Une alimentation sans gluten, que vous en ayez besoin ou non

Entre la maladie, les intolérances et l’effet de mode, le régime sans gluten s’empare des rayons d’épiceries américaines. Mais qu’en est-il vraiment et où en sommes-nous ?

Par Octavia Tapsanji Modifié le 18 février 2013 à 10 h 47

Entre la maladie, les intolérances et l’effet de mode, le régime sans gluten s’empare des rayons d’épiceries américaines. Mais qu’en est-il vraiment et où en sommes-nous ?

Ne mangez pas de blé.

C'est la recommandation draconienne d'un régime sans gluten, une interdiction qui enterre de nombreux plats de cuisine américaine - petits gâteaux, pizzas, pain et macaronis au fromage, pour n’en nommer que quelques-uns.

Pour l’Américain sur 100 qui souffre de la maladie cœliaque, cette directive médicale est incontestable. Mais pour les autres ?

De nombreux experts s'accordent à penser qu'il existe une autre intolérance liée au gluten que la maladie cœliaque. En 2011, un groupe d'experts sur le cœliaque réunis à Oslo a même désigné un terme médical pour ce dérangement (non-celiac gluten sensitivity).

Mais ce qu'ils ne savent toujours pas c’est combien de personnes sont sensible au gluten, quels sont ses effets à long terme, ou même comment l'identifier de manière fiable. En effet, ils ne savent pas vraiment de quelle maladie il s'agit.

Des symptômes plus qu’une maladie

Sa définition est plus un diagnostic qu'une description : quelqu'un qui n'a pas été dépisté comme cœliaque, mais dont l'état de santé s'améliore avec un régime sans gluten et s'aggrave lorsqu’il ingère du gluten. Il pourrait même s’agir de plus d’une maladie.

« Nous n'en avons absolument aucune idée à ce stade », a déclaré le Dr Stefano Guandalini, directeur médical du centre de la maladie cœliaque de l'université de Chicago.

Kristen Golden Testa, directrice du programme de santé en Californie pour les partenariats avec les enfants, pourrait bien être l'une de ces intolérantes au gluten. Même si elle n'a pas été dépistée comme cœliaque, elle a adopté un régime sans gluten l’année dernière. Elle affirme avoir perdu du poids et que ses allergies ont disparu.

Elle n'a pas consulté de médecin avant d’entamer ce régime, et elle ne sait pas non plus si le fait d’avoir supprimé le gluten de son alimentation est la cause directe. « Ceci est mon hypothèse » dit-elle. En même temps, elle  confie avoir également renoncé au sucre et mis l'effort sur une alimentation plus riche en légumes et en noix.

Les nombreux défenseurs du régime sans gluten clament que ces intolérances portent atteintes à la santé de millions de personnes. Ils pensent qu'en évitant le gluten - un composé d'amidon et de protéines présents dans certaines céréales comme le blé, l'orge et le seigle –les malades retrouvent rapidement leur énergie et que les maux chroniques sont soulagés. L’avoine est aussi souvent évitée car elle serait mise en contact avec des graines pouvant contenir du gluten.

Pour d’autres, c’est simplement une nouvelle mode qui passera comme ce fut le cas pour le régime Atkins il y a 10 ans qui recommandait d'éviter les hydrates de carbone.

En effet, les Américains dépensent chaque année des milliards de dollars pour les aliments étiquetés « sans ». Et des célébrités, comme l'actrice et chanteuse Miley Cyrus, encouragent leurs fans à renoncer au gluten. «Le changement sur votre peau, votre santé physique et mentale est incroyable! » A-t-elle posté sur son Twitter en avril dernier.

Vraiment meilleur pour sa santé ?

Pour les experts du cœliaque, le zèle anti-gluten est un revirement spectaculaire. Il n’y pas si longtemps encore, ils avaient du mal à sensibiliser les médecins sur le fait  que le pain et les pâtes pouvaient rendre certaines personnes très malades. Maintenant, ils expriment de la prudence, modérant les revendications sauvages sur un régime sans gluten.

