La Responsabilité Sociétale des assureurs africains

C’est sous la Présidence de M. André Bayala, PDG de SONAR et Président de l’Association Professionnelle des Sociétés d’Assurances du Burkina Faso (APSAB) que nous interviendrons, le 27 février à Yaoundé, sur la Responsabilité Sociétale des Sociétés d’Assurances lors de l’Assemblée Générale de la Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines, FANAF.

Par Octavia Tapsanji Publié le 22 février 2013 à 0 h 02

C’est sous la Présidence de M. André Bayala, PDG de SONAR et Président de l’Association Professionnelle des Sociétés d’Assurances du Burkina Faso (APSAB) que nous interviendrons, le 27 février à Yaoundé, sur la Responsabilité Sociétale des Sociétés d’Assurances lors de l’Assemblée Générale de la Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines, FANAF. Nous remercions vivement les membres de la FANAF et particulièrement son Président M. Protais Ayangma Amang pour cette opportunité.

D’après la norme ISO 26000, la Responsabilité Sociétale est la responsabilité d’une organisation vis à vis de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement se traduisant par un comportement transparent et éthique qui :

  • Contribue au développement durable y compris à la santé et au bien-être de la société
  • Prend en compte les attentes des parties prenantes
  • Respecte les lois en vigueur et qui est en accord avec les normes internationales de comportement et
  • Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations au sein de la sphère d’influence

Depuis quelques années, on observe une montée en puissance de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) en Afrique. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour justifier le regain d’intérêt des investisseurs et des dirigeants pour la RSE.

La première est liée au contexte international. Présentée comme la nouvelle frontière de l’économie, l’Afrique est désormais au cœur de toutes les convoitises. Pour contrer la percée asiatique et particulièrement chinoise, les pays occidentaux misent sur la RSE. A travers la législation, les entreprises de ces pays sont contraintes de publier un rapport extra financier sur les actions sociales et environnementales. Parallèlement, les multinationales soumises aux principes directeurs de l’OCDE doivent mettre en place un reporting RSE y compris dans leurs filiales et les chaines d’approvisionnement.

La seconde est continentale. La classe moyenne africaine est de plus en plus sensible aux problématiques sociales et environnementales. Les entreprises sont donc obligées de répondre à cette demande de leurs consommateurs et de se différencier par rapport à la concurrence. La pression sociale de cette classe moyenne est accentuée par des millions de jeunes Africaines (près de la moitié de la population) dont l’insertion socio-professionnelle reste un défi pour les autorités et les entreprises. Ils sont également très sensibles à la bonne gouvernance et au partage de la valeur créée. C’est ce qui explique les différentes tensions sociales à l’origine du printemps arabe.

On peut aussi citer la pression des bailleurs de fonds qui exigent la prise en compte de la bonne gouvernance, de l’équité sociale et la préservation de l’environnement dans les projets qu’ils financent. Les médias et les ONG relaient désormais de plus en plus les dérives des entreprises. D’ailleurs, syndicats de salariés, associations de protection de l’environnement ou de défense des communautés locales saisissent de plus en plus la justice pour obtenir des compensations pour ces pratiques irresponsables des entreprises. Nous estimons que ce phénomène de RSE subie va s’accentuer en Afrique. Enfin, en plus des rémunérations très intéressantes, les entreprises doivent également prouver leurs valeurs éthiques et sociétales pour recruter et garder les cadres africains de haut niveau fortement demandés.

La troisième raison de l’émergence de la RSE en Afrique est liée au regain du patriotisme africain pour un développement territorial durable (ancrage des entreprises dans le territoire, transformation sur place des matières premières et création des emplois décents) et la nécessité d’internalisation des externalités négatives par certains secteurs d’activités à risque (Télécom, industrie agro-alimentaire, entreprises chimiques et industries extractives)

Face à ce constat, en définissant une assurance comme un service qui fournit une prestation lors de la survenance d’un risque, on peut affirmer que la Responsabilité Sociétale doit être au cœur du projet de développement des sociétés africaines d’assurance.

