Taxe sur les transactions financières : le remake français de Robin Des Bois ou de Pinocchio ?

La France s’est distinguée à l’internationale aux cours des dernières années notamment en faisant campagne pour l’adoption d’une taxe sur les transactions financières (TTF). La mise en vigueur hexagonale de cette mesure est un geste fort démontrant qu’une telle taxe est réalisable et que le pays ambitionne de donner l’exemple sur ce sujet…

Par GVadmin Modifié le 9 novembre 2012 à 16 h 53

La France s’est distinguée à l’internationale aux cours des dernières années notamment en faisant campagne pour l’adoption d’une taxe sur les transactions financières (TTF). La mise en vigueur hexagonale de cette mesure est un geste fort démontrant qu’une telle taxe est réalisable et que le pays ambitionne de donner l’exemple sur ce sujet...

La taxe sur les transactions financières (TTF) a pour objectif de soutenir les grandes causes internationales en manque de moyens (santé, climat…). Pourtant, en y regardant de plus près, la taxe telle qu’adoptée en France est très loin de ce que les associations proposaient comme « taxe Robin des bois ». Loin également de ce que nos présidents avaient promis lors des grandes messes internationales récentes. Heureusement, le gouvernement français n’a pas une, mais deux cartes entre les mains pour revoir leur version de la fable anglaise: soit restituer aux causes qui en ont besoin ce qu'il prélève aux plus riches, ou bien élargir le champ de son action et agir en dehors de « sa forêt de Sherwood ».

La genèse de la taxe Robin

L’idée d’imposer une taxe sur les transactions financières a fait son chemin en France depuis de nombreuses années. On se rappelle au début des années 2000 du mouvement porté par l’association ATTAC pour mettre en place une « taxe Tobin ». L’idée était de faire d’une pierre deux coups : s’attaquer au fléau de la spéculation financière à outrance tout en levant des fonds nouveaux afin de répondre aux grands défis du vingt-et-unième siècle.

Après de nombreuses années de mobilisation, Nicolas Sarkozy se fit le héros de cette proposition au sommet du G20 de Cannes. Face à la réticence de certains de ses interlocuteurs refusant l’instauration d’une telle taxe au niveau international, le président annonça que la France montrerait la voie en créant cette taxe dans l’hexagone afin de financer les politiques de développement et de l'environnement.

De la poudre de perlimpinpin

Le Parlement adopte la TTF en Février 2012, mais avec une portée plutôt limitée, un peu comme si Robin des Bois ne s’en prenait qu’aux pièces de cuivre, laissant celles d'argent et d'or aux riches qu’il détrousse. La nouvelle majorité remédie en partie à cette situation cet été en doublant le taux de la FTT.

Malheureusement, c’est lorsque l’on s’intéresse à l’utilisation des revenus générés par cette taxe que le bât blesse. Au grand désarroi des associations travaillant sur ce dossier, la majorité précédente n'avait pas pu résister à la tentation de conserver ces nouvelles recettes fiscales pour le budget de l’état, omettant donc de les allouer comme promis aux politiques de développement et questions environnementales.

Pouvez-vous imaginer notre archer légendaire détrousser (avec le soutien des villageois appauvris) les riches bourgeois du comté et redonnant immédiatement ces deniers au shérif de Nottingham pour renflouer les caisses du roi?

Le changement c’est maintenant ?

Fraîchement élu, François Hollande avait suscité espoir avec l'annonce, lors de la conférence de Rio+20, de sa volonté que d’affecter « une grande partie » des ressources de la TTF au développement. Malheureusement, moins de trois mois plus tard, le président nuançait déjà ses propos, annonçant à l'Assemblée Générale des Nations Unies le 25 Septembre qu’ « au moins dix pour cent [des recettes de cette taxe seraient reversé] pour le développement et pour la lutte contre les fléaux sanitaires et les pandémies. »

Et tandis que le président rentrait de New York, le projet de loi du budget se voulait encore plus timide sur cette question, en repoussant à 2015 cet objectif de 10% des fonds alloués au développement.

Imaginer maintenant notre Robin des Bois annonçant aux affamés et aux malades du comté de Nottingham qu'il les aidera en faisant don de quelques centimes pour chaque sous qu’il prélève, et ce qu'à compter du troisième hiver. Parions qu’un tel Robin des Bois courrait le risque d'être lynché plutôt que célébré.

Comment inverser la vapeur ?

Le gouvernement peut encore réviser sa version de la fable afin de parvenir à une conclusion plus loyale à l’originale. Paris pourrait évidemment rehausser l’affectation des ressources de la TTF (difficile en effet d’interpréter ces futurs 10% comme étant cette « grande partie » des recettes des promises). Rappelons que le gouvernement peine à identifier où il trouvera les financements promis dans les prochaines années pour supporter l’adoption de politiques climatiques dans les pays du Sud – ce à quoi il s’est pourtant engagé de manière répétée.

Une telle réallocation lui éviterait donc bien des migraines. Et puisque le pays s’est illustré comme l’un des principaux promoteurs de l’instauration d’une TTF au niveau européen, peut-être pourrait elle faire en sorte que les revenus de ce nouveau mécanisme fiscal aillent eux aussi « en grande partie » aux politiques du développement. Pour le moment, une taxe européenne est considérée seulement par un groupe de onze pays précurseurs, mais malheureusement sans précisions sur ce dont il adviendrait des précieuses rentrées fiscales.

L'adoption de la taxe sur les transactions financières au printemps dernier est certainement un pas dans la bonne direction alors que l’on ne cesse de s’émouvoir du manque de justice sociale. Mais la morale de Robin des bois nécessite deux actions: la taxation du secteur financier Et la redistribution des recettes aux politiques promouvant la justice sociale et climatique. Le gouvernement français n’a fait jusqu’à maintenant que le premier pas et il lui faut maintenant refuser de s’accaparer ces nouvelles ressources et les allouer aux causes auxquelles il avait promis de les destiner. Paris peut encore décider de s’inspirer du héros de Sherwood. Dans le cas contraire elle restera dans les annales avec une taxe que l’on pourrait rebaptiser « taxe Pinocchio ».

Écrit par Sébastien Duyck

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