« Ce n'est pas un régime alimentaire plus sain pour ceux qui n'en ont pas besoin», explique le Dr Guandalini. Ces personnes « suivent, pour la plupart, un phénomène de mode. »

Néanmoins, le Dr Guandalini admet que certaines personnes qui ne sont pas atteintes de cœliaque bénéficient d’un mieux-être en suivant un régime sans gluten. Mais il ne peut pas dire combien.

Presque tout le monde est d'accord sur le fait que le blé est entré dans l'alimentation humaine il y a seulement 10 000 ans, avec l'avènement de l'agriculture.

« Durant les 250 000 premières années, l'homme a évolué sans avoir cette protéine très étrange dans son ventre», explique le Dr Guandalini. « Et par conséquent, cette protéine différente ne peut pas être digérée complètement par l'intestin humain. Beaucoup de gens ne se sont pas adaptés à ces grands changements, de sorte que certains effets indésirables liés à l'ingestion de gluten se sont développés à ce moment-là. »

De plus en plus d’intolérance

Ce qui inquiète les médecins, c'est que le problème semble être croissant. Après avoir testé et comparé des échantillons de sang du siècle précédent avec aujourd’hui, des chercheurs ont découvert que le taux de cœliaque semble être en augmentation. Pourquoi ? Un autre mystère. Certains blâment le blé, puisque certaines variétés cultivées aujourd'hui contiennent des niveaux élevés de gluten car il contribue à donner un pain moelleux et croustillant.

Il existe aussi des gens qui sont allergiques au blé (et pas nécessairement au gluten), mais jusqu'à récemment, la plupart des experts avaient pensé que l'allergie cœliaque et de blé étaient les seuls problèmes liés à la consommation de cette graine.

Pour 99 personnes sur 100 qui ne sont pas cœliaques - et celles qui n'ont pas d’allergie au blé - les fragments de gliadine non digérés passent généralement sans danger à travers l'intestin, et les avantages possibles d'un régime sans gluten sont nébuleux, voire inexistants pour la plupart. Mais ce n'est pas tout.

Les témoignages anecdotiques comme celui de Mme Golden Testa sont nombreux. Certaines personnes atteintes de maladies comme le syndrome du côlon irritable ou la polyarthrite ont remarqué une réduction de leurs symptômes, mais il n'existe aucune preuve scientifique pour étayer la plupart des revendications. Les experts se sont montrés sceptiques. Il n'y a pas de preuve évidente, par exemple, que quelqu'un puisse perdre du poids avec un régime sans gluten. En fait, c’est même le contraire qui se produit souvent pour les patients cœliaques.

Ils démontrent également des craintes que les gens finissent par manger moins bien. Un muffin sans gluten contient généralement moins de fibres que son homologue à base de blé et offre toujours les mêmes dangers alimentaires : graisses et sucre. Les aliments sans gluten sont également moins susceptibles d'être enrichis en vitamines.

Mais encore une fois, des études viennent contredire cela.

Ce qui a conduit de nombreux experts à reconnaitre que la maladie n'était pas seulement dans la tête des patients. « Ce n'est pas seulement un effet placebo», ajoute le Dr Marios Hadjivassiliou, un neurologue et spécialiste ducœliaque à l'Université de Sheffield en Angleterre.

Le Dr Thomas O'Bryan, un chiropraticien, explique qu’en effectuant des tests auprès de ses patients, 30% d'entre eux avaient des anticorps dirigés contre des fragments de gliadine dans leur sang. «Si une personne a le choix de manger ou de ne pas manger de blé, pour la plupart des gens, éviter le blé serait l'idéal. »

Le Dr Guandalini doute que l’on puisse détecter une sensibilité au gluten aussi facilement qu’effectuer un test d’anticorps et selon lui il n’existe pas de test sanguin qui puisse fonctionner.

Il doute également que la sensibilité au gluten soit aussi élevé que le Dr O'Bryan l’affirme. Selon lui on ne dépasserait pas plus de 1% de la population.

