Hégémonie du moteur diesel : la prochaine alerte sanitaire viendra-t-elle de nos voitures ?

Si la forte part du nucléaire est une spécificité française, la forte diésélisation du parc automobile en est une autre : depuis presque 10 ans, plus des deux tiers des véhicules particuliers vendus en France fonctionnent au gazole.

Par Thibault Ben Ben Khelil Modifié le 14 février 2013 à 10 h 43

Si la forte part du nucléaire est une spécificité française, la forte diésélisation du parc automobile en est une autre : depuis presque 10 ans, plus des deux tiers des véhicules particuliers vendus en France fonctionnent au gazole.

Pour les constructeurs, le diesel ne représente que des avantages : fiscalité avantageuse en fonction du volume, bonne densité énergétique, moins de COque l’essence ce qui permet d’atteindre leurs objectifs européens (130 gCO2/km en 2015, 95 gCO2/km en 2020 pour les véhicules neufs vendus).

Cette vision cependant est loin d’être exhaustive : l’avantage CO2 du diesel est faible (environ 15% d’émissions en moins) et les véhicules diesel sont les principaux responsables de la mauvaise qualité de l’air, surtout en milieu urbain. Ces derniers peuvent représenter en ville jusqu’à 85% des oxydes d’azote (NOx) émis et 65% des particules, avec des conséquences graves sur la santé : maladies respiratoires, cancers du poumon, inflammations chroniques, maladies cardio-vasculaires. La situation est réellement préoccupante : depuis aujourd’hui, les gaz issus de moteurs diesel sont même classés cancérigènes certains (classe C1) et non plus probables. Et  même si la France a mis en place un plan Particules visant à réduire de 30% les émissions de particules fines d’ici à 2015, elle est poursuivie depuis 2011 par la Commission Européenne pour non-respect des valeurs limites de qualité de l’air applicables aux particules.

Certes, le diesel est loin d’être le seul responsable des émissions de ces polluants. Il n’empêche que cette « gigantesque bombe à retardement » (expression de Bruno Guibeaud, président d’Europe Qualité Expertise, qui a relancé le débat début juin) bénéficie de conditions fiscales plus que favorables depuis des années. Les incitations fiscales, à l’image du bonus malus sur les véhicules neufs, ne tiennent compte que des émissions de CO2 et jamais de l’impact sanitaire. Même au niveau européen, tout rééquilibrage de la fiscalité des carburants en faveur de l’essence est systématiquement écarté par les députés, protecteurs de leur industrie automobile.

Certains rêvent du diesel propre mais, dans la pratique, cela apparaît très compliqué. Les filtres à particules, généralisés depuis 2009, ne remplissent pas leurs promesses : ils perdent souvent leur efficacité au fur et à mesure de l’usage, sont peu efficaces pour les plus fines particules et sont peu adaptés aux courts trajets urbains qui favorisent l’encrassement du filtre. Quant aux normes Euro qui rendent obligatoires la limitation des émissions et dont la sévérité va croissant, elles rendent la dépollution de l’échappement, notamment le traitement des NOx, de plus en plus chère. Les véhicules diesel sont ainsi de moins en moins compétitifs avec les véhicules essence.

Pourtant, l’industrie automobile française, et plus largement européenne, ne manque pas d’atouts pour respecter ses objectifs européens sans créer de polémique sanitaire. L’optimisation des moteurs essence (de la réduction de la cylindrée à la turbocompression) représente des pistes intéressantes de réduction des émissions de CO2 du transport, en attendant la démocratisation et la popularisation des solutions électrifiées, de l’hybride rechargeable au tout électrique.

Du côté des pouvoirs publics, il faudra avoir le courage de montrer l’exemple en mettant en œuvre les expérimentations de zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA) prévues par le Grenelle 2 et en écartant ainsi les plus anciens véhicules diesel des centres-villes. Les conducteurs doivent également être mieux informés sur les impacts sanitaires du diesel.

Une réforme globale de la fiscalité des véhicules et des carburants est enfin indispensable. Comment comprendre que des gaz cancérigènes certains soient favorisés quand d’autres solutions compétitives existent ? Réforme du bonus malus automobile intégrant la différence essence / diesel, prime à la casse avec des conditions strictes pour favoriser l’abandon d’anciens véhicules diesel et l’achat de véhicules neufs efficaces essence ou hybrides, fin de l’avantage fiscal du gazole aux niveaux français et européen : les pistes sont nombreuses, applicables dès maintenant, mais doivent devenir autant de priorités.

On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.

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