Quinoa : bon pour la santé, pas pour la terre ?

La « graine dorée » séduit les marchés occidentaux grâce à ses qualités nutritives inégalées et conduit les pays andins à multiplier sans cesse leur production. Les modes de culture traditionnels et l’élevage des lamas sont abandonnés pour faire face à la demande, mettant en péril la fertilité des sols.

Par Mathieu Viviani Modifié le 25 juin 2013 à 9 h 53

La « graine dorée » séduit les marchés occidentaux grâce à ses qualités nutritives inégalées et conduit les pays andins à multiplier sans cesse leur production. Les modes de culture traditionnels et l’élevage des lamas sont abandonnés pour faire face à la demande, mettant en péril la fertilité des sols.

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2013, Année internationale du quinoa

Pour la Bolivie, principal producteur mondial de quinoa, l’engouement mondial suscité par la pseudo-céréale andine est porteur d’espoir. Et il ne s’agit pas d’une mode passagère, comme l’explique une récente publication de la FAO : « Dans le futur, le quinoa est amené à jouer un rôle plus important dans le système alimentaire global, en raison de sa capacité d’adaptation à différentes régions agroécologiques et de ses qualités nutritionnelles supérieures. »

L’organisme international estime que les dépenses des pays développés dans le secteur des aliments sains et naturels continueront de soutenir la demande au cours des prochaines années. Cerise sur le gâteau, le gouvernement d’Evo Morales a même obtenu des Nations unies qu’elles déclarent 2013 Année internationale du quinoa.

Car la « graine dorée » a tout pour séduire : elle offre plus de protéines que le riz, le blé ou le maïs, et contient huit acides aminés essentiels ainsi que d’importantes quantités de fer, de calcium, de magnésium, de potassium, de phosphore et de zinc. Pauvre en graisse et exempte de gluten, elle est également facile à digérer.

L’élevage de lamas en net recul

Cette popularité croissante a un impact important au sein des principaux pays producteurs. Au Pérou, en Équateur et en Bolivie, les surfaces cultivées ont presque doublé au cours des deux dernières décennies, tandis que la production a été multipliée par huit depuis 2005.

De bonnes nouvelles sur le plan économique, qui inquiètent cependant l’agronome Vladimir Orsag, directeur du Programme de recherche stratégique de Bolivie : « Face à la forte demande mondiale, les méthodes traditionnelles ont été abandonnées », explique le spécialiste.

Les prix à l’exportation grimpent sans cesse et incitent les paysans à pratiquer la monoculture du quinoa sur des terrains montagneux fragiles, où il se substitue à d’autres cultures locales. La frontière agricole s’est également déplacée sur des zones autrefois réservées à l’élevage de camélidés, qui connaît un fort recul. Le fumier produit par le bétail étant justement la principale source d’engrais naturel utilisée dans la région, les sols perdent peu à peu leur fertilité.

Quinoa, l’aliment des pauvres ?

Selon Vladimir Orsag, cette course à la productivité amène également les paysans à ne plus respecter de périodes de jachère et provoque l’érosion des sols ainsi qu’une perte accélérée de matière organique. Conscient des problèmes soulevés par le boom du quinoa, le gouvernement encourage un retour aux pratiques traditionnelles, qui ont permis de conserver la fertilité des plateaux andins durant des millénaires.

Les autorités boliviennes cherchent également à stimuler la consommation nationale de quinoa, qui représente à peine 24 % de la production totale. Car si la céréale andine connaît un vif succès en Europe ou en Amérique du Nord, elle est toujours boudée par une partie importante de la population, qui la considère comme « l’aliment des pauvres ».

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