La fin des pâtes ?

Le discours sur le réchauffement climatique abonde d’histoires terrifiantes depuis longtemps. Déjà en 1997, Al Gore nous disait que du fait du réchauffement climatique, les vents d’El Niño deviendraient plus intenses et plus violents. Cela n’a pas été le cas.

Par Octavia Tapsanji Modifié le 22 janvier 2013 à 15 h 40

Le discours sur le réchauffement climatique abonde d’histoires terrifiantes depuis longtemps. Déjà en 1997, Al Gore nous disait que du fait du réchauffement climatique, les vents d’El Niño deviendraient plus intenses et plus violents. Cela n’a pas été le cas. Greenpeace et tant d’autres nous disent depuis des années que nous allons connaître des ouragans plus violents. En fait, depuis six ans, l’énergie globale des ouragans est à son seuil le plus bas depuis les années 70, tandis que les Etats-Unis traversent leur plus longue période sans ouragan sévère (Sandy était une « super-tempête » et non un ouragan, lorsqu’elle a frappé la côte vulnérable de l’est américain en octobre dernier.)

Mais les craintes ne s’arrêtent pas là. En 2004, la World Wildlife Fund avait annoncé la disparition des ours polaires pour la fin du siècle, précisant que le désastre débuterait en Baie d’Hudson d’où ils cesseraient de se reproduire avant 2012. Les ours se reproduisent toujours. Et nombres d’histoires circulent sur l’arrivée du paludisme en Europe et dans le Vermont en conséquence du réchauffement climatique. Mais là encore, les preuves contredisent ces craintes ; en fait, les décès dus au paludisme ont chuté de 25% depuis dix ans.

On peut comprendre que les experts, inquiets du réchauffement climatique et frustrés par le peu d’attention politique ou de solution, utilisent l’exagération comme moyen aisé pour capter l’attention. Le problème est que lorsque ces histoires terrifiantes ne se vérifient pas dans le temps, les gens deviennent moins enclins à entendre les arguments même les plus raisonnables sur le réchauffement climatique. Car le scepticisme autour du réchauffement climatique a tendance à augmenter, et non le contraire, avec l’alarmisme grandissant.

En outre, en imputant le problème principalement au réchauffement climatique, la solution évidente devient la réduction des émissions de CO2, bien que cela soit le moyen le plus long et le plus couteux pour n’obtenir que le minimum.

Penchons-nous sur la toute dernière exagération en matière de réchauffement climatique : un article de Newsweek annonçant avec force que la hausse des températures signera « La Fin des pâtes » (The End of Pasta). Toutes les principales céréales – riz, maïs et blé – souffrent déjà du réchauffement climatique, explique l’article, mais le blé est le plus vulnérable aux températures élevées. Donc, au fur et à mesure du réchauffement, nous constaterons « une hausse choquante du prix » des pâtes alimentaires et du pain. Son principal message est très clair : « Si les hommes veulent continuer de manger des pâtes, il faudra agir avec nettement plus de détermination contre le réchauffement climatique.»

L’argument est presque totalement erroné. Le rendement des principales céréales explose depuis quelques décennies en raison de l’utilisation de variétés à meilleurs rendements, et du recours à plus de fertilisants, de pesticides et d’irrigation par les agriculteurs. De plus, le CO2 agit aussi comme un fertilisant, et son augmentation a probablement contribué à la hausse des rendements globaux pour plus de 3% depuis trente ans.

Mais si la hausse des températures endommagerait certaines récoltes, elle en encouragerait d’autres. Parce que la plupart des récoltes sont déjà implantées là où elles réussissent le mieux, il n’est pas surprenant que les modèles climatiques montrent que la hausse des températures réduira les rendements si les agriculteurs ne font rien ou pas grand chose. Mais les agriculteurs s’adapteront, surtout sur une période d’un siècle. Ils sèmeront plus tôt, sélectionneront des variétés mieux adaptées aux chaleurs plus élevées ou changeront totalement de type de récolte. Et de nouvelles opportunités pourraient se faire jour puisque le Canada et la Russie pourront cultiver leur blé et autres céréales plus au nord.

L’étude la plus importante, menée par l’Institut International pour l’Analyse des Systèmes Appliqués, évalue l’impact des températures, la fertilisation par le CO2, et l’adaptation et prévoit une augmentation de 40,7% de la production céréalière d’ici 2050. En l’absence de réchauffement climatique, la production aurait peut-être été supérieure d’un demi point. Avec le réchauffement climatique, les prix baisseront probablement légèrement. Nos réserves de linguine sont assurées.

Bien sûr, cela ne veut pas dire que le réchauffement climatique n’a pas d’impact sur les récoltes. La production se concentrera sur de nouvelles variétés et s’éloignera des tropiques, ce qui signifiera de meilleurs rendements dans les pays développés mais une baisse des rendements dans les pays en développement. En ce qui concerne le blé, il est d’ailleurs plus probable que certaines régions d’Afrique seront simplement incapables de maintenir leur production.

Mais réduire les émissions de CO2 est particulièrement inefficace pour aider les pauvres et ceux qui sont frappés de famine. Même si nous parvenions – à des coûts prohibitifs – à réduire ces émissions de manière substantielle, nous ne parviendrions qu’à freiner que très légèrement la hausse des températures. Entre temps, en adoptant par exemple les biocarburants, nos voitures ne feront que consumer de la nourriture, ce qui contribuera à la hausse des prix alimentaires et à l’aggravation de la famine.

Il serait bien plus utile d’autoriser les pays pauvres à utiliser les bénéfices de la fertilisation par le CO2 tout en s’attachant à faire face aux problèmes causés par la hausse des températures. Cela implique plus d’investissements dans la recherche sur les cultures pour produire des variétés plus robustes et à meilleur rendement, et le développement de l’irrigation et de l’utilisation de pesticides et de fertilisants.

En outre, même les régions les plus pauvres de notre monde en développement seront plus riches d’ici le milieu du siècle ; la plupart des habitants vivront dans les villes et tireront leurs revenus en dehors de l’agriculture. Tout comme dans les pays développés aujourd’hui, leur consommation de blé ne dépendra plus du fait qu’il soit produit dans leur propre pays, mais des prix alimentaires globaux et des revenus locaux.

Cela souligne l’importance du libre échange, qui permettrait ainsi une production agricole meilleure marché tout en augmentant les salaires dans les secteurs non agricoles. Les histoires terrifiantes sur le réchauffement climatique ne font que nous focaliser sur les moyens les moins efficaces pour aider.

Bjørn Lomborg

Traduit de l’anglais par Frédérique Destribats

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