Les femmes sud-africaines demandent 1 milliard d’Euros au gouvernement

Février 2013 restera dans les mémoires comme atrocement violent pour les femmes d’Afrique du Sud, pays qui remporte le titre de « Capitale mondiale du viol et du meurtre de femmes ». Peut-être février 2013 pourra-t-il aussi devenir le mois où le pays a exigé des changements constructifs pour mettre fin à la violence dont il est empreint.

Par Stacy Aubenas Publié le 21 février 2013 à 0 h 33

Février 2013 restera dans les mémoires comme atrocement violent pour les femmes d’Afrique du Sud, pays qui remporte le titre de « Capitale mondiale du viol et du meurtre de femmes ». Peut-être février 2013 pourra-t-il aussi devenir le mois où le pays a exigé des changements constructifs pour mettre fin à la violence dont il est empreint. 

Un quart des hommes sud-africains avouent avoir déjà violé quelqu’un dans leur vie. 64 000 femmes portent plainte tous les ans dans ce pays. D’autres innombrables ne s’en donnent même pas la peine, tant c’est commun. 2500 autres sont tuées chaque année et ne peuvent plus protester. Pas un mois sans qu’un homme « n’explose » et se suicide en tuant tous les membres de sa famille. Pas une manifestation sans morts. L’Afrique du Sud est un pays violent.

Un budget pour lutter contre les femmes battues, violées et tuées

Cette semaine, le Président Jacob Zuma - accusé de viol sur la fille de son vieil ami, juste avant son élection, puis acquitté- devait présenter son discours sur l’état de la Nation et annoncer le budget. Les femmes lui réclament 10 milliards de rands pour lutter contre la violence sexuelle.

Bien sûr, cette somme énorme a fait réagir les commentateurs qui la trouvent irréaliste. Toutefois, si on la compare aux 5 milliards reçus par la compagnie aérienne « South African airways » ou aux 40 milliards reçus par le Ministère de la Défense, la somme devient recevable.

Une onde de choc et de réactions en chaine s’est déclenchée suite au viol de groupe puis à la torture de Anene Booysens, 17 ans, en février. Hélas, l’horreur a continué avec un déluge de viols et de meurtres qui ont eu lieu la semaine suivante : une centenaire, une enfant de 4 ans ... Le pays entier fait son examen de conscience et crie à l’outrage. On réclame le retour de la peine de mort. Pour couronner ce mois abominable, un des héros du peuple sud-africain, Oscar Pretorius, le champion olympique, tuait sa petite amie dans sa maison le jour de la St Valentin, de 4 balles, avec une arme automatique.

Les journalistes questionnent aussi leur style de vie, leur éducation, le modèle qu’ils ont reçu de leur père et la violence dont ils sont eux-mêmes coupables dans leur vie quotidienne, comme Paul Berkowitz. Il admet avoir usé de force contre les femmes de sa vie, même s’il n’a jamais violé personne, car la violence peut être psychologique, financière, verbale.

Un gros manque de financement  

En même temps, les organisations ont du renvoyer leur personnel par manque de financements. La plus célèbre, Rape Crisis, risque de fermer bientôt, alors que le nombre de viols augmente sans cesse. Elle ne fonctionne qu’avec une salariée (la directrice) et 60 volontaires, pour le moment. Ce n’est pas la seule organisation incapable de répondre à la situation de crise que connait le pays à cause de coupes de budgets.

Or, sans argent, impossible d’investir dans le changement des dynamiques des communautés, de faire passer des messages dans les écoles et les collectivités. Il faut de l’argent pour lutter contre le chômage et contre le trop grand problème des drogues. La méthamphétamine, appelé TIK, qui rend violent et fait disparaître les inhibitions, est devenu la drogue principale des Sud- africains depuis 2005. Il faut payer des cures de désintoxication. Il faut que les professionnels de la santé et les fermiers travaillent sur le niveau d’alcoolisme des régions rurales afin de perdre un autre triste titre : la capitale mondiale du syndrome fœtal alcoolique[1]. Il faut de l’argent pour renforcer le système judiciaire, réduire les files d’attente des dossiers, et condamner les violeurs. Il faut de l’argent contre le manque d’organisations civiles qui luttent contre ces fléaux.

Cela va-t-il suffire pour faire changer les choses ?

Une Commission d’enquête a été nommée, soutenue par la section féminine du parti dirigeant, l’ANC. Les politiciens de l’autre parti important, l’Alliance démocratique (DA) renchérissent avec leurs propres exigences et leurs questions dérangeantes, des manifestations éclosent dans le pays. Le secteur privé doit se remettre en question aussi : il est normal de loger les travailleurs des mines par exemple loin de leur famille, dans des dortoirs insalubres où règne la violence physique et sexuelle.

Si 10 milliards de rands semblent une somme énorme, il faut se demander combien d’argent cela coûterait de continuer à ignorer les violences faites à la moitié de la population. Combien pour les arrestations, les poursuites judiciaires, les prisonniers, les femmes déprimées, négatives, malades, incapables de continuer à être un individu productif de la société, les enfants traumatisés, les familles détruites, les suicides, les soins médicaux, psychiatriques, les problèmes qui se répercutent d’une génération sur l’autre ? C’est le prix de l’inaction qui est trop haut.

Toutefois, aux États-Unis, on voit aussi que Sean Penn, Mel Gibson, Charlie Sheen, ou Chris Brown, tous coupables de violences conjugales, continuent leur carrière comme si de rien n’était.

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