GLOBAL CONFERENCE – Interview de Jeremy Rifkin, essayiste et conseiller politique

Dans le cadre de la 7e édition des Ateliers de la Terre consacrée à la co-construction, Youth Diplomacy a rencontré Jeremy Rifkin, essayiste et conseiller de nombreuses personnalités politiques en Europe et aux États-Unis. Considéré comme l’architecte de la troisième révolution industrielle, il a travaillé avec le parlement européen et la commission européenne dans la définition du plan énergétique voté en 2007. Il nous livre sa vision d’un monde énergétique à l’image d’Internet : décentralisé et interconnecté.

Par Aurelie Taupin Modifié le 11 décembre 2012 à 17 h 03
Energies renouvelables.

Dans le cadre de la 7e édition des Ateliers de la Terre consacrée à la co-construction,  Youth Diplomacy a rencontré Jeremy Rifkin, essayiste et conseiller de nombreuses personnalités politiques en Europe et aux États-Unis. Considéré comme l'architecte de la troisième révolution industrielle, il a travaillé avec le parlement européen et la commission européenne dans la définition du plan énergétique voté en 2007. Il nous livre sa vision d'un monde énergétique à l'image d'Internet : décentralisé et interconnecté.

Que pensez-vous de la décision française d'abandonner l'exploitation et la recherche en matière d'extraction de gaz de schistes ?

Jeremy Rifkin :
C'est une sage décision. Je m'inquiète de voir les États-Unis et le Canada s'enfermer dans des technologies anciennes. Lorsque l'on regarde l'évolution de nos sociétés, on constate qu'elle se fait au travers de doubles révolutions : celle de l'énergie, et celle de la communication. La première révolution industrielle s'est faite autour de la machine à vapeur, le développement de l'école et la presse. Elle a eut pour conséquence le développement de l'identité nationale, en lieu et place d'identités régionales. La seconde se caractérise par la production centralisée d'électricité, le moteur à explosion et la radio. A l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, la CECA, puis Euratom, jetaient les fondements de l'Union européenne. Depuis quelques années, nous vivons la troisième révolution de la communication avec internet.
Mais celle de l'énergie n'en est qu'a ses débuts. Et l'Amérique du nord perd son avancée sur ce volet, au profit de l'Europe, et surtout de la Chine, particulièrement rapide à s'adapter. L'énergie est plus que jamais stratégique. Trois des cinq premiers groupes mondiaux sont énergétiques. Un tiers du PIB est directement issu du secteur de l'énergie. Contrairement a ce que l'on croit, seule 14% de la compétitivité est imputable au coût du travail et au capital. Les autres 86% dépendent de l'efficacité des échanges thermodynamiques.

Quels sont les objectifs de l'Europe en matière de construction énergétique ?

L'Europe a voté en 2007 son plan d'énergie, visant a réduire ses émissions de co2, à augmenter ses parts d'énergies renouvelables et à améliorer son efficacité énergétique de 20% respectivement. À terme, il s'agit de disposer d'une "énergie distribuée" pouvant être captée partout (via les énergies renouvelables) au lieu d'un système centralisé, qui s'avère cher et de plus en plus inadapté. Les pays émergents sont favorisés, ne disposant pas d'infrastructures préexistantes freinant l'innovation.

Comment l'Europe atteindra-t-elle ces objectifs ?

La stratégie de l'Europe se base sur 5 grands piliers. Le premier , je l'ai dit, est de développer les énergies renouvelables.
Le second est de repenser les bâtiments de façon à ce qu'ils deviennent positifs en terme d'empreinte énergétique. Si Steve Jobs était pionnier de l'informatique personnelle, le groupe Bouygues l'est sans doute pour le bâtiment à énergie positive. Aujourd'hui, des milliers de ces bâtiments ont déjà été construits dans le monde, et bientôt, des dizaines de milliers. Les immeubles à énergie positive vont se développer aussi vite que les micro-ordinateurs, avec une baisse des coûts technologiques et un attrait pour les énergies gratuites que sont le soleil, le vent...
Le troisième pilier consiste à stocker l'énergie, avec comme technologie centrale, la pile à hydrogène. D'ici a 2050, ces piles à combustible sont appelées à se rependre, aussi bien dans les véhicules que les immeubles, pour stocker l'excédent d'énergies renouvelables. 8 milliards d'euros ont déjà été investis par l'UE en solutions de stockage.
Le quatrième pilier est l'infrastructure intelligente permettant d'équilibrer les disponibilités et les demandes d'énergies. Je préfère parler d'un "Internet de l'énergie" que de smart grids, terme biaisé vers une production centralisée. Les opérateurs actuels sont appelés à disparaître, concurrencés par des énergies quasi-gratuites, ou à évoluer vers des rôles d'intégrateur de réseaux et de fournisseur de services. IBM a compris cela avec l'informatique, en revendant sa branche PC qui dégageait peu de marges pour se recentrer sur le cloud computing.
Le cinquième et dernier volet consiste à repenser les transports.

Cette révolution énergétique suppose bien entendu une évolution sociétale autant que technologique. Elle est déjà en route, avec une nouvelle génération habituée d'Internet, à une organisation transversale, à l'ouverture et au partage. Des milliers de start-ups investissent déjà sur ce terrain, notamment dans les pays émergents, où l'apport de l'électricité dans les foyers modifie drastiquement des structures familiales et libère la femme.

Propos recueillis par Lucas Brunet et Michael Ravier de Youth Diplomacy pour Green&vert

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