La sécurité au sens littoral du terme

En 2011, le séisme et le tsunami du Tohoku dévastaient les côtes japonaises. L’an dernier, l’ouragan Sandy engendrait un mur d’eau qui allait engloutir les basses régions côtières de la côte Est des États-Unis, notamment à New York et dans le New Jersey.

Par Stacy Aubenas Modifié le 11 mars 2014 à 10 h 16

En 2011, le séisme et le tsunami du Tohoku dévastaient les côtes japonaises. L’an dernier, l’ouragan Sandy engendrait un mur d’eau qui allait engloutir les basses régions côtières de la côte Est des États-Unis, notamment à New York et dans le New Jersey. Ce genre d’évènements catastrophiques met en lumière la vulnérabilité des zones littorales du monde entier face aux phénomènes météorologiques extrêmes créateurs de violentes montées des eaux (plus profondes au niveau des côtes) ainsi que de vagues colossales et particulièrement puissantes.

Même si Sandy n’en était plus qu’au stade de cyclone post-tropical lorsqu’il frappa les États-Unis, les vents qu’il engendra affectèrent une superficie de 1 800 kilomètres, entraînant des vagues et un niveau de l’eau si extrêmes qu’il décima la côte du New Jersey, détruisant des communautés entières, anéantissant les casinos et les avenues sur lesquels l’économie locale reposait en grande partie. Dans Battery Park, à l’extrémité sud de Manhattan, le niveau des eaux atteignit 4,2 mètres, inondant les maisons, les commerces, et plongeant des millions de personnes dans le noir total. Les vagues atteignirent également des hauteurs extrêmes, une bouée située à proximité de l’entrée du port de New York ayant enregistré un pic de hauteur de 10 mètres entre le creux et le sommet de la vague.

Sept ans plus tôt, l’ouragan Katrina avait frappé les côtes américaines du golfe du Mexique, considéré comme une tempête de catégorie 3. Le niveau des eaux étant monté jusqu’à 7 à 10 mètres, et ayant parfois inondé certaines régions situées jusqu’à 20 kilomètres à l’intérieur des terres, Katrina causa des dégâts catastrophiques sur ces côtes, des dégâts qui n’ont pas encore été intégralement réparés. En 1989, l’ouragan Hugo avait frappé à proximité de Charleston en Caroline du Sud, les eaux atteignant un niveau de presque quatre mètres. Et la liste ne s’arrête pas là.

À l’époque où les zones côtières n’étaient pas aussi densément peuplées, ce genre de tempêtes, bien que violentes, ne causait pas de dégâts aussi considérables et durables pour la vie et même la survie des habitants. Aujourd’hui, en revanche, le commerce et les loisirs étant omniprésents sur les côtes du monde entier, l’approche passive d’autrefois n’est plus possible aujourd’hui.

Par ailleurs, dans la mesure où le réchauffement climatique entraîne une montée du niveau des mers, le potentiel destructeur de ces tempêtes extrêmes s’en trouve considérablement accru. Bien que cette montée du niveau des océans puisse paraître insignifiante à court terme, particulièrement lorsqu’on la compare aux violentes montées causées par les tempêtes majeures, ses effets à long terme ne doivent pas être ignorés.

La combinaison de montées des eaux extrêmes et de vagues colossales entraîne ainsi des ravages sur les côtes. Pour autant, ces défis ne sont pas insurmontables. En effet, plusieurs solutions émanant d’un certain nombre d’ingénieurs pourraient permettre de protéger les habitants des zones côtières contre les conséquences désastreuses des tempêtes extrêmes.

Plusieurs situations passées nous fournissent des exemples de plans d’action susceptibles d’être adoptés dans une démarche d’optimisation des remparts côtiers, à travers un réaménagement du rivage qui permettrait une protection future. L’une des approches mises en avant consisterait à décider d’un périmètre qui resterait inhabité et constituerait une zone tampon s’étendant à partir du rivage. À Hilo, sur l’île d’Hawaï, à la suite des ravages causés par les tsunamis de 1946, 1960 et 1964, il fut décidé que la zone vulnérable avoisinant la ville serait désormais un parc municipal, qui n’autoriserait la construction d’aucune structure.

