L’héritage maudit de Metaleurop

La terre d’origine du célèbre chanteur Caetano Veloso, dans l’État de Bahia, présente la plus grande concentration de plomb par habitant de la planète. En cause, l’activité menée par la multinationale française Metaleurop sur les rives du fleuve Subaé, il y a 40 ans.

Par GVadmin Modifié le 9 août 2012 à 15 h 07
Usine désaffectée à Santo Amaro.

La terre d’origine du célèbre chanteur Caetano Veloso, dans l’État de Bahia, présente la plus grande concentration de plomb par habitant de la planète. En cause, l’activité menée par la multinationale française Metaleurop sur les rives du fleuve Subaé, il y a 40 ans.

Bâtiment délabré de Santo Amaro.
Bâtiment délabré de Santo Amaro. © Adam Jones, Ph.D. (Flickr.com)

La ville de Santo Amaro est aujourd’hui synonyme d’abandon. Même ses sentiers débouchant sur de magnifiques cascades ne suffisent pas à en faire un paradis touristique de la région du Recôncavo bahianais. La faute à l’installation, en 1960, de la Compagnie Brésilienne du Plomb (Cobrac), filiale de la multinationale française Metaleurop, à l’époque le plus gros producteur mondial de métaux lourds.

L’entreprise a arrêté son exploitation en 1993, mais la contamination des sols, des travailleurs et des habitants de la région a, elle, continué. La grande exploitation du minerai a pollué le fleuve Subaé. Le sol de la ville de 62 000 habitants a également été affecté par des rejets effectués sans précaution.

1 million de tonnes de plomb

A son "apogée", la Cobrac produisait 30 000 tonnes de plomb chaque année, soit 5% de la production mondiale, et presque 1 million de tonnes ont été produites en plus de 30 ans d’activité. Le député Sarney Filho, à la tête d’un groupe de travail qui devra vérifier, diagnostiquer et proposer des solutions aux victimes, affirme :

Metaleurop a laissé un héritage maudit pour tous les habitants de Santo Amaro : 3 millions de tonnes de rejets contaminés, dont une grande partie de métaux lourds comme le cadmium, et plus de 300 000 tonnes de déchets à forte concentration en plomb.

D’après Sarney Filho, les déchets, stockés à ciel ouvert, ont été emportés par le vent, ont pénétré l’alimentation des animaux domestiques, infiltré le fleuve Subaé, servi au terrassement des routes, ou se sont simplement propagés dans les rues et sur les places des villages voisins.

Contamination irréversible

C’est pourquoi aujourd’hui, une grande partie de la population présente des indices élevés de contamination, “et la ville présente la plus grande concentration de plomb par habitant au monde." Un ex-employé de la Cobrac, Augusto Lago, souffrant de neuropathie chronique avec perte de mobilité du côté droit, témoigne :

Notre contamination est irréversible. Notre carte de travail est entachée de métaux lourds et notre vie est compromise.

D’après lui, en 40 ans, il y a eu beaucoup d’études et peu d’actions. Les indemnisations proposées sont une insulte : de 500 à 1500 R$ par victime [200 à 600 euros]. Le groupe de travail créé par les députés du Parti Vert prétend mener une action conjointe avec la Commission des Droits de l’Homme au Sénat. Un rapport est en cours et sera voté par la Commission de l’Environnement, avec une série de propositions. Le sénateur Walter Pinheiro affirme :

Durant des années, par ignorance ou par manque d’action du pouvoir public, les gens utilisaient les plaques de plomb pour en faire des planchers et des murs dans leurs maisons.

Que justice soit faite

M. Pinheiro explique qu’actuellement, le niveau de contamination est si élevé qu’il faudra déplacer des populations et restructurer entièrement plusieurs zones de la ville. Il demande également des mesures urgentes pour sauver la vie de ceux qui sont en état avancé de contamination.

D’après l’avocat des personnes contaminées Itanor Carneiro Júnior, la Cobrac fonctionnait de 1960 à 1993 selon le système d'organisation horaire dit des trois-huit, avec environ mille employés. Il est difficile d’évaluer combien parmi eux ont été infectés, mais les conséquences du contact avec le plomb sont bien visibles parmi la population.

La lenteur du processus judiciaire - due au manque de données officielles prouvant les maladies causées par le plomb - et l’extension de la zone contaminée expliquent, qu’à ce jour, justice n’a pas encore été faite.

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