Quand le rêve dominicain tourne au cauchemar

Pour échapper à la misère, nombreux sont les haïtiens qui décident de tenter leur chance de l’autre côté de l’île, en République Dominicaine. Une aubaine pour les agriculteurs à la recherche de main d’œuvre bon marché, un enfer pour les travailleurs.

Par melanie.mangold Publié le 8 juin 2012 à 0 h 55

Pour échapper à la misère, nombreux sont les Haïtiens qui décident de tenter leur chance de l’autre côté de l’île, en République Dominicaine. Une aubaine pour les agriculteurs à la recherche de main d’œuvre bon marché, un enfer pour les travailleurs.

Des centaines de milliers d'Haïtiens viennent en République Dominicaine pour y travailler. © puroticorico

Parti un beau matin « pour chercher du travail », Jean Hercivil, 25 ans, est arrivé en République Dominicaine avec pour seuls effets personnels les habits qu’il portait sur lui.

Enfin, pas tous ses effets personnels :

« En arrivant à Dajabón (ville située à la frontière) les gardes m’ont pris mon argent et jusqu’à mes baskets ».

Comme Jean, des centaines de milliers d’Haïtiens sont venus travailler en territoire dominicain au cours des dernières décennies, avec l’espoir d’améliorer leur quotidien et celui de leurs proches. Comme lui, ils ont vite déchanté:

« Je suis venu pour travailler, pour trouver de l’argent pour aider ma famille. Je nettoie des canaux d’irrigation pour l’agriculture, mais je voudrais retourner en Haïti à la fin de l’année pour être libre à nouveau. Ici, je ne suis pas libre de circuler, je dois échapper aux coups de filet ».

Aujourd’hui, Jean Hercivil vit dans un hameau rural situé à une heure de la frontière, dans une maison sans toit, au sol de terre, qu’il partage avec onze personnes. Pour cela, il paie un loyer mensuel de 12 dollars.

Cinq mois à peine après son arrivée, le jeune migrant décrit avec amertume l’accueil qui lui a été réservé:

« Les Dominicains maltraitent les Haïtiens ».

La situation de ces travailleurs clandestins, dont le nombre est estimé à près d’un million, ne semble guère intéresser les classes dirigeantes, explique Regino Martínez, un prêtre dominicain:

« Il n’existe aucun cadre juridique frontalier pour réglementer la migration, ni en Haïti, ni ici. Tout ce qui se fait est illégal, et le contrôle est répressif, corrompu et individualisé ».

Également directeur de l’ONG Solidaridad Fronteriza, Regino Martínez s’indigne de l’attitude de son pays envers les Haïtiens:

« Le gouvernement contrôle l’invasion pacifique haïtienne, comme il l’appelle, par des expulsions massives. Les militaires et les autorités migratoires emprisonnent les migrants, les renvoient en Haïti par le pont, et eux ils reviennent par la colline car ces mêmes gardes les laissent entrer ».

Cette corruption, personne n’en parle et surtout pas les hommes politiques. Parmi les candidats à l’élection présidentielle récemment remportée par Danilo Medina, issu du parti libéral au pouvoir, aucune voix ne s’est élevée pour soulever le problème de l’immigration clandestine.

Pour Regino Martínez, l’explication est toute simple:

« S’ils l’avaient fait, ils auraient perdu beaucoup de votes ».

Selon lui, les Dominicains sont nombreux à considérer qu’il est bon de maintenir une relation « utilitaire » avec les Haïtiens, pour finalement se « débarrasser d’eux lorsqu’ils n’en ont plus besoin ».

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