent par des performances qui comparent le destin des jeunes femmes modernes à celui de Hua Mulan.

Par Cathy Phouphetlinthong Modifié le 8 juin 2012 à 16 h 34

La discrimination à l’embauche est tellement répandue en Chine qu’elle fait partie du ‘folklore local’. Cependant, de jeunes étudiantes se révoltent par des performances qui comparent le destin des jeunes femmes modernes à celui de Hua Mulan.

La place de la femme a-t-elle réellement évolué ? © Faungg (Flickr)

Li Shuangshuang, 23 ans, est une jeune diplômée d’une prestigieuse université. A force d’écumer les foires au travail et de ne rien trouver, elle s’est lassée.

"Pas de grossesse avant 3 ans de travail", "Réservé aux hommes", "Le candidat doit mesurer plus d’ 1m65" … Avec ces clauses l’éliminant directement de certains postes et les refus ambigus, elle s’est sentie exclue du marché du travail. Le niveau de concurrence y est bien plus difficile qu'en Europe. Malgré sa croissance rapide, avec ses 1,4 milliards d’habitants et l’explosion du nombre de ses diplômés, la Chine reste un enfer de compétition.

Mulan du 21ème siècle

Shuangshuang a décidé d’agir pour réveiller ses concitoyens sur les difficultés des femmes à obtenir un travail. Dans les grands événements de recrutement, habillée et maquillée en homme, elle affiche des slogans provocateurs: "je souhaite retirer mon armure. Mais je ne trouve pas de travail, Hua Mulan revient au 21ème siècle".

Elle fait référence à l’héroïne d’une légende du cinquième siècle chinois, reprise par Disney dans un film d’animation de 1998. Chaque foyer devait fournir un soldat à l’empereur, son père était trop âgé et son frère trop jeune. Mulan s’est alors travestie et elle est partie à la guerre. Selon Li Shuangshuang, les jeunes Chinoises, même les plus brillantes, seront bientôt forcées de s’en inspirer pour obtenir un travail.

D’autant plus qu’elles sont de plus en plus nombreuses à rentrer à l’université. En 1957, seulement 23% des étudiants étaient des femmes. Cette proportion était passée à 54% en 2008. Dans certaines facultés de lettres et sciences humaines, le taux de jeunes femmes atteint 80%, comme à l’université des langues étrangères de Shanghai. Les employeurs continuant de préférer les hommes, la situation de ces diplômées devient de plus en plus difficile.

Des revendications de plus en plus nombreuses

Les actions similaires à celle de Li Shuangshuang se multiplient. Une jeune cantonaise a écrit une lettre ouverte aux patrons des 500 plus grandes entreprises chinoises, très médiatisée.

A Hangzhou, Li Shuangshuang a fait des émules. Li Tiantian, une jeune diplômée, a entamé des actions similaires, se travestissant et attirant la presse avec des pancartes revendicatrices :

Avant de commencer à chercher du travail, j’avais entendu des étudiantes plus âgées me parler de ça. Pour tout dire, je n’y croyais pas. Depuis un an, j’ai compris: il faut accepter d’accompagner les managers dans les dîners et de boire de l’alcool avec les clients. Il faut aussi accepter des salaires inférieurs, de s’habiller et de se maquiller de manière aguichante… sous peine de perdre son emploi. Pas tellement en accord avec ce qu’on apprend à l’université.

Selon une enquête de l’association nationale de protection de la femme, 90% des diplômées déclarent avoir été confrontée à la discrimination à l’embauche. Et ce malgré un arsenal législatif anti-discrimination qui existe. Mais comme souvent en Chine, le système est trop laxiste et surtout, allégrement ignoré par ceux qu’il concerne. Bon courage à Li Shuangshuang et consorts !

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