Il a déclaré que son groupe de recherche travaillait sur des tests biologiques qui pourraient déterminer la sensibilité au gluten. Certains résultats sont prometteurs, a-t-il dit, mais il est trop tôt pour en parler. Les experts sur lecœliaque incitent les gens à ne pas faire ce que Mme Golden Testa a fait –un autodiagnostic. S’ils sont réellement cœliaques, des tests pour le diagnostiquer doivent être réalisés. Ils recommandent également de consulter un médecin avant de commencer un régime sans gluten.

2 commentaires on «Une alimentation sans gluten, que vous en ayez besoin ou non»

  • Quel site internet ne vante pas les mérites de ce régime ? Il suffit de saisir “gluten” dans son moteur de recherche.

    Pour moi, il s’agit d’un effet de mode, un mode made USA, avec des produits bien plus chers, pour les occidentaux. Alors que dans certains pays, des enfants sont en carence alimentaire, ou pire, crèvent de faim !
    Je trouve cela honteux !

    Une de mes amies tient ce type de blog, et a même essayé de me faire croire que j’avais des problèmes intestinaux dus au gluten…….alors qu’elle ne sait même pas de quoi sont composés mes repas ! Petites pilules pour l’intestin et régime à l’appui.
    J’ai pris mes distances……

    J’ai eu connaissance, par Que Choisir Santé, d’une personne qui avait guéri de sa polyarthrite Rhumatoïde, grâce à de la gymnastique douce et en suivant une psychothérapie afin de faire face à ses fantômes familiaux.

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  • Les blédines et biscuits premier-âge vendues en pharmacie sont depuis plusieurs décennies souvent proposées “sans gluten”.

    Il y a 30 ans, lorsque j’ai eu mon premier bébé, j’ai posé la question à mon pharmacien qui me vendait ces blédines : “pourquoi sans gluten ?” Il m’a passé une brochure où il était écrit que le gluten peut provoquer des désordres neurologiques sur certains nourrissons, pouvant laisser des séquelles et même provoquer la mort du nourrisson.
    10 ans plus tard, j’essayai un régime sans gluten et sans produits laitiers, sur moi et mes 3 enfants. Ce régime fit un bien fou à mon fils âgé de 8 ans qui souffrait d’insomnies, d’irritabilité, et d’une grande nervosité. Il permit à ma fille aînée de sortir de sa timidité, et aux trois enfants de faire des progrès spectaculaires sur leurs bulletins scolaires.
    Lors d’un essai de reprise de gluten (un plat de pâtes sans produits laitiers) , j’ai pu observer le retour aigu des crises d’insomnies, de dépression et d’agressivité chez mon fils.
    Je m’étonne donc de n’avoir vu nulle part dans l’article, les désordres nerveux, comportementaux ou neurologiques comme conséquences possibles du gluten.
    D’autre part, il me semble exagéré de devoir consulter un médecin avant d’essayer un régime sans gluten. Il y a des peuples entiers qui ne consomment pas de gluten, ceux dont l’alimentation de base est le riz, le millet ou le maïs, ou ceux qui vivent de manière primitive de cueillettes et de chasse. Et ces peuples ne souffrent pas plus de carences que l’occidental moyen, voire même moins. Peu de médecins sont au courant des dangers du gluten, et donc le risque est grand que votre généraliste vous décourage de faire cet essai.

    Quant aux études “inexistantes” sur l’intérêt de supprimer le gluten, il n’y a pas plus grand aveugle que celui qui ne veut pas voir. Les travaux du docteur Jean Seignalet (http://www.seignalet.fr/), démontrent un taux de guérison ou d’amélioration de l’ordre de 90% sur la polyarthrite Rhumatoïde, et sur de nombreuses autres maladies auto-immunes ou chroniques, sans aucun effet secondaire indésirable. Il est vrai que ce régime n’exclut pas que les céréales contenant du gluten, mais aussi tous les produits laitiers. L’association de ces 2 évictions est beaucoup plus performante que l’éviction de l’une ou l’autre de ces catégories d’aliments : l’ effet de synergie de ces 2 produits inadaptés à notre métabolisme doit être plus grand qu’on ne le pense.

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