Le « café suspendu », un geste simple et solidaire

Née en Italie, la coutume consiste à payer deux cafés au lieu d’un, afin que le second soit offert plus tard à une personne dans le besoin. De nombreux bars argentins ont décidé d’adhérer à cette pratique, même si certains rechignent parfois à mélanger les bénéficiaires de l’opération à leur clientèle.

Par Octavia Tapsanji Modifié le 30 mai 2013 à 9 h 32

Née en Italie, la coutume consiste à payer deux cafés au lieu d’un, afin que le second soit offert plus tard à une personne dans le besoin. De nombreux bars argentins ont décidé d’adhérer à cette pratique, même si certains rechignent parfois à mélanger les bénéficiaires de l'opération à leur clientèle.

©Jon Sullivan

La crise favorise les traditions solidaires

Le café suspendu, c’est une boisson chaude offerte, mais pas seulement. C’est aussi le réconfort apporté par quelques instants passés dans un lieu public, comme un client « normal », à qui la vie offre encore l’accès à ces petits luxes qui rendent le quotidien plus agréable.

Originaire de la ville de Naples, cette pratique s’est depuis peu propagée à toute l’Europe et connaît un vif succès en Espagne, sans nul doute lié à la crise et aux six millions de chômeurs que compte le pays aujourd’hui.

En Amérique latine, le café suspendu s’est d’abord popularisé au Mexique, avant de faire son apparition dans les bars argentins à l’initiative de Sol Verdier, une mère de famille de Buenos Aires spécialisée dans la création graphique.

Viennoiseries en option

« J’ai rédigé le projet, créé un site internet comportant toutes les informations nécessaires et ouvert un compte sur Facebook pour diffuser l’idée. Quelques jours après, j’ai convaincu des amies propriétaires de pâtisseries d’adhérer à l’initiative. »

Le succès sur les réseaux sociaux a été fulgurant, et les résultats ne se sont pas fait attendre. Des salons de thé branchés de la capitale aux rues d'Alta Gracia, dans la province de Córdoba, on recense déjà plus d’une quarantaine d’établissements appliquant la coutume du café suspendu. Leurs vitrines arborent un panonceau permettant de les identifier facilement et, dans certains d’entre eux, des viennoiseries élaborées sur place accompagnent la boisson chaude proposée.

Ne restait plus alors qu’à informer le public concerné par ce geste solidaire. Du fait de leur situation précaire, les personnes susceptibles de profiter des cafés suspendus ont cependant peu d’occasions de se connecter à internet.

Sol Verdier a donc décidé de former une véritable équipe de bénévoles, qui se sont chargés de diffuser la nouvelle dans les églises, les soupes populaires et les hôpitaux, placardant sur leur passage des affiches où figure la liste des bars participants.

L’esprit solidaire n’est pas toujours respecté

Moins de deux mois après sa création, la réussite du projet est indéniable, même si l’attitude de certains établissements laisse planer quelques doutes sur l’esprit solidaire qui les anime. Dans quelques bars du quartier chic de Palermo, les propriétaires préfèrent par exemple remettre les boissons gratuites à la porte du café, dans des gobelets jetables, afin de ne pas « mélanger les genres ». D’autres encore demandent aux bénéficiaires de poser pour une photo souriante, à un moment de leur vie où ceux-ci n’ont pas forcément envie de s’afficher.

Malgré tout, le bilan est largement positif, et Sol Verdier songe déjà à un nouveau projet, plus ambitieux encore : un « repas suspendu ».