Des femmes violées en masse et aucune amélioration en vue

Selon un rapport des Nations Unies, à paraître, 17 500 personnes ont été violées en RDC en 2009, soit 48 par jour. Filles et femmes restent marquées dans leur chair et dans leur tête, à jamais. Pourtant, presque aucune condamnation et surtout, aucun changement en vue.

Par GVadmin Modifié le 3 août 2012 à 12 h 47
Viols au RD Congo. © Courtesy of Women Make Movies, www.wmm.com

Selon un rapport des Nations Unies, à paraître, 17 500 personnes ont été violées en RDC en 2009, soit 48 par jour. Filles et femmes restent marquées dans leur chair et dans leur tête, à jamais. Pourtant, presque aucune condamnation et surtout, aucun changement en vue.

Des vies irrémédiablement brisées

Angeline Mwarusena habite un petit village près de Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, à l’est de la RDC. A 58 ans, elle a été violée par trois soldats des Forces démocratiques du Rwanda (FDLR). Trois ans plus tard, elle parle en chuchotant, et reste prostrée devant sa hutte. Elle reçoit des soins pour des fissures vaginales, dues aux violences subies, depuis autant d'années.  Elle vit dans la plus abjecte pauvreté car elle n’ose plus aller travailler dans les champs :

J’ai toujours peur. Je me cache dans les buissons chaque nuit au cas où ils reviendraient. Je préfèrerais mourir que de continuer à vivre ainsi.

La milice est revenue régulièrement voler les récoltes, violer et tuer. A 50 kilomètres au sud, l’hôpital Panzi de Bukavu (1) est rempli de survivantes de viols. Le directeur de l’hôpital révèle qu’en 2010, 4500 femmes violées sont venues dans son seul hôpital. Et leurs histoires se ressemblent.  Selon lui, un chiffre loin de refléter la réalité :

La majorité des femmes n’ose pas chercher d’assistance médicale. Des milliers ne seront donc jamais comptabilisées.

De fantastiques richesses qui attisent toutes les envies

Depuis des années, l’armée nationale congolaise, de nombreuses milices intérieures et d’autres étrangères sont en conflit. Tous ces groupes se battent pour le pouvoir politique mais aussi pour les immenses ressources minérales naturelles du pays.

La RDC recèle un tiers des diamants et du cobalt du monde, 70% du coltane (utilisé dans les ordinateurs et téléphones portables), ainsi que d’énormes réserves d’or et de cuivre. Quatre millions de morts plus tard, les combats continuent, même si officiellement, la paix a été signée en décembre 2002 … et une deuxième fois en juin 2008.

La situation politique est aussi embrouillée. Les rebelles rwandais du FDLR se sont retirés dans les forêts et les montagnes du Congo oriental, après le génocide de 1994. Ils attendent de pouvoir rentrer vainqueurs au Rwanda un jour. Comme ils sont isolés, le FDLR dépend des raids sur le bétail et les récoltes des villageois pour se nourrir.

Pourquoi tous ces viols?

Le viol est une arme de guerre psychologique. Cela terrorise la population et rend les gens soumis. Régulièrement, des villages entiers se font violer et les hommes sont tués ou mutilés.

L'explication est signée Zawadi Nabintu, directrice de la Dorcas House, à côté de l’hôpital de Panzi, qui accueille les femmes violées. On y donne une thérapie psychosociale qui inclut des activités pécuniaires. En effet, il leur faut réintégrer la société :

Non seulement elles souffrent psychologiquement, et physiquement, de problèmes à long terme, mais elles doivent se préoccuper de gagner leur vie.

Une de ses pensionnaires a 17 ans. Appelons-la Sarah. Il y a trois ans, des miliciens ont pénétré dans sa maison et ont tué ses parents devant ses yeux. Puis ils l’ont violée et l’ont emmenée dans un camp pour la faire travailler de force.  Un mois plus tard, Sarah s’est enfuie, enceinte. Aujourd’hui, l’adolescente vit avec sa fille de 2 ans, qu’elle a appelée Baraka, ("Bénédiction", en swahili). Sarah reçoit un soutien psychologique et elle a repris l’école. Elle veut devenir médecin pour soigner les gens qui souffrent.

Mais Baraka est une exception : les orphelinats regorgent d’enfants abandonnés ou traumatisés. Sarah aussi : la plupart des filles et des femmes violées ne reçoivent aucun soutien. La plupart des cas ne sont même pas rapportés. Environ 10% finissent devant un tribunal. Audrey Shematsi, la directrice du programme "Action Aid Goma" sur les droits des femmes, ajoute:

C’est le pays avec le plus haut taux de viols au monde et il n’y a aucune justice pour les femmes. Le système juridique est une farce. La corruption règne. Les cas durent pendant des semaines, des mois, et souvent ne sont pas finalisés.

Sans justice et sans paix, combien de temps encore les femmes de la RD Congo resteront-elles un des groupes les plus vulnérables du monde?

(1) L’hôpital Panzi est l'un des cadres du documentaire de Lisa F. Jackson de 2008, "The greatest silence : rape in the Congo", gagnant du Prix Spécial du Jury pour un documentaire étranger lors du festival de cinéma de Sundance. Des dizaines de femmes y témoignent, mutilées, édentées, torturées par leurs violeurs. Elles sont souvent seules et abandonnées, devenues veuves ou rejetées par leur famille.

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