Appel à la “fin des marchés du carbone” : droit de réponse

Le GERES est une association de solidarité internationale qui travaille depuis plus de 35 ans à la lutte contre la pauvreté par l’accès à l’énergie tout en limitant les changements climatiques. Elle souhaite réagir à la déclaration de 110 organisations appelant à la « Fin du marché du carbone européen ».

Par Octavia Tapsanji Modifié le 14 mars 2013 à 17 h 30

Le GERES est une association de solidarité internationale qui travaille depuis plus de 35 ans à la lutte contre la pauvreté par l’accès à l’énergie tout en limitant les changements climatiques. Elle souhaite réagir à la déclaration de 110 organisations appelant à la « Fin du marché du carbone européen ».
L’ONG s’appuie sur une expérience de 10 ans en matière d’accès au financement carbone pour apporter nuances et précisions à cet appel sans équivoque.



Pourquoi a-t-on donné un prix au carbone ?
Au même titre que la biodiversité, la stabilité climatique peut être considérée comme un bien public mondial : chacun sur cette planète a le droit d’en bénéficier.
Les émissions de gaz à effet de serre contribuent au dérèglement du climat. Elles ont donc un impact négatif sans que celui-ci ne soit pris en compte dans les secteurs de l’économie mondiale. D’un point de vue économique, c’est ce qu’on appelle des externalités négatives. Pour refléter ces coûts sociaux et environnementaux, un prix à la tonne de CO2 émise a donc été fixé.
Pourquoi a-t-on choisi de créer un marché du carbone ?
Il existe 3 principaux mécanismes économiques pour limiter les émissions de CO2 : la fiscalité, la réglementation et le système d’échange de quotas d’émissions. Les 3 peuvent et doivent cohabiter !
La fiscalité (taxe carbone) et le système d’échange de quotas d’émissions ont l’avantage d’influencer le comportement des acteurs économiques qui ont le choix d’agir ou de payer. Par contre, ces mécanismes ont l’inconvénient de peser sur le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. La contrainte réglementaire européenne en vigueur sur les véhicules (géqCO2/Km), le bâtiment (kWh/m²) ou encore au niveau sectoriel, permet de réduire sensiblement les émissions de CO2.
A Kyoto, en 1997, la communauté internationale a décidé de miser sur le système d’échange de quotas pour réguler les émissions mondiales de CO2.
Le marché du carbone fonctionne-t-il ?
En théorie, une tonne de CO2 qui coûte 30 € à celui qui l’émet incite ce dernier à agir pour l’éviter. Mais à 5 €, prix actuel du quota d’émission, l’incitation est trop faible pour engager la société dans une transition énergétique. Sur ce point, nous reconnaissons que le système ne fonctionne pas.
Notons la jeunesse de ce système et louons les ajustements de la commission européenne pour contrer la chute du prix du carbone : mesures proactives contre la fraude, mise aux enchères et retrait de 900 millions de quotas d’émissions, intégration de nouveaux secteurs émetteurs, et exclusion de certains types de projets (destruction de gaz industriels).
Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Les marchés du carbone permettent à des acteurs d’échanger leurs « droits à polluer » mais Kyoto a également instauré des mécanismes dits de projets : le MDP – Mécanisme pour un Développement Propre - et la MOC – Mise en Œuvre Conjointe.
Après 10 ans d’existence, le MDP doit être réformé. Sa contribution au développement durable local doit notamment être plus ancrée dans les activités mises en œuvre sur le terrain. Cependant, les 4600 projets menés depuis 2004 ont permis d’éviter plus d’1 milliard de tonnes équivalent CO2 et de lever plus de 200 milliards de dollars US destinés à un développement « propre » dans les pays du Sud.
Le marché du carbone sert-il à quelque chose ?
Les ONG de développement comme le GERES font face à un fléchissement tendanciel des financements institutionnels. La diversification de leurs sources de financements est donc primordiale. La finance carbone fait partie de ces autres opportunités de financements.
Grâce au projet de diffusion de cuiseurs améliorés menés au Cambodge depuis 1997, le GERES a permis à plus de 360 000 ménages, soit plus d’1,5 million de personnes de réduire leur consommation de charbon et par conséquent leur précarité énergétique. Le renforcement de la filière économique locale, clef de voûte du projet, a également eu un impact très positif.
Ces résultats ont été atteints grâce à la finance carbone.
Pour le GERES, la finance carbone n’est pas une finalité. C’est un moyen pour qu’un maximum de personnes bénéficie de solutions énergétiques éprouvées.
Enfin, au niveau français, la Mise en Œuvre Conjointe commence à faire ses preuves en permettant de réduire l’apport des engrais chimiques azotés dans l’agriculture, de diversifier l’alimentation des vaches ou encore de valoriser les réductions des émissions de CO2 des particuliers et entreprises liées à au transport ou à l’ habitat.
Le GERES considère que l’essentiel est d’endosser nos responsabilités en réduisant en priorité nos propres émissions de CO2 que ce soit par nos choix de consommations, par la fiscalité, les réglementations ou les marchés.
Il n’existe pas une, mais plusieurs solutions. C’est la mise en cohérence des différents moyens qui est primordiale.
Favoriser le développement socio-économique des populations les moins responsables mais les plus vulnérables face aux changements climatiques demeure une question d’équité et de justice. Reconnaissons-le : bien que nécessitant des
ajustements, les marchés du carbone ont permis la création de mécanismes de financement pertinents et innovants.
Cela fait 10 ans que le GERES s’évertue à relever le défi de s’appuyer sur les marchés du carbone tout en étant en accord avec ses valeurs et en prenant en compte la réalité des projets sur le terrain. Il s’agit donc de ne pas fermer les yeux sur ces expériences constructives.
Renaud Bettin

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