Une ville futuriste perdue dans la jungle : dernier caprice du président Obiang

Pour assurer sa sécurité, le plus vieux dictateur africain rêve de bâtir une nouvelle capitale, au cœur de la forêt. Un chantier démesuré financé grâce à la manne inépuisable des pétrodollars, dont le peuple ne voit toujours pas la couleur : la pauvreté sévit encore à grande échelle, dans un pays où la richesse par habitant dépasse pourtant celle de l’Islande.

Par Stacy Aubenas Publié le 9 janvier 2013 à 0 h 33

Pour assurer sa sécurité, le plus vieux dictateur africain rêve de bâtir une nouvelle capitale, au cœur de la forêt. Un chantier démesuré financé grâce à la manne inépuisable des pétrodollars, dont le peuple ne voit toujours pas la couleur : la pauvreté sévit encore à grande échelle, dans un pays où la richesse par habitant dépasse pourtant celle de l’Islande.

Oyala, capitale fantôme en Guinée Equatoriale
® BBC Mundo

Oyala, capitale fantôme

Au plus profond de la jungle, se dresse une gigantesque coupole d’acier et de verre, dont les lignes évoquent un vaisseau spatial échoué dans une mer végétale. Un ballet incessant de grues et de tractopelles agrandit peu à peu l’étrange structure, qui se transformera peut-être un jour en bibliothèque universitaire.

Pour l’instant, le campus n’existe pas, pas plus que la ville qui l’accueillera : tout reste à construire. Baptisée Oyala, cette cité encore hypothétique pourrait devenir la nouvelle capitale de Guinée équatoriale, si le chantier pharaonique mis en œuvre par le chef d’État arrive un jour à son terme.

Les coûts sont exorbitants et se chiffrent en milliards de dollars : chaque clou, chaque brique, chaque matériau est importé. Car si la Guinée regorge de pétrole et de bois, elle ne produit pas grand-chose, pas même la nourriture des ouvriers, qui doit être acheminée depuis le Cameroun.

Cette ville futuriste, où les hôtels de luxe côtoieront les autoroutes à six voies, voit le jour dans un pays miné par la misère et la corruption. Outre le président et son gouvernement, il est prévu qu’elle abrite 200 000 personnes, mais nul ne sait encore d’où elles viendront. La Guinée équatoriale compte à peine 700 000 âmes, dont la grande majorité vit près des côtes, bien loin d’Oyala.

Le pétrole, une arme contre la démocratie ?

Cet isolement n’est certainement pas pour déplaire au « président » Teodoro Obiang, en place à la tête du pays depuis 33 ans. Il garantira la sécurité d’un dirigeant qui compte s’accrocher encore longtemps au pouvoir et aux richesses qu’il lui procure, malgré les menaces qui pèsent sur lui.

Visé par un coup d’État manqué il y a huit ans, Obiang a de bonnes raisons de craindre la colère de son peuple. Comment expliquer que la grande majorité des habitants vivent avec à peine plus d’un dollar par jour, sans eau courante ni assainissement, alors que le pays dispose d’un PIB par tête supérieur à celui du Royaume-Uni ou de l’Islande ?

La Guinée équatoriale est le troisième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne, mais l’espérance de vie n’y dépasse pas 55 ans.

Elle peut être plus courte encore pour les défenseurs des droits de l’homme et les activistes jugés trop dangereux, qui sont généralement invités à reconsidérer leur position dans les geôles de la prison de Black Beach.

« C’est un État policier, semblable à la Corée du Nord », dénonce Plácido Micó, un député de l’opposition. « L’argent du pétrole est utilisé comme une arme contre la démocratie. »

Biens mal acquis profitent encore

Les relations du dictateur avec les puissances occidentales sont complexes : les pays riches veulent profiter de la manne pétrolière, sans toutefois soutenir ouvertement le régime.

Les frasques du fils du président, Teodorín, ne sont pas du meilleur effet. Ce play-boy de 40 ans risque la confiscation d’un hôtel particulier de six étages et d’une flotte de douze véhicules de luxe à Paris, tandis que la justice américaine menace de s’emparer de sa résidence de Malibu, de son jet privé et de quelques souvenirs de Michael Jackson estimés à deux millions de dollars.

 « Ils accusent mon fils d’avoir acquis ces biens de manière illégale », s’indigne Teodoro Obiang. « Personne ne vole ici. Au contraire, tout ce que mon gouvernement a fait c’est augmenter le niveau de vie de la population et offrir de meilleures infrastructures. »

Un discours convaincant : Teodoro Obiang vient d’être réélu avec 97% des suffrages.

Aucun commentaire à «Une ville futuriste perdue dans la jungle : dernier caprice du président Obiang»

Laisser un commentaire

* Champs requis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.