Severn Cullis-Suzuki: “La jeunesse peut changer la donne”

Severn Cullis-Suzuki, cette fervente défenseure de l’environnement, raconte à Youphil.com son engagement, à quelques semaines du Sommet de la Terre à Rio.

Par melanie.mangold Modifié le 15 juin 2012 à 16 h 03

Severn Cullis-Suzuki, cette fervente défenseure de l’environnement, raconte à Youphil.com son engagement, à quelques semaines du Sommet de la Terre à Rio.

Severn Cullis-Suzuki et son fils.

"Je suis ici pour parler au nom des générations futures". A douze ans, Severn Cullis-Suzuki a prononcé un discours extrêmement fort devant l’ONU, lors du sommet de Rio en 1992, pressant les dirigeants de prendre leurs responsabilités: "N’oubliez pas pourquoi vous participez à ces conférences, et pour qui vous êtes là (…) C’est vous qui allez décider dans quel monde nous allons grandir. Faisons-nous seulement partie de vos priorités? Je vous mets au défi: s’il vous plaît, faites en sorte de faire coïncider vos paroles et vos actes".

Des années après, la vidéo de son discours a fait le tour monde et des millions de vues sur Youtube:

Vingt ans après Rio, la fille du célèbre défenseur de l’environnement, David Suzuki, continue son combat pour sensibiliser les dirigeants et les citoyens sur la nécessité de protéger la planète, de sommet en sommet.

Son engagement pour l’écologie a débuté dès l’âge de 9 ans, quand elle a fondé l’Organisation des enfants pour l’environnement dont elle était la porte-parole à Rio 92. Preuve vivante que les jeunes peuvent remettre en question les décisions des générations précédentes, elle tentera une fois de plus de le prouver lors du prochain Sommet de la Terre à Rio+20. Elle y défendra les revendications de la coalition de jeunes CanadiensWE CANada.

Youphil.com: Vous êtes devenue célèbre à 12 ans, avec ce fameux discours devant l’ONU. Que représente ce moment pour vous aujourd’hui?

Severn Cullis-Suzuki: Cela a vraiment marqué le début de mon engagement au niveau international pour l’environnement. Après ce discours, j’ai commencé à être invitée à m’exprimer partout dans le monde. J’ai en quelque sorte mené une double vie pendant mon adolescence: j’étais à la fois une enfant et quelqu’un qui voyageait, au Japon, à Bejiing ou encore à New York. Ce discours a donc vraiment été un tournant dans ma vie.

Youphil.com: D’où vient votre engagement? L’activisme de vos parents vous a sûrement influencée…

S.C-S: C’est vrai, ils m’ont beaucoup influencée. Ils m’ont appris à me mobiliser pour les choses en lesquelles je croyais et combien il était excitant de faire partie de ceux qui tentaient de changer le monde. Cependant, ils ne m’ont jamais mis de pression pour que je m’engage. Ce qu’ils faisaient était tellement passionnant…

J’ai surtout eu la chance de passer beaucoup de temps dans la nature avec ma famille et mes amis, sur la côte ouest canadienne, où je vis toujours. Si les enfants gardent le contact avec la nature, nous aurons toujours des gens pour tenter de protéger notre planète.

Youphil.com: Jean-Paul Jaud a même réalisé un documentaire en 2010 ("Severn la voix de nos enfants") sur votre engagement. Comment réagissez-vous à cette sorte de "Suzuki mania"?

S.C-S: Je ne sais pas si c’est vraiment une "mania". Mais j’ai été vraiment surprise de voir Jean-Paul Jaud et son équipe venir me filmer à deux reprises. Je ne savais pas vraiment que j’allais être au centre de ce film.

J’ai fait beaucoup de choses depuis vingt ans, mais le discours que j’ai prononcé à 12 ans est vraiment ce qui a le plus marqué les gens. Cela prouve bien combien la parole de la jeunesse compte. Elle peut jouer un grand rôle dans ce mouvement vers une société plus juste et plus durable.

Youphil.com: Qu’est-ce qui a changé depuis 1992? Les gens paraissent-ils plus sensibilisés au problème du changement climatique?

