Les banques et la doctrine « trop grandes pour être condamnées »

Par GV Modifié le 12 juin 2014 à 17 h 35

On connait la maxime : « Trop grandes pour faire faillite » (’Too Big To Fail’). Les gouvernements des pays les plus industrialisés ont géré la crise provoquée par les banques en adoptant une nouvelle doctrine qui peut être résumée par : « Trop grandes pour être condamnées ».

(c) The Guardian

Eric Holder, procureur général des États-Unis, interrogé en juin 2013 par une commission du Sénat de son pays, a résumé clairement le fond de la doctrine « Trop grandes pour être condamnées » : « ces institutions sont si grandes qu’il est difficile de les poursuivre en justice, et si on le faisait, on se rendrait compte qu’effectivement, les inculper pour activités criminelles pourrait avoir des répercussions négatives pour l’économie nationale, voire mondiale »

Les retombées de cette position sont claires.  Alors que la justice des Etats-Unis et d’Europe est confrontée à de très graves délits et des crimes commis par les plus grandes banques, aucune ne s’est vu retirer la licence bancaire. Pourtant, la liste de leur méfaits est considérable : escroquerie en bande organisée à l’encontre des clients, des (petits) actionnaires et des actionnaires publics ; blanchiment d’argent du crime organisé ; organisation systématique de la fraude fiscale à très grande échelle ; manipulation en bande organisée des taux d’intérêts (Libor, Euribor…)… et la liste n’est pas exhaustive.

Sur le site globalresearch.ca,  des exemples ont été passés en revue. On en a choisi six  qui témoignent de la gravité de la situation actuelle.

BNP Paribas (1ère banque en France). Pour avoir utilisé le dollar dans ses transactions avec des « ennemis des Etats-Unis » sous embargo, comme l’Iran ou Cuba, la banque française est menacée par une amende de 10 milliards de dollars, soit plus de 7 milliards d'euros  |1|.  Par contre, il faut rappeller que la BNP et ses filiales sont adhérentes du FGDR (le Fonds de garantie des dépôts et résolutions). C’est d'ailleurs une des conditions exigées pour qu'une banque (ou un établissement de crédit) soit autorisée à opérer en France. Si une banque venait à défaillir, le FGDR indemnise les clients à hauteur de 100 000 euros par client.

Sources 1.Le Monde, “Premier traumatisme dans l'histoire de BNP Paribas", 29 mai 2014;

Deutsche Bank (1ère banque en Allemagne) est l’objet d’amendes ou d’enquêtes approfondies dans plusieurs affaires récemment conclues ou toujours en cours : la manipulation des prix du marché de l’électricité en Californie (DB a payé une amende) |1|, la participation en 2009-2010 à un montage frauduleux de vente de certificats d’émission de CO2 (dioxyde de carbone) dans le cadre d’un vaste réseau d’évasion fiscale |2|, la dissimulation d’une perte de 12 milliards de dollars en 2009 dans le trading de produits dérivés |3|, la manipulation du Libor (DB s’est vu infliger une amende par la Commission européenne.

Sources: 1.The Wall Street Journal, “US Fines Deutsche over Energy Trades”, 23 janvier 2013; 2. Financial Times, “Six jailed for tax evasion in emissions trades probe”, 22 décembre 2011; 3. Financial Times, “D Bank in new probe over crisis accounting”, 4 avril 2013

Royal Bank of Scotland (3e banque britannique), nationalisée par le gouvernement britannique en 2008 (début 2014, l’Etat détient toujours 81% des actions) afin de lui éviter la faillite, est accusée d’avoir poussé à la banqueroute des PME viables pour pouvoir récupérer leurs actifs à bon compte |1|. Lawrence Tomlinson, conseiller britannique du ministère du Commerce, adopte un ton accusateur et déclare : « Il y a de nombreux exemples bouleversants d’entreprises saines qui ont été détruites par RBS et de l’impact dévastateur que cela a pu avoir sur la vie des entrepreneurs »

En France, le 28 janvier 2014, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a condamné Royal Bank of Scotland, assignée par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU), à propos d’un litige portant sur trois contrats de swap. Le TGI de Paris a retenu que RBS avait manqué à son obligation d’information et à son devoir de conseil.

Sources : 1.Le Soir, « Royal Bank of Scotland poussait les PME à la faillite », 26 novembre 2013. Voir aussi : Le Monde, “La banque britannique RBS accusée d’avoir poussé des entreprises à la faillite”, 25 novembre 2013

Crédit Suisse (2e banque suisse) et 13 autres banques suisses dont UBS et HSBC Suisse, sont impliquées dans l’organisation de la fraude fiscale destinée aux grosses fortunes des Etats-Unis. Ces 14 banques sont en négociations avec les autorités des Etats-Unis pour régler tous les conflits pendants et redémarrer sur de nouvelles bases… Crédit Suisse était début 2014 en pleine négociation, son patron prétend qu’un petit groupe de banquiers privés basés en Suisse a eu un mauvais comportement mais que c’était à l’insu de la hiérarchie. La direction de la banque assure : « Nous assumons cependant la responsabilité de ces agissements émanant de quelques employés et nous les regrettons profondément » |1|. Finalement, en mai 2014, Crédit Suisse a admis sa culpabilité et accepté, afin d’échapper à une condamnation, de payer aux autorités de Washington une amende de 2,6 milliards de dollars |2|.

Sources : 1.Le Figaro, “USA : Credit Suisse reconnaît la fraude fiscale”, 26 février 2014 ; 2.Financial Times, “Credit Suisse fined $2.6bn for helping US tax evaders” , 24-25 mai 2014.

Barclays (2e banque britannique) est impliquée dans le scandale du LIBOR, dans la vente abusive de produits hypothécaires structurés aux Etats-Unis, dans la manipulation du marché de l’électricité en Californie, dans la manipulation du marché des changes, dans la manipulation du marché de l’or (elle a payé une amende de 26 millions de livres sterling en mai 2014 dans cette affaire |1|).

Source : 1.Financial Times, “Barclays fined £26m for trader’s gold rigging”, 24-25 mai 2014.

L’impunité des banques doit cesser

Nous avons montré la pointe de l’iceberg qui apparaît grâce aux scandales et aux amendes payées par les banques pour éviter une condamnation. Mais l'impunité des banques doit cesser. En cas de graves manquements, il faut mettre en pratique une solution radicale : retirer la licence bancaire aux banques coupables de crimes, bannir définitivement certaines de leurs activités, poursuivre en justice les dirigeants et les grands actionnaires. Il faut aussi créer ainsi un service public bancaire qui donnera la priorité à la satisfaction des besoins sociaux et à la protection de la nature.

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