Une autre manière d’aider les enfants ‘laissés pour compte’

Depuis des années, le sort des millions d’enfants des campagnes quittés par leurs parents partis travailler en ville émeut l’opinion. Au lieu de verser des larmes, certains agissent. C’est le cas d’une ONG qui innove pour rendre un peu de bonheur à ces enfants.

Par Octavia Tapsanji Modifié le 25 septembre 2013 à 9 h 12

Depuis des années, le sort des millions d’enfants des campagnes quittés par leurs parents partis travailler en ville émeut l’opinion. Au lieu de verser des larmes, certains agissent. C’est le cas d’une ONG qui innove pour rendre un peu de bonheur à ces enfants.

©Tine Steiss

Des enfants à l'abandon

C’est un des phénomènes sociaux souvent cités par les médias occidentaux pour illustrer « l’envers du décors » du miracle économique chinois. Des jeunes parents des campagnes ou de villes intermédiaires quittent leur foyer pour gagner de quoi subvenir aux besoins du nouveau né. Financièrement incapables d’emmener avec eux leur progéniture (les loyers et le coût de la vie des grandes villes les en empêchent), ils les laissent avec un proche, souvent un des grands parents. Cibles parfaites pour les prédateurs de toutes espèces, ces enfants ‘abandonnés’ sont d’autre part souvent méprisés et ont un avenir bien sombre. Ne voyant leurs parents que quelques jours par an, ils constituent malheureusement un ‘terrain favorable’ au développement des troubles psychiques de tous genres.

Une ONG a décidé d'agir

Selon les statistiques officielles, la province du Guangdong compterait 4 millions 380 de ces ‘orphelins de fait’. Pas étonnant qu’une ONG de Canton, capitale de la province, soit à l’origine d’un programme innovant pour venir en aide à ces petits oubliés.

Cette organisation, INNO, est plus connue pour ses projets d’utilisation des médias sociaux pour résoudre les conflits ouvriers – employeurs, qui sont conduits avec succès depuis plusieurs années. Avec son nouveau cheval de bataille pour aider les enfants laissés pour compte, l’ONG se prépare un second succès. Pour la première session du genre organisée fin août, elle a réuni 13 enfants et leurs parents ouvriers migrants à Canton pendant 4 jours. Par une suite d’activités ludiques, ces familles éclatées se redécouvrent. « Quel est le jour de l’anniversaire de ta maman ? » « Quand a-t-elle été malade pour la dernière fois ? » « Qu’est-ce que ton papa a fait qui t’a le plus ému ? ». Ce type de questions auxquelles les participants ne savent bien souvent pas répondre, permettent de rafraîchir la mémoire de certains, avant de passer aux choses sérieuses. Ensuite, les activités en commun se multiplient pour finir en ‘apothéose’ par une visite sur les lieux de travail de ces parents migrants.

Recréer le lien parent-enfant

INNO a réussi à convaincre plusieurs usines d’ouvrir leurs portes aux enfants de leurs ouvriers. Les réactions sont diverses. Un petit garçon effrayé par le bruit d’un atelier de soudure où travaille son père veut en sortir au plus vite. Une fille de 8 ans voit sa mère sur un chaîne d’emballage : « Coller les étiquettes, mettre en boîte, fermer : il faut que maman fasse ça 10 000 fois par jour. Je n’en serais pas capable. Tout ça pour que je puisse aller à l’école le plus longtemps possible sans avoir besoin de travailler ».

Sheila, responsable du projet chez INNO, est convaincue de la justesse de sa démarche : « Pour la plupart de ces familles, 4 jours, c’est la plus longue période qu’ils peuvent passer ensemble. Ils se voient une fois par an, mais jamais plus longtemps que cela. Bien qu’ils forment un ‘foyer’, ils se connaissent à peine plus que des inconnus qui se rencontrent dans une rue de Canton ». D’où la nécessité de recréer le lien perdu.

Prendre le mal à la racine

Certes, rapprocher une dizaine d’enfants de leurs parents ne va pas changer le destin des millions de bambins concernés par cette situation. « Mais les parents concernés par notre démarche vont en parler autour d’eux. Nous les informons de toutes les possibilités existantes pour résoudre la situation, et des techniques pour se rapprocher de leurs enfants. A force d’organiser ce type d’événements, on finira par avoir un impact » espère Sheila.

Le mieux serait cependant que les autorités travaillent à résoudre le mal à la racine. Pourquoi ces familles doivent-elles quitter leurs foyers ? Pourquoi ne peuvent-elles raisonnablement pas emmener leur(s) enfant(s) ? Au delà des obstacles financiers, les difficultés administratives sont légion. Il est notamment très difficile pour un Chinois de mettre son enfant à l’école ailleurs que dans la municipalité où il est né.

Avant que ces embûches ne soient éliminées*, les actions du type de celle de INNO seront donc nécessaires.

* la nouvelle administration a promis d’engager une vaste réforme du hukou, le livret de famille lié à l’endroit de la naissance. Ce système est à l’origine de beaucoup de ce type de problèmes

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