L’industrie de la viande consomme quatre cinquième des antibiotiques

En compilant plusieurs données, une entreprise américaine révèle que l’utilisation d’antibiotiques est sur-utilisée dans le secteur de l’élevage. Une situation qui apporte son lot de polémiques et de questionnements. Gros plan.

Par Stacy Aubenas Publié le 22 février 2013 à 0 h 40

En compilant plusieurs données, une entreprise américaine révèle que l’utilisation d’antibiotiques est sur-utilisée dans le secteur de l’élevage. Une situation qui apporte son lot de polémiques et de questionnements. Gros plan.

Toujours plus d’antibiotiques

L'an dernier, la Food and Drug Administration (FDA) a établi un ensemble de «lignes directrices», sur la base du volontariat visant à freiner l’utilisation des antibiotiques par l'industrie de la viande. Depuis, l'agence piétine pour savoir comment mettre en œuvre le nouveau programme.

Pendant ce temps, l'industrie de l’élevage se repaît  joyeusement des antibiotiques - continuant de produire une viande truffée de pathogènes résistants aux antibiotiques, si l’on en croit les dernières données de la FDA elle-même.

The Pew Charitable Trusts a pris les chiffres de l’agence sur l’utilisation des antibiotiques dans les élevages et les a comparés à des données sur l'utilisation des antibiotiques pour les êtres humains - le tout rassemblé dans le graphique ci-dessous. Il est remarquable de constater que, tandis que l'utilisation d'antibiotiques chez l’Homme s'est stabilisée au-dessous de 9,3 milliards d’euros par an, les fermes d'élevage ont utilisé de plus en plus de médicaments chaque année et leur consommation atteint un niveau record de près de 34 milliards d’euros en 2011. En résumé, l'industrie de l'élevage consomme désormais près des quatre cinquième des antibiotiques utilisés aux États-Unis, et son appétit pour ces derniers n’est pas éteint.

Dans un email, un porte-parole du Pew a ajouté que si l'American Meat Institute a constaté une augmentation de 0,2% de production de viande et de volaille en 2011 comparativement à l'année précédente, les données de la FDA montrent que la consommation d'antibiotiques a bondi de 2% au cours de la même période. Ce qui laisse penser que la production de viande demanderait encore plus d'antibiotiques.

Des bactéries de plus en plus fortes

Il n'est pas étonnant que, lorsque l’on entasse des centaines et des dizaines d’animaux ensemble et qu’on leur injecte des doses quotidiennes élevées d'antibiotiques, les bactéries qui vivent sur et à l’intérieur de ces animaux s'adaptent et développent une résistance face à ces derniers. Pewa a compilé d’autres données, les derniers résultats de la FDA issu du National Antimicrobial Resistance Monitoring System (système national de surveillance de la résistance aux microbes). Ce dernier achète des échantillons de produits issus de viande et les soumet à un test de bactériologique. Encore une fois, les résultats donnent à réfléchir. En voici quelques faits marquants :

• Environ 78% de la salmonelle retrouvée sur la dinde hachée a résisté à au moins un antibiotique et 50% ont résisté à trois ou plus. Des chiffres en hausse par rapport à 2010.

• Près des trois quarts de la Salmonella trouvée sur la poitrine de poulet vendue au détail étaient résistantes à au moins un antibiotique. Environ 12% des poitrines de poulet et de dinde étaient contaminés par la bactérie Salmonella.

• La résistance à la tétracycline [un antibiotique] est en hausse chez les Campylobacter retrouvés sur le poulet. Environ 95% des morceaux de poulet étaient contaminés par la Campylobacter, et près de la moitié de ces bactéries étaient résistantes à la tétracycline. Une augmentation par rapport à l'année précédente et à celle de 2002.

3 commentaires on «L’industrie de la viande consomme quatre cinquième des antibiotiques»

  • Ne pas oublier plusieurs choses :
    – Ces données sont celles des Etats-Unis, la situation n’est pas du tout la même en France, en partie parce que chez nous l’usage des antibiotiques comme facteurs de croissance est interdit.
    – La réglementation française est extrêmement stricte sur les résidus d’antibiotiques dans la viande. Des délais d’attente existent et permettent de n’abattre que des animaux sans résidus dans leur organisme.
    – La majorité des études montrent que les résistances observées dans le monde animal et le monde humain sont distinctes. La plupart des résistances acquises par les pathogènes de l’homme proviennent de l’usage d’antibiotiques chez l’homme.
    – L’homme, en France, est environ 5 fois plus exposé aux antibiotiques que les animaux, élevage et compagnie confondu.

    Le principe de l’émission est simple : la filière bio a du mal à décoller en France et les consommateurs se posent beaucoup de questions en ce moment sur la qualité des aliments, donc sur pression du gouvernement et par appât du gain on réalise une émission pour dire aux gens qu’ils ont raison de s’inquiéter et que le bio est la solution. CQFD.

    Répondre
  • Ce qui ferait encore plus peur serait de connaître le nombre de décès humains imputables à la consommation de viandes infectées par des bactéries (et oui, ces bactéries résistantes résistent aux traitements que leur donnent les éleveurs, une lapalissade, et se retrouvent donc dans nos tubers digestifs) ayant une multi-résistance aux antibiotiques.

    Répondre
  • ça fait peur…
    Ce serait intéressant d’avoir une ligne dans le graphique qui représentent l’évolution du nombre de tonnes de viandes année après année, pour qu’on voit le budget d’antibiotiques dépensé par kilo de viande vendue.

    Répondre
Laisser un commentaire

* Champs requis

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.