Les Outre-mer, vitrines à ciel ouvert de la transition énergétique

Par GV Modifié le 24 juillet 2018 à 15 h 27

Paru fin juin 2018, le livre bleu des Outre-mer fait la synthèse des assises des Outre-mer qui ont permis de préciser la politique gouvernementale qui sera menée dans les territoires ultramarins jusqu’à la fin du quinquennat. L’énergie, qui fait évidemment partie des 28 thèmes déclinés, illustre parfaitement leur vocation à être des territoires pionniers. L’occasion de faire la synthèse des enjeux énergétiques dans les Outre-mer et de les illustrer par quelques projets innovants qui y sont menés.

Des réseaux électriques isolés et une dépendance aux énergies fossiles

Pour reprendre la formule du livre bleu, les Outre-mer « sont des terres d'excellence et d'innovation qui permettent à la France d'être en avance sur son temps ».  Le secteur énergétique ne fait pas exception à cette formule, bien au contraire. En raison de leur isolement géographique, ces territoires jouent même un rôle précurseur dans le développement des énergies renouvelables.

Rappelons que les Outre-mer doivent composer avec d’importantes spécificités par rapport à la France métropolitaine sur le plan énergétique du fait que leur réseau électrique n’est pas relié à celui du continent. Toute l’électricité consommée doit donc être produite sur place, entraînant une forte dépendance aux combustibles fossiles qui doivent être acheminés par bateau (précisions que si la Guyane n’est pas une île, son réseau électrique isolé la place dans la même situation que les autres territoires ultramarins même si elle est largement moins dépendante des combustibles fossiles grâce à son fort potentiel hydroélectrique).

Par conséquent, le coût de production de l’électricité est plus important, d’autant plus que l’électricité d’origine nucléaire historiquement bon marché dont bénéficie l’Hexagone n’est pas disponible dans ces territoires. Autre conséquence, le mix de production d’électricité est davantage carboné qu’en métropole, même si la part des énergies renouvelables est d'ores et déjà non négligeable.

Ces inconvénients constituent toutefois une opportunité : la transition énergétique est de fait prioritaire dans les territoires d'outre-mer où les conditions naturelles sont propices au développement des énergies vertes.  Un objectif inscrit dans la loi de transition énergétique vise d’ailleurs à atteindre l’autonomie énergétique des territoires ultramarins grâce aux énergies renouvelables dès 2030.

Quelles ambitions pour l'énergie des Outre-mer ?

Au sujet de l’énergie, le livre bleu des outre-mer dégage 4 axes d’action, des « ambitions » pour reprendre l’expression utilisée.

Des territoires 100% énergie renouvelable et autonomes d’ici 2030

Ce premier axe d’action est le plus ambitieux. Dans chaque territoire ultramarin, les programmations pluriannuelles de l’énergie ont pour but d’atteindre l’autonomie énergétique grâce aux énergies renouvelables d’ici 2030.

Pour y parvenir, plusieurs pistes de développement doivent être exploitées conjointement. Le stockage de l’électricité est l’une des priorités. En effet, si ces territoires bénéficient de conditions naturelles exceptionnelles, par exemple en matière d’ensoleillement et de vent, mettre en œuvre des solutions de stockage à grande échelle sera déterminant pour faire face à l’intermittence des énergies vertes. Rappelons que les pics d’ensoleillement ne correspondent généralement pas aux pics de consommation électrique, ce qui est d’autant plus vrai dans des zones où la nuit tombe tôt toute l’année et où bon nombre de foyers ont recours à la climatisation le soir.

L’hydrogène est l’une des pistes les plus sérieuses retenues dans le domaine du stockage électrique. À titre d’exemple, EDF a mis en œuvre une microgrid solaire pour alimenter les populations du Cirque de Mafate à la Réunion. Concrètement, des panneaux solaires sont couplés à des batteries à l’hydrogène qui permettent de stocker l’électricité produite pendant plusieurs jours.

Comme le montre cet initiative réunionnaise, le solaire photovoltaïque est destiné à occuper une place non négligeable dans le mix électrique des Outre-mer. Différentes mesures doivent faciliter son développement comme l’assouplissement du cadre réglementaire ainsi que des incitations à l’autoconsommation.

Autre priorité définie par le gouvernement pour parvenir à se passer de l’importation d’hydrocarbures : la mobilité électrique. Guyane mise à part, les Outre-mer sont de petits territoires où les déplacements sont courts et où l’autonomie des véhicules électriques ne constitue donc pas un frein aussi important que dans l’Hexagone. De plus il est logiquement plus facile de constituer un réseau de bornes de recharge suffisamment dense dans un territoire à faible superficie.

Une bonne illustration de cette volonté de booster la mobilité électrique est la récente extension du programme Advenir aux territoires ultra-marins. Ce dispositif vise à subventionner à hauteur de 1.860 € l’installation d’une nouvelle borne de recharge. Dans les zones non interconnectées (ZNI) que sont les Outre-mer, Advenir impose un cahier des charges spécifiques : l’alimentation des bornes à partir d’énergie 100% renouvelable ne provenant pas du réseau électrique (grâce à des ombrières photovoltaïques par exemple), la puissance électrique limitée des bornes, ainsi que le pilotage des bornes en temps réel afin de proposer la recharge pendant les heures d’ensoleillement sont autant de critères qui doivent permettre de proposer une solutions de mobilité entièrement décarbonée.

Maîtriser la demande en énergie, innover, investir

Les trois autres ambitions retenues sont la maîtrise de la demande en énergie, l’innovation et l’investissement.

Pour atteindre le plus rapidement possible l’autonomie énergétique grâce aux énergies vertes, les Outre-mer  devront s’appuyer sur une meilleure maîtrise de la demande en énergie. Avec le solaire thermique, ils disposent d’un gisement d’économie d’électricité très intéressant, raison pour laquelle des mesures financières visent à accélérer sa croissance. Pour rappel, un chauffe-eau solaire permet d’économiser de 150 à 220 euros par an sur la facture d’électricité. À la Réunion, où l’installation d’un chauffe-eau peut être subventionné jusqu’à 1.200 euros, 60% des foyers sont désormais équipés.

Dans les Outre-mer, la maîtrise de la demande en énergie doit aussi s’articuler autour de la sobriété des systèmes de climatisation et de l’isolation des bâtiments climatisés. À l’instar du chauffage dans l’Hexagone, la climatisation est en effet un poste de dépense énergétique important dans la plupart des territoires ultramarins, de plus en plus de foyers étant équipés.

L’innovation occupe évidemment un rôle clé dans la transition énergétique des Outre-mer. Outre le stockage à l’hydrogène et les microgrids, déjà évoqués, les énergies bleues (hydrolien, énergie thermique des mers) concentrent une bonne partie des efforts d’innovation.

Enfin la transition énergétique des territoires ultramarins ne peut se faire sans être accompagnée par une politique adaptée, que ce soit en matière d’investissements ou de réglementations. Un assouplissement des mesures réglementaires facilitera par exemple l’intégration des énergies renouvelables intermittentes sur le réseau.

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