En effet, avec ses immenses ressources naturelles, ses terres arables non utilisées, son potentiel économique et écologique, l’Afrique est désormais au cœur des enjeux géopolitiques, stratégiques et climatiques. Parallèlement, les Africains doivent gérer au moins quatre mutations majeures : urbaine, économique, démocratique et démographique. Ces différentes transitions provoqueront des chocs accentués par les tensions sociales, les conflits d’usage, la raréfaction des ressources naturelles et les conséquences du changement climatique.

Quelles seront les conséquences de ces différentes séquences sur le chiffre d’affaires et les activités des assureurs africains ?

Le thème général de la 37ème Assemblée Générale Annuelle de la FANAF « Assurance et risques sociaux » est révélateur de l’intérêt de la profession pour la problématique. L’une des clés se trouve dans la Responsabilité Sociétale.

Mais évoquer la Responsabilité Sociétale des entreprises d’assurances en Afrique nécessite une vision prospective du couplage risques-opportunités à cause du business model. Cette analyse passe par quatre strates.

Comme toute entreprise évoluant dans le contexte africain décrit, les assureurs sont interpellés sur leur pratique de la RSE au quotidien. D’un point de vue environnemental et social, plusieurs actions sont envisageables. Elles pourraient d’ailleurs être économiquement rentables. Mais la question centrale pour cette activité est la relation avec les assurés. Combien sont-ils ces Africains qui n’envisagent même pas de se retourner vers leurs assureurs en cas de dommage ?

Un promoteur immobilier nous a confié le mois dernier qu’il allait saisir les tribunaux contre son assureur. Lors de la souscription de l’assurance, personne n’a mentionné la conformité des installations avec certaines normes électriques. Dès le premier sinistre, l’expert mandaté par l’assurance pointe cette absence avec pour conséquence l’absence d’indemnisation. Le « Comportement transparent et éthique » mentionné dans la définition de la RSE selon l’ISO 26000 est prioritaire dans la relation assureur – assuré.

Par ailleurs comme entreprise citoyenne, les assurances sont également interpellées sur la contribution à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en Afrique devenus Objectifs du Développement Durable (ODD) à l’issue du sommet Rio + 20.

La seconde strate est plutôt en lien avec le cœur de métier. Les organisations qui n’intègrent pas en amont des politiques ambitieuses dans le domaine de l’environnement, du social et de la bonne gouvernance sont et seront plus vulnérables aux différents chocs. Elles représentent potentiellement des coûts plus élevés pour la compagnie d’assurance. Cette dernière peut donc les sensibiliser à la RSE et les assister pour l’identification de ces risques.

Une entreprise plus responsable étant de fait « moins risquée » et donc plus rentable pour l’assureur. C’est d’ailleurs ce qui a été expliqué par un assureur, le 13 juin dernier à Kinshasa, au cours d’une intervention lors de la Première Table Ronde sur la RSE en République Démocratique du Congo. Ce point est d’autant plus important que lors des chocs en Côte d’Ivoire, au Cameroun (ces deux pays représentent respectivement le premier et deuxième marché des adhérents de la FANAF) et en Tunisie, il y a eu des destructions d’entreprises, parfois avec la complicité des salariés, alors que dans la même rue certaines étaient préservées soit par les salariés soit par les casseurs. Les initiatives RSE et le comportement des dirigeants sont aujourd’hui évoqués pour expliquer ce phénomène.

La troisième strate est la saisie des opportunités et des nouveaux marchés offerts par les risques sociaux, écologiques et économiques. Il s’agit d’innover pour proposer de nouveaux services. C’est également le cas pour les populations pauvres et les acteurs de l’économie informelle qui représentent un marché important pour les entreprises d’assurances. On peut citer par exemple les assurances climatiques pour les petits agriculteurs et les assurances funéraires pour le bas de la pyramide en plein développement actuellement en Afrique. D’après une étude publié par le Bureau International du Travail et la Fondation Munich Re l’Afrique représente à peine 5 % du marché mondial de la microassurance malgré son immense potentiel.

Enfin comme investisseur, l’assureur doit intégrer les principes de l’investissement responsable dans ses placements. Ainsi les compagnies d’assurances sont invités à exiger dans les projets financer un reporting ESG (Environnement, Social et Gouvernance).

Pour passer à l’action, les assureurs africains peuvent se référer aux principes de l’assurance durable adoptés en juin dernier lors du sommet de Rio + 20 organisé au Brésil par les Nations Unies.

Thierry Téné

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