La question de l’empreinte ultime

En juillet 2012, 100 % des entreprises sélectionnées du CAC 40 et la quasi-totalité de celles du SBF ont une démarche développement durable qui consiste en la mise en place d’indicateurs. Ces indicateurs sont nécessaires pour mesurer le progrès. Mais insuffisants pour répondre à la question essentielle: « Quelle est mon empreinte ultime ? ».

Par Cathy Phouphetlinthong Modifié le 28 janvier 2013 à 16 h 01

Un capitaine connaît les dimensions, le poids, la charge de son bateau, sa vitesse, son accélération, son équipage, la vie à bord, ainsi que les quantités de fuel ou de pommes de terre consommées... Tous ces indicateurs ne lui serviront cependant pas à grand-chose si, auparavant, il n’a pas répondu à la question: « Où va mon bateau ? à Shanghai, à Rio ou Anvers ? ».  C’est un truisme: sans connaître sa destination, ce capitaine ne pourra pas y conduire son bateau. Cette route sans arrivée est totalement absurde. Pourtant, elle ressemble à s’y méprendre à la manière dont est traité actuellement le développement durable dans la plupart des entreprises ou des territoires. Mais c’est en train de changer. Et vite, et dans le bon sens.

Des décisions stratégiques et tactiques

Pour les entreprises : en juillet 2012, 100 % des sélectionnées du CAC 40 et la quasi-totalité de celles du SBF (Société des Bourses Françaises) ont une démarche développement durable qui consiste en la mise en place d’indicateurs. Ainsi leurs rapports d’activité annuels présentent des centaines, des milliers de données sur leur consommation d’énergie, d’eau, de papier, sur leurs émissions de gaz à effet de serre, etc. Ces indicateurs sont nécessaires pour mesurer le progrès. Mais insuffisants pour atteindre bon port. Nous questionnons ici l’ambition des objectifs fixés. Distiller ça et là des diminutions de « x pour cent » de telle ou telle consommation correspond à la vitesse du bateau, mais ne répond toujours pas à la question essentielle qui est: « Où va mon bateau ? », ou autrement dit « Quelle est mon empreinte ultime ? ».

Par exemple, l’empreinte ultime de la société BLURB SA doit-elle être de continuer de consommer autant d’énergie qu’une ville de 2 millions d’habitants (même si BLURB SA fait 20% de mieux que ses pairs) ? Ou au contraire, l’empreinte ultime de BLURB SA doit-elle être de ne plus consommer d’énergie fossile en 2020 (c'est-à-dire d’être neutre en énergie) ? Ou encore, l’empreinte ultime de BLURB SA doit elle être d’avoir un bilan producteur net d’énergie pour le territoire en 2020, via la production à partir de renouvelables ? La réponse à cette question conditionne les décisions stratégiques et tactiques de l’entreprise.

Un moteur pour l'innovation

Est-ce illusoire ? Pour mémoire, Pasquale Pistorio, le PDG de STMicroelectronics, un des leaders mondiaux de la fabrication de semi-conducteurs décidait en 1995 que son groupe serait neutre en CO2 en 2010 sur le périmètre de ses usines[1]. Pasquale a ainsi donné clairement la destination du bateau, permettant de bâtir une stratégie en rupture avec l’approche qui prédominait à l’époque. Se fixer publiquement un objectif de ce niveau d’ambition a été un moteur pour l’innovation. Et à partir de là, les indicateurs de progrès retrouvent tout leur sens.

D’où vient-on ? Ne l’oublions pas, avant les années 2000, le développement durable relevait essentiellement de la philanthropie. Peter Bakker, président du WBCSD (World Business Council for Sustainable Development), appelle cette première période le CSR1.0. Puis le nouveau millénaire l’a vu pénétrer dans les entreprises, notamment avec l’avènement des indicateurs. Cette période de reporting coexiste avec la philanthropie, et est nommée par Peter Bakker le CSR2.0.

Aujourd’hui, et en coexistence avec les deux stades de maturité précédents, le CSR entre dans sa troisième période, celle du CSR 3.0, telle qu’évoquée à Rio+20  par Peter Bakker en juin dernier. Un modèle qui veut répondre à la question: « Où va mon bateau ? »

Bienvenue à bord.

Maximilien Rouer

[1] En fait, il a publié un livret d’engagements qui dépassait le CO2, appelé « DECALOGUE », 2 fois révisé depuis, et largement diffusé à l’ensemble de ses stakeholders.

Aucun commentaire à «La question de l’empreinte ultime»

Laisser un commentaire

* Champs requis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.