Les « forêts de nuages », alliées indispensables des centrales hydroélectriques

Baignant dans une brume quasi permanente, les forêts tropicales d’altitude recèlent bien des surprises. Une étude montre comment ces écosystèmes particuliers réussissent à capter l’humidité ambiante pour la transformer en eau exploitable dans les centrales hydroélectriques.

Par Mathieu Viviani Publié le 10 juin 2013 à 0 h 05

Baignant dans une brume quasi permanente, les forêts tropicales d’altitude recèlent bien des surprises. Une étude montre comment ces écosystèmes particuliers réussissent à capter l’humidité ambiante pour la transformer en eau exploitable dans les centrales hydroélectriques.

© Chinmayahd

La moitié de l’eau des retenues provient de ces écosystèmes

Perdues au sommet des montagnes, les forêts de nuages étaient surtout connues pour abriter une biodiversité d’une incroyable richesse. Une nouvelle étude présentée à Bonn au cours d’une conférence intitulée L’eau dans l’anthropocène révèle qu’elles jouent également un rôle crucial dans l’approvisionnement en eau des barrages.

Leonardo Sáenz, coauteur du rapport, explique que ces écosystèmes sont indispensables à la production d’électricité sous les tropiques :

« Bien qu’elles n’occupent que 4,4 % des zones alimentant les retenues tropicales, les forêts de nuages filtrent près de 50 % de l’eau superficielle disponible pour ces barrages », affirme le chercheur, directeur du département d’éco-hydrologie de l’ONG Conservation international.

Des pièges à brume d’une efficacité redoutable

Dans son laboratoire du King’s College, à Londres, Leonardo Sáenz a mis au point une « chambre à nuages » qui lui permet de mesurer les variations de poids des végétaux au cours de la captation de gouttes d’eau.

Ainsi qualifiées lorsqu’elles baignent dans la brume pendant au moins 70 % de l’année, les forêts de nuages interceptent des microgouttelettes qui glissent ensuite le long des branches et des troncs d’arbres avant d’atteindre le sol. Si le scientifique colombien parle de filtration, c’est parce que l’eau drainée par ces écosystèmes contient beaucoup moins de polluants que celle provenant par exemple des terres agricoles. Elle charrie également très peu de sédiments, ce qui constitue un autre avantage pour son utilisation dans les centrales hydroélectriques.

Si l’eau disponible dans les barrages provient en grande partie des forêts de nuages, c’est principalement en raison de leur climat spécifique. Les précipitations y sont 43 % plus abondantes que dans le reste des bassins tropicaux, et l’humidité ambiante extrême diminue les pertes d'eau.

Prendre soin des forêts suffirait à augmenter la production d’électricité

« Puisqu’elles sont recouvertes par les nuages 70 % de l'année, on assiste à une réduction de la radiation solaire et donc de l'énergie disponible pour l'évapotranspiration », explique le chercheur. « Les forêts sont de véritables structures vertes capables de capturer la brume, qui est ensuite incorporée au sol et transportée jusqu’aux rivières nous fournissant de l’eau potable, pour irriguer et pour produire de l’énergie. »

Dans les pays émergents, où les besoins en électricité connaissent une croissance vertigineuse, la préservation de ces milieux est donc primordiale. Dans le cas de la retenue de Calima, en Colombie, les scientifiques ont même démontré que la protection et la restauration des forêts de nuages pourraient permettre d’augmenter la production de la centrale électrique.

En plus de leur rôle dans la captation de l’eau, les forêts d’altitude représentent un refuge important pour la biodiversité, et abritent plusieurs espèces menacées comme l’ours à lunettes ou le tapir des montagnes.

Mais ces écosystèmes comptent aussi parmi les plus menacés. Près de 55 % des forêts de nuages ont déjà disparu, soit une surface équivalant à celle de l'Argentine.

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