Des femmes stérilisées contre leur volonté

Alors que la Chine voisine a une politique de l’enfant unique bien connue, l’Inde procède différemment. Pour réduire les naissances, l’administration n’hésite pas à stériliser en masse, parfois dans des conditions sanitaires déplorables.

Par Cathy Phouphetlinthong Modifié le 6 août 2012 à 15 h 25

Alors que la Chine voisine a une politique de l’enfant unique bien connue, l’Inde procède différemment. Pour réduire les naissances, l’administration n’hésite pas à stériliser en masse, parfois dans des conditions sanitaires déplorables.

Une stérilisation permanente

La scène se passe en plein après-midi, dans la chaleur torride de Kolayat dans l’état du Rajasthan. Au dessus des femmes allongées à même le sol, les mouches s’affairent, attirées par des cicatrices toutes fraîches. Les enfants jouent à côté de leurs mères, certaines encore inconscientes. Elles viennent d’être opérées pour une stérilisation permanente. Dans un bureau voisin, le responsable du centre médical communautaire, SM Sharma, réprimande son personnel:

« Si vous ne me ramenez pas 5 patientes chacun avant la fin du mois, je fais un rapport pour critiquer votre travail. »

Sharma est inquiet, il est loin des objectifs qui ont été fixés à son dispensaire pour l’année.

L’Inde cherche à contrôler la croissance de sa population. Elle doit ramener le taux de fécondité moyen par femme des 2,5 enfants actuels à 2,1. Si l’objectif est compréhensible, la manière d’agir est critiquée. Il existe très peu d’informations sur les méthodes contraceptives, et les stérilisations permanentes sont forcées. Dans certains cas, les jeunes femmes des campagnes du Rajasthan ou du Madhya Pradesh voisin sont embarquées de force pour subir une opération.

Une enquête réalisée sur 954 femmes stérilisées

Si des lignes directrices ont été publiées par l’administration pour encadrer ces pratiques, elles sont peu respectées. En 2011, deux ONG basées à Delhi ont réalisé une enquête portant sur 954 femmes ayant été stérilisées. Seulement 12% d’entre elles avaient été informées des méthodes contraceptives alternatives existantes. Près de 42% n’avaient pas été averties du caractère permanent de l’opération et 80% n’avaient pas entendu parler d’éventuelles complications.

Sur les 11 examens préopératoires requis par la loi, seuls 3 avaient été réalisés. La plupart des patientes ont été évacuées du lieu de l’opération 4 heures après, certaines encore inconscientes: ramenées chez elles par des membres de leur famille, elles ont repris conscience le lendemain…

Une qualité déplorable des soins

L’efficacité des interventions opératoires pour contrôler la croissance de la population indienne est contestée. Les personnes informées refusent de plus en plus ce type de solution. La qualité déplorable des soins débouche sur un chiffre étonnant: 2,5% des patientes enfantent après leur opération. Bien plus que le taux de 0,5% considéré comme normal au niveau mondial.

Pour sortir les familles nombreuses de la misère, la solution ne semble pas être là. Elle passera par une baisse de l’illettrisme dans les campagnes et une meilleure information des parents. Un défi plus difficile à relever que la généralisation des interventions chirurgicales approximatives…

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