S.C-S: Oui, bien sûr, les choses ont évolué en faveur du développement durable. Mais on n’a pas renversé la vapeur. En 1992, le changement climatique était encore au stade de la prévision. Aujourd’hui, on en voit concrètement les effets et toutes les discussions sur l’environnement prennent en compte ce facteur. Ce problème a donc gagné les consciences depuis vingt ans.

La différence, c’est qu’en 1992, on était dans une phase où tout le monde parlait d’environnement. Aujourd’hui, les gens semblent moins se sentir concernés. Il n’y a qu’à regarder la durée du Sommet de la Terre: elle était de deux semaines en 1992, et elle sera de trois jours en 2012. L’environnement ne fait visiblement plus partie des priorités.

Youphil.com: Pensez-vous que cela est dû à la crise économique?

S.C-S: Cela a dû jouer, c’est sûr. Mais c’est une erreur de laisser de côté l’environnement à cause de l’économie. C’est refuser de voir que ces deux domaines sont fondamentalement liés. Et c’est se voiler la face, de penser que l’on peut continuer à vivre au rythme de la croissance des décennies passées. Nous sommes bloqués dans un paradigme où l’on pense que l’on ne doit agir que si d’énormes profits sont en jeu.

Quand les banques sont en crise, tout de suite, on met en place des plans de sauvetage, et tout le monde est en crise. Nous devons revenir à l’essentiel: si nous n’avons pas un air, une eau et des sols sains, nous ne survivrons pas.

Youphil.com: Que combattez-vous aujourd’hui?

S.C-S: Je suis engagée dans la contestation du projet de pipeline Northern Gateway, qui traverserait le pays jusque la côte ouest où je vis. Les risques de fuites de pétrole sont énormes. Le gouvernement essaie de passer ce projet en force et de limiter la consultation des citoyens. Nous avons vraiment besoin d’un grand débat sur l’énergie au Canada.

Youphil.com: Le gouvernement va-t-il faire un pas en avant sur l’environnement, d’après vous?

S.C-S: [Elle hésite.] Nous devons faire évoluer le gouvernement sur la justice ou la démocratie, et pas seulement sur l’environnement. Je n’ai pas beaucoup d’espoir avec ce gouvernement conservateur. Par ailleurs, il a énormément influencé les médias.

Le groupe WE CANada souhaitait que je participe à Rio pour présenter nos propositions au gouvernement. C’est leur passion et leur optimisme qui m’ont poussée à y aller.

Youphil.com: Quelle sera votre rôle au Sommet de la Terre?

S.C-S: Je serai l’une des porte-paroles de WE CANada. Mais je serai principalement une simple citoyenne engagée. Je vais emmener mon dernier fils, qui a quatre mois. Je ne participerai pas à la table des négociations.

Youphil.com: Qu’attendez-vous de ce sommet?

S.C-S: J’espère au moins que les dirigeants se réengageront sur des nouveaux objectifs du millénaires forts pour la protection de la planète, car ceux-ci arriveront à échéance dans quelques années.

Youphil.com: Quelles mesures faudrait-il mettre en place en priorité?

S.C-S: Avec WECANada, nous proposons trois mesures, en particulier pour le Canada: un commerce équitable et une nouvelle mesure de la richesse du pays à la place du PIB qui reflèterait davantage le progrès, la santé, et la qualité de vie. Nous devons aussi trouver un moyen d'évaluer les bénéfices économiques que l'on peut retirer de notre éco-système. Cela permettrait de mieux préserver la planète. C'est un cliché, mais la forêt amazonienne est le poumon de la Terre. Nous devons la protéger.

Par ailleurs, il faudra évidemment développer l'économie verte.

Youphil.com: Etes-vous favorable à la création d’une Organisation mondiale de l’environnement (OME)?

S.C-S: Oui, même si je préférerais voir les questions d’environnement et de développement durable intégrées dans chaque organisation au lieu de créer des entités pour chaque domaine.

Or, ce n'est pas le cas. Nous avons donc besoin d’une OME, et il serait formidable d’avoir une Cour de justice pour l’environnement. Elle pourrait poursuivre les grandes firmes et les pays coupables de crimes environnementaux, en particulier les crimes inter-générationnels ou intra-générationnels. Le changement climatique en est un exemple, car il a été causé par les générations actuelles et passées, et il est irrévocable.

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