De son côté, le Japon a eu recours presque exclusivement à un ensemble de digues et de brise-lames le long de la côte Est de l’île de Honshu. Malheureusement, le tsunami du Tohoku a englouti et parfois détruit ces structures protectrices – y compris la digue de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi située dans le nord de Honshu. S’en suivit la quasi-fusion des trois réacteurs actifs de la centrale, qui entraîna une accumulation de gaz hydrogène, une série d’explosions et d’incendies, ainsi qu’une libération de matières radioactives dans l’atmosphère.

De tels remparts côtiers contribuent sans aucun doute à préserver les structures sensibles. Ils devraient cependant être accompagnés de zones tampons au niveau du rivage, des zones interdisant la construction de maisons, d’écoles et d’hôpitaux.

Ces barrières protectrices n’exigent pas nécessairement un lourd investissement ; elles peuvent consister en monticules de sable de plusieurs mètres de hauteur, installés le long de l’océan, à proximité du rivage. En effet, aux États-Unis et dans d’autres pays, seuls de larges champs de dunes et autres zones de végétation sont utilisés pour séparer le rivage des immeubles.

Les dunes de sable sont particulièrement avantageuses compte tenu de la valeur économique des zones littorales. Elles offrent une protection immédiate pendant la saison des tempêtes, et peuvent être retirées pendant les périodes de l’année au cours desquelles la probabilité de tempêtes est faible, et l’affluence touristique la plus importante. Afin de préserver davantage l’économie locale, il est également possible de réparer le littoral à la suite de fortes tempêtes, grâce à un procédé appelé « rechargement sédimentaire » des plages (à savoir le remplacement du sable disparu, à partir de sources externes).

La protection des zones urbaines située à proximité de l’océan mais ne présentant pas la possibilité d’une zone tampon exige une approche différente. L’une des options consisterait à bâtir des digues et/ou des revêtements suffisamment hauts pour empêcher une inondation. Il est toutefois probable que les résidents locaux s’opposent à la construction de telles structures, en raison de leur apparence inesthétique. Par ailleurs, comme le démontre l’expérience japonaise récente, la construction de structures protectrices contre les menaces les plus puissantes – telles que le séisme du Tohoku de magnitude 9.0 et que le tsunami qui suivit – exigerait des projets considérablement coûteux.

Dans la ville de New York, une zone correspondant à ce genre de situation, une alternative a été proposée : l’installation de barrières massives contre les inondations liées aux tempêtes, situées à l’entrée de la zone portuaire et pouvant être fermées à l’approche d’une tempête violente. De telles structures ont été bâties le long de la Tamise à Londres, une barrière similaire étant également prévue à Venise, en Italie. Seulement, en plus d’exiger des investissements substantiels, cette approche soulève de sérieuses questions, reflétant l’incertitude quant aux effets possibles de la rivière sur les ports, aux conséquences environnementales d’une fermeture de la baie, ainsi qu’à l’impact sur le transport commercial.

Quoi qu’il en soit, il est indispensable d’adopter des normes de construction plus strictes concernant les structures bâties dans les régions côtières. Il pourrait notamment s’agir de concevoir les rez-de-chaussée des immeubles du littoral de manière à permettre aux montées des eaux de les traverser sans inonder les étages inférieurs, minimisant ainsi les dommages potentiels pour les commerces et les maisons. Par ailleurs, les constructions au niveau de zones côtières dévastées par des événements extrêmes pourraient être prohibées, comme Hilo a choisi de la faire à Hawaï.

Les régions littorales sont les plus exposées à toutes sortes d’événements météorologiques extrêmes. Des mesures peuvent néanmoins être entreprises afin de protéger ces communautés. Il est possible d’adopter pour chaque cas une approche appropriée tenant compte des considérations sécuritaires, économiques et esthétiques – pour le bien des citoyens locaux, des commerces et de l’environnement.

Fredric Raichlen

Traduit de l’anglais par Martin Morel.


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