Comment 1000 barrages ont tué la rivière des 9 dragons

Illustration extrême de l’influence que peuvent avoir les installations hydroélectriques, le fleuve “Jiulongjiang”, principal cours d’eau de la province du Fujian, a été complètement asséché par… plus de 1.000 barrages de toutes tailles. Retour sur une histoire incroyable.

Par GVadmin Modifié le 2 août 2012 à 15 h 45

Illustration extrême de l’influence que peuvent avoir les installations hydroélectriques, le fleuve "Jiulongjiang", principal cours d’eau de la province du Fujian, a été complètement asséché par… plus de 1.000 barrages de toutes tailles. Retour sur une histoire incroyable.

La multiplication des barrages a fini par assécher les rivières. © BluesyPete (Wikimédia Commons)

Le fleuve à sec à force de barrages

Le fleuve et ses affluents s’étendent sur près de 2.000 kilomètres. Les 9 petits estuaires d’où il se jette dans l’océan Pacifique sont répartis sur toute la province du Fujian. C’est précisément ces 9 embouchures qui ont donné son nom au "fleuve des 9 dragons". Dans la mythologie chinoise, le dragon est en effet une créature de milieu aquatique, souverain d’un cours d’eau.

A cause de la surexploitation du potentiel hydroélectrique du fleuve, ces dragons ne règnent plus sur rien. Entre 2000 et 2005, une frénésie de développement a vu la construction de plus de 1.000 barrages de toutes tailles sur le moindre petit affluent du Jiulongjiang. La plupart de ces usines ne sont même pas répertoriées par l’administration, puisqu’elles ont été construites sans les autorisations nécessaires, avec la complicité des gouvernements de villages. Récemment, le responsable du département environnemental de l’université de Xiamen a dirigé un "audit environnemental" informel de la situation. Ce travail, qui aurait dut être fait il y a 20 ans, au tout début du développement de la rivière, ne peut servir qu’à constater les dégâts.

Les centrales: petites mais dangereuses

Le professeur a parcouru le système fluvial. Pour les plus petites usines hydroélectriques, prenons l’exemple de l’usine de "Longfeng 1" (voir les photos ici). Construite en 2002, elle est assise sur un barrage fait de quelques pierres et qui ne prend que la partie gauche du fleuve. Le petit filet d’eau qui arrive jusqu’à "l’usine" permet de remplir la retenue une fois par jour. Le générateur tourne une fois vers 4 ou 5 heures de l’après-midi. L’ouvrier qui a la charge du fonctionnement de cette installation explique tranquillement qu’il travaille pour "une entreprise légale et reconnue". Longfeng 1 a en effet obtenu une autorisation administrative parmi la dizaine qu’il aurait dut avoir. Et les taxes sur les ressources hydriques sont payées à la commune chaque année. Le plus étonnant, c’est que cette minuscule installation est une excellente affaire pour ses investisseurs.

Si on n’avait pas eu la crue de 2010 qui a complètement inondé le barrage, on aurait récupéré l’investissement cette année là, en 8 ans…

Arrangements et corruptions

Cela, c’est grâce à une politique très favorable de la municipalité. Normalement, les installations de production électrique privées doivent vendre leur production aux grands électriciens chinois. Mais Longfeng 1 ne vend qu’une partie de sa production à l’électricien au tarif fixé de 30 centimes de yuan par kW.h (un peu plus de 3 centimes d’euros). Le reste, plus d’un tiers de la production, il le vend directement à des usines consommatrices d’électricité. En facturant plus que le tarif de rachat légal, la facture reste moins élevée pour le consommateur qu’en passant par la société de transport électrique. Société qui n’est pas oubliée, car dans un accord pas très propre une "location du réseau de transport électrique" est donnée à un responsable local de ladite société.

C’est la multiplication de ce type de barrages qui a conduit à l’assèchement du Jiulongjiang. La frénésie de développement entre 2000 et 2005 a conduit à la construction de plus de 1.000 de ce type d’installations. Avec la bénédiction des municipalités concernées, qui remplissaient ainsi leurs coffres et les poches des édiles grâce à la "taxe sur les ressources hydriques". En 2006, Pékin a cherché à résoudre le problème en imposant des audits environnementaux et en menaçant de fermer les unités non conformes. Tous s’en sont tirés à peu de frais.

Tout le monde sait que l’hydroélectrique est une énergie propre ! Un petit barrage ça pollue pas plus que deux cochons. Qu’est-ce qu’ils viennent nous chercher des ennuis avec leurs ‘audits’ ? .

La réaction de tous les exploitants a été la même, ils ont donné les quelques milliers de yuans nécessaires pour avoir le tampon "audit conforme", et tout a continué comme avant...

Seul avantage de la "chasse au barrage" de 2006, aucune nouvelle installation n’a été construite depuis. Mais vu ce qu’il reste comme eau dans ce qui n’est plus que l’ombre d’un "fleuve", ça n’aurait de toute façon pas été fort possible…

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