Qui doit financer l’eau potable ?

Par melanie.mangold Modifié le 26 juillet 2012 à 15 h 04

C’est sans doute en partie pour promouvoir l’utilisation responsable de l’eau, que ces dernières années, les gouvernements adoptent des politiques plus volontaristes de sensibilisation et de communication. Et ça marche ! A Berlin, la consommation d’eau est passée de 211 millions de m3 en 2003 à 189 millions de m3 en 2011. Durant la même période la consommation des Parisiens est passée de 218 millions de m3 à 193 millions de m3.

Pour autant, ne crions pas victoire trop vite. Réseaux de distribution défectueux, manque d’investissement, Rich Countries, Poor Water du WWF rappelle qu’en 2006, à Londres, les pertes et les fuites d’eau représentent l'équivalent de 300 piscines olympiques par jour. L’OCDE prévoit d’ailleurs que la France et le Royaume-Uni devront accroître leurs dépenses dans le secteur de l’eau par rapport au PIB d’environ 20% uniquement pour maintenir les niveaux de service actuels.

Et les dépenses ne s’arrêtent pas là. Depuis une dizaine d’années, la Directive Européenne relative aux Eaux Résiduaires Urbaines (DERU) impose la mise aux normes des stations d’épuration, des usines de traitement, la suppression des branchements en plomb, ainsi que d’autres normes environnementales et sanitaires. Autant de mesures pour pallier les méfaits des polluants chimiques, pharmaceutiques, etc, sur la qualité de l’eau. Au passage, une étude publiée en 2006 par l’Institut Français de l’environnement (IFEN) conclut que la moitié des cours d'eau et près d'un tiers des nappes souterraines françaises contrôlées en 2004 étaient contaminées de façon significative par des pesticides. Le fond du problème ? Les nitrates et pesticides sont soupçonnés d'être à l'origine de cancers, de troubles neurologiques et de la reproduction.

© JoshuaDavisPhotography

Payer : problèmes de liquidités pour ne pas liquider la question

Résumons : les pays développés ont pour la grande majorité accès à l’eau salubre. Sauf que le changement climatique, le gaspillage des agriculteurs et des industriels, ainsi que la croissance démographique forment un cocktail explosif qui nécessite de faire des économies en eau. Mais l’histoire se corse puisque ces économies soulèvent le problème du manque à gagner pour les services d’assainissement. Or, le vieillissement des infrastructures et les nouvelles normes d’assainissement demandent de lourds investissements. Lesquels doivent être supportés par les consommateurs selon la directive cadre de l’Union Européenne qui considère que c’est « l’eau qui paie l’eau ». À ce titre, en 2007, le Earth Policy Institute (EPI) conclut que les prix de l’eau ont considérablement augmenté : de 27% aux États-Unis entre 2002 et 2006, 32% au Royaume-Uni, 45% en Australie, et 58% au Canada.

De quoi s’agit-il ? D’après le EPI, dans 14 pays industrialisés le prix de l’eau urbaine varie de 66¢ par m3 aux Etats-Unis à $2,25 au Danemark et en Allemagne. Autrement dit, augmenter les prix consiste d’une certaine manière à harmoniser les politiques hydriques. Jean Benoît Charrin, juriste et fondateur de l’ONG Waterlex, estime d’ailleurs que

La tarification est une voie pour encourager une appropriation locale du service et une couverture des charges de fonctionnement et d'entretien.

Cet argument semble ne pas faire l’unanimité. En Italie, où le prix moyen de l’eau est de 1,29€ le m3, un référendum à l’encontre de la privatisation de l’eau aura lieu dans les prochains mois. Avec des slogans tels que « Contre la privatisation de l'eau» et « L'eau appartient à tout le monde», l'opposition n’hésite pas à brandir la résolution 10967 de l’Organisation des Nations Unies qui reconnaît depuis le 28 juillet 2010 que « l'accès universel à l'eau potable et salubre est un droit humain fondamental ». Mesure efficace : à ce jour, plus de 1.400.000 voix ont déjà été collectées.

Et alors ? Jean Benoît Charrin ne voit aucune contradiction entre ces deux postulats. « Assurer le droit d'accès à l'eau pour tous, c'est aussi assurer la pérennité du service. L’eau des rivières est gratuite, c’est le service de traitement et le transport de cette eau vers les foyers qui a un coût.» C’est un argument de taille pour le gouvernement Berlusconi. Reste que si le référendum se solde par un succès, les tarifs resteront faibles… Les infrastructures, elles, poursuivront leur décrépitude.

Petite parenthèse : la tarification des prix de l’eau est inévitable souligne Peter Borkey  de l’OCDE « …afin de financer les infrastructures et pour décourager les consommateurs à la gaspiller. Mais pour être viable et juste, la tarification doit être accompagnée de mesures visant à protéger les plus pauvres et répondre à des critères d'équité.» La France par exemple, parie sur le double enjeu de responsabiliser les ménages tout en assurant l’accès à l’eau pour tous, explique-il.

L’une des solutions est d’offrir des allocations spécifiques aux plus pauvres afin qu’ils soient en mesure de payer leur eau.

Pour revenir à l’Union européenne, disons simplement que les politiques de fixation des prix ont déjà été introduites dans de nombreux États membres. Comme c’est le cas en Italie, dans « les anciens pays communistes d’Europe centrale et orientale, où l’eau était généralement subventionnée et entièrement gratuite, il s’avère être difficile de changer les mentalités et de mettre en place de telles politiques» conclut Peter Borkey.

Dur dur d’entonner un refrain en chœur quand tout le monde ne connaît pas les paroles!

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