Un an dans la peau d’un homo

Timothy Kurek, chrétien fondamentaliste diplômé de l’Université évangélique Liberty et homophobe, a décidé de vivre un an dans la communauté gay Nashville au Tennessee. Cette expérience l’a rendu plus tolérant et lui a permis de raviver sa foi. Récit.

Par Octavia Tapsanji Publié le 17 janvier 2013 à 0 h 51

Timothy Kurek, chrétien fondamentaliste diplômé de l’Université évangélique Liberty et homophobe, a décidé de vivre un an dans la communauté gay Nashville au Tennessee. Cette expérience l'a rendu plus tolérant et lui a permis de raviver sa foi. Récit.

Timothy Kurek entouré d'amis à la Gay Pride de Nashville ©The Guardian

« Je suis gay »

Timothy Kurek a grandi en haïssant l'homosexualité. En tant que chrétien conservateur, il avait appris qu'être gay était une abomination devant les yeux de Dieu. Il fréquentait assidûment son église conservatrice, se considérait comme un soldat du Christ et avait suivi les cours de l'université évangélique Liberty.

Mais lorsqu'une de ses amies chrétiennes lui a raconté comment elle avait été chassée de chez ses parents après leur avoir avoué qu'elle était lesbienne, T. Kurek a commencé à remettre en question ses croyances et ses enseignements religieux. Et étonnamment, cet homme de 26 ans a alors décidé de se mettre dans la peau d'un homme gay.

Pendant toute une année, T. Kurek s’est « infiltré » dans le milieu homosexuel de Nashville et a vécu avec ses homologues. Il a dit à sa famille, ainsi qu'à ses amis et aux membres de sa paroisse qu'il était homosexuel. Seuls deux de ses amis et une tante étaient dans le secret. Un ami homosexuel du nom de Shawn se faisait même passer pour son petit ami. T. Kurek a ensuite trouvé un emploi dans un café gay et a rejoint une équipe de softball de la communauté.

Vivre dans la peau d’un autre

Il a tiré de cette expérience un livre remarquable intitulé « The Cross in the Closet » (La croix dans le placard), qui suit la tradition d'autres ouvrages comme « Black Like Me » (Dans la peau d'un noir), où l'auteur, un homme blanc, se faisait passer pour un noir dans les années 1960, ou encore « Self-Made Man » (Dans la peau d'un homme) de l’auteur Norah Vincent qui racontre l'infiltration d'une femme dans l'univers masculin. « Pour me mettre dans leur peau, je devais vivre les expériences de la vie gay. Je devais donc faire mon coming-out devant mes amis, ma famille et le reste du monde », explique-t-il.

Le témoignage de T. Kurek cette année est émouvant, honnête et parfois drôle. Alors qu’il entamait son année homosexuelle en tant que puritain conservateur, il l'achève en réaffirmant sa foi tout en soutenant la cause homosexuelle.

En cours de route, il perd de nombreux amis, dont ceux de l'université Liberty, qui lui ont écrit des emails après son coming out, l'invitant à se repentir de ses péchés et le mettant en garde contre la damnation. Mais il ne regrette pas de les avoir perdus. « J'ai maintenant plein de nouveaux amis gays » écrit-il.

Pourtant, son parcours ne fut pas facile. Dès le début, T. Kurek a décidé de s'acclimater à la scène gay de Nashville en se rendant dans une boîte homo. Arrivé seul, il se retrouva rapidement trainé sur la piste de danse par un homme au torse nu, aux muscles saillants, couvert d’huile pour bébé et de paillettes. Tandis que les deux hommes dansaient sur une chanson de Beyoncé, son partenaire a fait mine de monter T. Kurek comme un cheval en l'appelant « son étalon ». A ce stade de l’aventure, c’en était trop pour le jeune homme. « J’avais envie de vomir » avoue-t-il.

Mais rapidement les choses se sont améliorées. Afin d'éviter les avances sexuelles indésirables, T. Kurek a demandé à Shawn de se faire passer pour son petit ami. Il s'est ensuite rapidement intégré dans le milieu gay de Nashville. Il fut d’ailleurs étonné de découvrir des chrétiens homosexuels discutant avec ferveur de leur croyance. « J'ai rencontré des chrétiens homosexuels qui étaient plus pieux que moi ! », explique-t-il. Il s'est mis à militer dans une association de défense des droits des gays et a fini par participer à une manifestation devant la mission permanente du Saint-Siège auprès des Nations Unies, à New York.

Nouveau coming-out !

Mais cette expérience a eu un coût. Afin de savoir comment sa mère avait vraiment réagi quand il lui avait annoncé qu'il était gay, T. Kurek a lu son journal intime. Il a découvert ces écrits : « J'aurais préféré apprendre que j'étais atteinte d'un cancer incurable plutôt que d'avoir un fils gay. » Finalement, peu à peu, elle s'est laissée amadouer et a changé ses positions. «Ma mère est passée d'une chrétienne très conservatrice à une alliée pour la communauté gay. Je suis très fier d'elle», a-t-il ajouté.

T. Kurek a également vécu ce que l'on éprouve quand on se fait insulter. Lui même qui, un jour, avait traité de « pédés » des manifestants gays à l'université Liberty, s'est retrouvé dans le camp inverse. Lors d'une séance d'entraînement de softball, un passant qui promenait ses chiens a traité Kurek et ses coéquipiers de « pédales ». Il a fallu retenir T. Kurek pour qu'il ne se jette pas sur l'homme, avant qu’il n’éclate en sanglots.

Cette aventure s’est terminée après un an de vie secrète quand il a fait de nouveau son coming out, mais cette fois en tant qu'hétéro chrétien. Cependant, il témoigne que l'un des aspects les plus étonnants de son expérience est que loin d’atténuer sa foi, elle l'a ravivée. « Être gay pendant un an aura sauvé ma foi. »

Pour T. Kurek, son témoignage ne devrait pas seulement montrer aux chrétiens conservateurs que les gays doivent  jouir des mêmes droits que les autres citoyens et qu'ils peuvent être pieux ; mais  elle devrait également permettre à la communauté gay de voir les évangéliques avec un œil neuf.

2 commentaires on «Un an dans la peau d’un homo»

  • Excellent, super expérience! Ca doit tout de même être assez dur psychologiquement pour un hetero

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  • Voilà un témoignage bien intéressant et instructif, belle expérience.

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