Faut-il ouvrir une nouvelle route à travers l’Amazonie ?

Pour les communautés de la région, fortement pénalisées par leur isolement, la route serait synonyme de nouvelles opportunités. Mais la construction d’un axe de 270 km à travers la jungle ouvrira aussi une voie royale au pillage des ressources naturelles et menace les tribus isolées. L’ONG Global Witness dénonce la corruption et les conflits d’intérêts entachant la préparation du projet.

Par Octavia Tapsanji Modifié le 4 juin 2013 à 14 h 57

Pour les communautés de la région, fortement pénalisées par leur isolement, la route serait synonyme de nouvelles opportunités. Mais la construction d’un axe de 270 km à travers la jungle ouvrira aussi une voie royale au pillage des ressources naturelles et menace les tribus isolées. L’ONG Global Witness dénonce la corruption et les conflits d’intérêts entachant la préparation du projet.

©Dirk van der Made

Pic de déforestation, exploitation minière illégale et braconnage

Alors que la construction d’une route de 270 kilomètres à travers l’Amazonie fait l’objet de vifs débats au parlement péruvien, l’ONG Global Witness publie un rapport détaillant les nombreuses entorses à la loi que comporte le projet.

L’association internationale spécialisée dans la lutte contre la corruption affirme que les promoteurs de cette initiative ne sont autres que les compagnies forestières et minières qui rêvent de bénéficier d’un nouvel accès aux richesses de la forêt.

Car le scénario est toujours le même : l’ouverture d'une route à travers l’Amazonie correspond invariablement à un pic de déforestation, d'exploitation minière illégale et de braconnage. Cette fois, le projet menace également plusieurs populations autochtones, dont certaines vivent en “isolement volontaire”.

Une région à l’abandon

La nouvelle voie terrestre unirait Puerto Esperanza, dans la région d’Ucayali, à Iñapari, dans la province de Madre de Dios. Mais en coupant de part en part le parc national Alto Purú ainsi que deux autres réserves naturelles, le projet viole clairement les lois péruviennes sur les zones protégées.

Malgré tout, le projet compte aussi de fervents défenseurs, tel le curé italien Miguel Piovesan, installé depuis longtemps dans la région, qui réclame la construction de la route depuis 2004.

Selon lui, les opposants au projet se refusent purement et simplement au développement économique des populations autochtones. Car même l’ONG Global Witness s’accorde à dire dans son rapport que la région souffre d’un véritable abandon de la part du gouvernement, à la fois à cause de son isolement et de son faible nombre d'habitants.

À Purús, 73 % des foyers n'ont pas accès à l'électricité et les rares privilégiés n'en bénéficient que pendant 5 heures par jour. Un cinquième de la population est analphabète, et la province ne compte que sept centres de soins et dix lits d’hôpitaux. L’espérance de vie est l’une des plus basses du pays, et les revenus moyens par habitant et par mois ne dépassent pas 85 dollars.

Des coûts sociaux et environnementaux sous-évalués

Mais pour Billy Kyte, porte-parole de Global Witness, l'arrivée de la route ne constitue pas une réponse appropriée à ces problèmes :

« Il est crucial d’investir dans la région pour sortir Purús de son isolement et améliorer l’accès aux services de la population, mais il est nécessaire de se demander qui seront les réels bénéficiaires de ce projet. Les coûts sociaux et environnementaux énormes impliqués par cette nouvelle route n’ont pas été correctement évalués, c’est pourquoi il est impératif que le parlement vote contre sa construction. »

Selon le document présenté par l’ONG, le processus de préparation du projet est déjà entaché de conflits d’intérêts, de contrats illégaux pour l’exploitation forestière et même de pots-de-vin.

« Un représentant de la Fédération des communautés autochtones de la province de Purús s’est vu offrir 10 000 dollars par un fonctionnaire local pour soutenir la construction de la route », signale le rapport.

Développement ou préservation ? C’est aux parlementaires péruviens qu’il appartient désormais de résoudre le dilemme soulevé par le nouveau projet.

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