Economies d’énergie dans le bâtiment : pourquoi ne pas commencer par l’habitat partagé ?

Le secteur du bâtiment étant l’un des principaux consommateurs d’énergie, beaucoup parlent des nouvelles normes de construction, de la réglementation thermique 2012, des solutions techniques de rénovation et des moyens de la financer qui ne sont pas suffisants.

Par Maximilien Rouer Modifié le 4 mars 2014 à 8 h 41

Le secteur du bâtiment étant l’un des principaux consommateurs d’énergie, beaucoup parlent des nouvelles normes de construction, de la réglementation thermique 2012, des solutions techniques de rénovation et des moyens de la financer qui ne sont pas suffisants. La conclusion d’une étude menée récemment par BeCitizen est claire : 85 % du gisement d’économies d’énergie réside dans les maisons individuelles, dont 50 % dans celles des petits propriétaires qui en ont hérité ou ont pu l’acheter, mais n’ont pas les moyens d’entreprendre une rénovation thermique conséquente de leur bien. Pourtant, avant même de s’interroger sur la rénovation ou sur la construction de nouveaux logements à haute performance environnementale, il serait opportun d’optimiser l’occupation d’une partie du parc d’habitation.

Les logements les plus grands sont parfois occupés de façon partielle par des gens seuls. Selon l’INSEE, 9,1 millions de personnes vivaient seules dans leur logement en France en 2008, et une personne seule dispose en moyenne de 30m² de plus que celles qui vivent en famille. Il existe donc un gisement d’économies d’énergie qui n’est pas exploité : l’habitat partagé. Le principe est de partager des espaces communs (bureau, buanderie, garage, jardin, salon, cuisine, etc.) et des équipements (électroménager, chauffage, éclairage, etc.), tout en permettant à chacun de conserver son intimité dans des espaces privatifs (chambre, salle de bains, etc.). C’est une solution déjà mise en œuvre à l’étranger : au Canada, aux Etats-Unis ou encore en Allemagne, le partage d’équipements et de parties communes est déjà largement répandu ; au Danemark, 5 % des surfaces de logement sont partagés.

En améliorant le taux d’occupation des logements, l’habitat partagé permet de facto de réduire le coût du logement (à l’achat ou en location) et de diminuer les factures d’énergie, tout en augmentant la surface disponible. Par exemple, 6 personnes qui décident de passer de trois logements distincts de 50 m² à un appartement commun de 110 m², réduiraient de 20 % les coûts et les consommations d’énergie tout en augmentant de 40 % leur surface habitable, avec une cuisine et un salon plus grands et des parties privées de tailles équivalentes. De plus, le fait d’être plus nombreux à occuper un logement permet de dégager plus facilement les moyens financiers nécessaires pour le rénover thermiquement. Dans ce cas, la consommation énergétique par personne peut diminuer encore plus. Enfin, l’habitat partagé réduit aussi les besoins en infrastructures (énergie, eau, déchet) et en transport pour la collectivité, en limitant l’étalement urbain, qui génère des déplacements plus longs, à la source de consommations énergétiques importantes.

L’habitat partagé n’est pas seulement une solution écologique et économique, il pourrait répondre aussi à des préoccupations sociales et sociétales. A l’heure où 1,24 million de ménages français sont en attente d’un logement social, améliorer l’occupation des logements existants contribuerait pour partie à remédier à la situation de mal-logement dont les spécialistes du sujet annoncent qu’elle va aller en s’aggravant. Par ailleurs, cette forme de partage de l’espace s’adapte à l’évolution de la structure familiale, qui a changé depuis l’hiver 1954 lorsque l’Abbé Pierre s’est insurgé contre le mal-logement : en France aujourd’hui, une famille sur cinq est monoparentale et partager une partie de son logement avec un autre parent isolé faciliterait le quotidien dans un grand nombre de cas.

Avec le développement de l’habitat partagé, de nouvelles prestations devraient voir le jour pour les collectivités ou leurs administrés :
- aménagement et promotion immobilière de bâtiments conçus ou réaménagés dans cette perspective (aménagement intérieur, acoustique, services, etc.),
- services de mise en relation ou montage d’opérations,
- assistance administrative et juridique (aide à la contractualisation entre occupants, assurances complémentaires, factures partagées, etc.).
De nombreux acteurs privés sont pressentis sur ces nouveaux métiers et services : agences immobilières, promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux ou encore opérateurs de services à l’environnement. Ce dispositif est donc une opportunité de développement de nouveaux services aux villes et à leurs administrés, soutenus par les plans logements et plans climats territoriaux. Dans le Grand Lyon, Icade vient notamment de lancer BiHome, une solution de logements adaptés à l’évolution des modes de vie citadins : il sera possible d’y loger une famille et d’héberger dans un espace commun mais indépendant une jeune fille au pair, qui pourra laisser plus tard sa place à un étudiant, un travailleur indépendant à domicile, un parent isolé ou un auxiliaire de vie.

L’habitat partagé est une solution d’optimisation énergétique, complémentaire des initiatives de rénovation ou de construction de neuf. L’habitat partagé n’est pas encore passé dans les mœurs, et pourtant, changer l’aménagement de nos habitats dans ce sens pourrait apporter plus de confort et plus de modernité, en donnant les moyens d’investir dans des équipements performants et des logements mieux rénovés. Ce dispositif est une alternative économique, écologique et sociale en matière de logements face à un modèle aujourd’hui trop monolithique, inefficient, coûteux et inégalitaire.

Maximilien Rouer

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