Entrevue avec Daniel Breton, président du groupe Maître chez nous au 21e siècle (MCN21)

Par melanie.mangold Modifié le 11 décembre 2012 à 17 h 19

MCN21 est un projet qui vise à permettre au Québec et à sa population de prendre et conserver le contrôle de son avenir en devenant progressivement indépendant des énergies fossiles.

Daniel Breton, Président du groupe Maître chez nous 21ème siècle

Green et Vert : Qu’est ce qui explique une si forte mobilisation des Québécois contre l'exploitation du gaz de schiste ?

Daniel Breton : Je dirais que c'est dû à plusieurs facteurs. Le fait que quelques semaines auparavant nous avons été témoins d'un déversement dans le Golfe du Mexique où les compagnies de pétrole tenaient le même discours que les compagnies gazières au Québec.

Mais aussi le fait que le gouvernement du Québec ait laissé aux représentants de l'industrie gazière toute autorité pour installer des sites de forage n'importe où et agir de façon outrageusement arrogante, sans même sentir le besoin d'informer les élus municipaux et les habitants vivant à proximité des puits de gaz de schiste.

G&V :Peut-on constater le même type de mobilisation dans le reste du pays ?

D.B : Non... Le Québec est beaucoup plus contestataire que le reste du pays qui est de culture plus pacifique.

G&V : Pensez-vous que les doutes qui s'installent quant à l'énergie nucléaire dans le monde soit de nature à influencer le débat sur les gaz de schiste au Canada ?

D.B : Ces deux sujets sont liés dans la mesure où les citoyens constatent qu’il existe une culture du secret pro-industrie qui a exacerbée la méfiance à l'égard du domaine gazier tout comme pour le nucléaire.

G&V : A-t-on toutes les réponses quant à l'impact écologique de l'extraction (et notamment la fracturation hydraulique) et à l'exploitation du gaz de schiste, notamment sur l'eau, et les dépenses en C02 que cette industrie peut générer ?

D.B : Non, et c'est là le problème. Les scientifiques américains ont maintenant la responsabilité de faire ce travail après les faits, car les États-Unis se sont lancés dans cette exploitation grâce à des exceptions données par Dick Cheney à l'époque de l'administration Bush. Exceptions au clean air act, clean water act, etc.

G&V : Comme en France, le gouvernem

ent québécois a lancé une "évaluation environnementale stratégique" avant de poursuivre l'exploitation... Est-ce que le gouvernement peut, au terme de cette période d'évaluation - et si les risques environnementaux sont trop importants - cesser complètement l'exploitation du gaz de schiste et aller ainsi contre la puissante industrie gazière ?

Oui, mais les citoyens doivent être très vigilants car le lobby des hydrocarbures est TRÈS puissant. Il y a d'ailleurs plus de 50 lobbyistes enregistrés qui peuvent avoir accès aux élus du Québec. Par ailleurs, nous apprenions récemment qu'en trois ans, les lobbyistes des hydrocarbures avaient rencontré plus de 1.100 fois les représentants du gouvernement conservateur fédéral. En moyenne cela correspond à plus d'une rencontre par jour!

G&V : Jugez-vous suffisamment transparente la manière dont les permis d'exploration ont été attribués et la façon dont le gouvernement gère le dossier ?

D.B : En un mot: NON. Et c'est scandaleux. On nage en plein copinage, en pleine collusion avec l’industrie. Il faut dire que le gouvernement libéral du Québec n’en est plus à un scandale près…

G&V : Le Québec a-t-il besoin de cette nouvelle ressource en énergie, et quel est le potentiel du gaz de schiste au Québec et plus largement du Canada ?

D.B : Le potentiel du gaz de schiste est grand, mais devons-nous nous lancer dans cette exploitation? Je ne le pense  pas. La baisse du prix du gaz affecte directement notre potentiel de profits sur l'exportation d'électricité. On parle ici de milliards perdus. De plus, la dernière étude scientifique indépendante publiée aux USA conclue que le gaz de schiste est plus polluant que le charbon.

G&V : Est-ce que le développement du gaz de schiste constitue-t-il un sérieux frein à l'essor des énergies renouvelables (éolien, solaire, biogaz... etc) ?

D.B : Absolument, comme l'ont d'ailleurs affirmé des études américaines. S'il y a bien un endroit au monde où un peuple peut passer aux énergies vertes avec une facilité plus grande qu'ailleurs, c'est au Québec. Notre potentiel hydroélectrique, éolien, géothermique, biométhanique et en efficacité énergétique est incroyable. Il y a un tel potentiel éolien que le Québec, s'il devenait fou, pourrait approvisionner l'Amérique du Nord au grand complet!

[Propos de l'entretien recueillis par Sonia Eyaan]

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