La nouvelle loi sur les sociétés adoptée en septembre révolutionne le droit des sociétés indien. Parmi les innovations : l’obligation pour les grandes sociétés de consacrer 2% de leurs profits à des activités de RSE.
2% des profits obligatoirement affectés aux activités de RSE en Inde : la grogne monte
La nouvelle loi sur les sociétés adoptée en septembre révolutionne le droit des sociétés indien. Parmi les innovations : l’obligation pour les grandes sociétés de consacrer 2% de leurs profits à des activités de RSE. Une nouveauté qui ne plaît pas à tout le monde.
La plupart des opposants à ce nouvel article de loi craignent qu’il soit la porte ouverte à de nouvelles affaires de corruption. Ils rappellent aussi que la RSE devrait partir d’une démarche volontaire et non pas devenir une taxe que les grandes sociétés réussiront rapidement à contourner. Azim Premji, le fondateur de Wipro, lui-même grand philanthrope sur le plan personnel, surnommé le ‘tsar des TI’, est le premier à faire valoir ces raisons pour argumenter son opposition à la nouvelle loi.
Pourtant, après plusieurs années de discussions difficiles, la loi est bien passée. Les sociétés ayant un actif net supérieur à 5 milliards de roupies (près de 60 millions d’euros ), un chiffre d’affaire de plus de 10 milliards de roupies (120 millions d’euros) ou un profit de plus de 50 millions (environ 600 000 euros) devront établir un conseil RSE au comité de direction. Ce conseil RSE devra obligatoirement affecter 2% de la moyenne de ses profits sur les trois dernières années à des activités de responsabilité sociale. Un des motifs de mécontentement des grands patrons réside dans le manque de précision des activités considérées comme du ressort de la RSE par la loi :
- Eradication de la faim et de la pauvreté
- Promotion de l’éducation
- Promotion de l’égalité des genres et autonomisation des femmes
- Réduction de la mortalité infantile et amélioration de la santé des mères
- Combat contre les grandes épidémies : VIH, Malaria, etc …
- Protection de l’environnement
- Projets de business social
- Contribution financière au fonds du premier ministre contre les catastrophes naturelles, ou à des fonds équivalents mis en place dans les États
- Autres activités en rapport
Les deux derniers points de ces activités auxquelles peuvent être affectés les ‘fonds RSE’ notamment interrogent. Le premier ministre de l’État du Chattisgarh s’est rapidement lancé dans la brèche en proposant aux grandes entreprises ayant leur siège dans l’État, de pouvoir affecter leurs donations à un ‘fonds de développement du ministère’ aux activités RSE. Cette proposition qui ouvre la porte à tous les abus a été vertement critiquée par le ministre de l’industrie Sachin Pilot. Mais l’affaire n’est pas finie, et elle montre bien comment la loi pourrait être détournée de son but initial.
C’est bien ce que craignent les opposants. « Une fois de plus, la loi part d’une idée louable et intéressante. Mais elle risque d’entraîner des conséquences graves et inattendues. Les deux principales sont des nouvelles sommes détournées et la perte de responsabilisation des grandes sociétés indiennes ». Le commentaire d’un lecteur du Times of India résume bien le sentiment des contradicteurs.
Malgré les critiques, la grande majorité de l’opinion s’accorde sur un point : la nécessité de faire participer le secteur privé aux grands défis sociaux que connaît le pays. La loi devrait permettre, dès l’année prochaine, d’affecter 190 à 250 milliards de roupies au secteur social. Plus de 8000 grandes sociétés correspondent aux critères définis pour être contraint à verser 2% de leurs profits. Espérons que cela n’incitera pas les entreprises plus petites à abandonner toute action de RSE. Et qu’une partie trop importante des projets ne sera qu’une couverture à des pots de vins de toutes sortes.