l’arbre qui cache l’aéroport

The Guardian a laissé la parole à Fred Pearce, écrivain et journaliste scientifique anglais spécialisé dans l’environnement et le changement climatique. Dans son article écrit à la première personne, le lauréat du 3e prix de l’Alliance pour la Planète 2008, dresse un portrait alarmiste et fustige les actions de …

Par GVadmin Modifié le 10 avril 2012 à 13 h 02

The Guardian a laissé la parole à Fred Pearce, écrivain et journaliste scientifique anglais spécialisé dans l’environnement et le changement climatique. Dans son article écrit à la première personne, le lauréat du 3e prix de l’Alliance pour la Planète 2008, dresse un portrait alarmiste et fustige les actions de l’aéroport d’Édimbourg en Écosse dont les émissions de CO2 ne font que croître.

greenwashing

Un sparadrap sur une jambe de bois

À quoi sert-il de financer la plantation de 500 arbres par des écoliers à l’aéroport d’Édimbourg si celui-ci, et ses travaux d’expansion, font bondir les émissions de gaz à effet de serre ?

Après avoir pratiquement triplé le nombre de passagers qui utilisent ses services au cours des 15 dernières années, l’un des aéroports qui connait la croissance la plus rapide du Royaume-Uni s’est mis au vert. Selon un reportage publié sur le site Internet de la BBC fin mars, sous le titre pompeux de L’aéroport lance un projet de lutte contre le changement climatique, l’aéroport d’Édimbourg devrait sortir son portefeuille pour permettre à des écoliers de planter 500 arbres dans une forêt du comté du Perthshire (au nord d’Édimbourg). Selon les déclarations du directeur commercial de l'aéroport, Neil Anderson

Cela montre comment nous pouvons tous jouer un rôle, infime soit-il, pour protéger la nature. Infime soit-il, c’est bien là le problème.

Mais Anderson ne s’arrêtait pas là. La nouvelle salle d’embarquement de l’aéroport, qui a coûté la bagatelle de 40 M£ (45,5 M€) et qui devrait être terminée l’année prochaine, sera équipée d’"ampoules basse consommation" (en existe-t-il d’autres sortes aujourd’hui ?), alors que :

nous ferons tous les efforts nécessaires pour réduire la consommation d’énergie et d’eau, limiter les déchets et encourager le recyclage.

Hum... C’est-à-dire tous les efforts nécessaires permettant tout de même de s’assurer que la salle d’embarquement peut accroître le nombre de passagers, des 9 millions actuels à 14 millions d’ici 2013. Et ce n’est rien comparé à l’objectif de l’aéroport de 2030 : 26 millions de passagers.

Des sources de pollution négligées

Édimbourg n'est pas très innovant en la matière. L’aéroport suit simplement l’exemple d’il y a quelques années de l’aéroport international de Manchester. Une série de projets écolos parfaitement sensés au sol pour couvrir les explosions de CO2 et d’autres substances polluantes causées par ses travaux d’agrandissement.

Enfin tout et n’importe quoi pour éviter de parler des vrais problèmes.

Par ailleurs, Entec, société de conseils en énergie, a rédigé un rapport sur l’empreinte carbone de l’aéroport l’année dernière. La société avait promis de tenir compte des émissions directes et indirectes. Vous pourriez penser qu’un tel rapport approfondi tiendrait compte des émissions des vols transportant les passagers depuis et vers l’aéroport. Mais apparemment, les émissions des avions ne comptent que quand ceux-ci se trouvent sur le tarmac de l’aéroport, et seulement pendant les mille premiers mètres de décollage et d’atterrissage. Ça détonne quelque peu. De toute façon, les travaux d’agrandissement prévus vont entraîner la hausse de l’empreinte carbone de l’aéroport.

Le rail en train d'être oublié

Un autre problème se pose. Ne devrions-nous pas prendre le train plutôt que l’avion pour les voyages courts ? À l’heure actuelle, Édimbourg est spécialisé dans les vols courts que nous pourrions facilement effectuer en train. Cette semaine, je me suis amusé à regarder les destinations des vols dans une journée. En supprimant les vols en partage de code, j’ai trouvé 138 vols dont 77, soit plus de la moitié, étaient destinés à des villes de Grande-Bretagne dotées de gares.

Bon d’accord, Édimbourg-Exeter peut être très long en train. Environ sept heures. Mais la plupart de ces vols intérieurs ont pour destination Londres, Birmingham, Manchester et Leeds.

En termes d’émissions par kilomètres parcourus, ces vols courts polluent énormément. Les aéroports qui en dépendent sont les parias de l’écologie.

Mais le pire à Édimbourg, c’est que l’aéroport n’est doté d’aucune gare. Alors les passagers aériens se rendent à l’aéroport en voiture pour la plupart. Le dernier plan directeur de l’aéroport, révisé en 2006, criait sur tous les toits son "engagement envers les transports publics", et affirme que 20 % de ses passagers arrivent en bus. Mais la liaison ferroviaire de l’aéroport d’Édimbourg (EARL, Edinburgh airport rail link), attendue de longue date, est au point mort. Selon un porte-parole du gouvernement:

C’est annulé. Après les dernières élections, le Scottish National Party a décidé qu’il avait mieux à faire que de creuser un tunnel sous la piste de décollage avec les 600 M£ (683 M€) que cela allait lui coûter.

Malhonnêteté et détournement

C’est vrai, le propriétaire de l’aéroport, BAA, qui, à l’origine, avait clamé que la liaison ferroviaire ferait partie intégrante des rénovations, ne paie pas.

C’est vrai aussi qu’une ligne de tramway est en pleine construction. Mais il semble que l’aéroport d’Édimbourg coure à la catastrophe en matière d’empreinte carbone : avec encore plus de vols vers l’Angleterre et plus de passagers qui se rendent à l’aéroport en voiture.

Je suis pour que des écoliers plantent des arbres. En revanche, je ne suis pas pour le greenwashing.

guardian.co.uk

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