Mobilité urbaine, le grand défi de l’Amérique latine

Banlieues tentaculaires, embouteillages monstres et records de pollution atmosphérique : ces clichés qui collent à la peau des villes latino-américaines pourraient bientôt ne plus être d’actualité. Pour offrir à ses habitants la qualité de vie à laquelle ils aspirent, le continent le plus urbanisé de la planète réinvente la mobilité à travers des modes de transport innovants.

Par Mathieu Viviani Modifié le 22 août 2013 à 10 h 19

Banlieues tentaculaires, embouteillages monstres et records de pollution atmosphérique : ces clichés qui collent à la peau des villes latino-américaines pourraient bientôt ne plus être d’actualité. Pour offrir à ses habitants la qualité de vie à laquelle ils aspirent, le continent le plus urbanisé de la planète réinvente la mobilité à travers des modes de transport innovants.

© GAED

Les villes horizontales ne concentrent pas suffisamment l’habitat

Urbaine à plus de 80% et bien souvent dépourvue de véhicule personnel, la population latino-américaine vit au rythme de ses transports publics. Rapidité, sécurité, impact environnemental : au-delà des aspects techniques, leur efficacité conditionne directement le bien-être de centaines de millions de citadins.

Le violent mouvement de contestation qui a secoué le Brésil, initialement provoqué par une augmentation du prix du bus à São Paulo, montre à quel point la mobilité est un sujet sensible dans la région.

De Mexico à Rio de Janeiro, en passant par les rues de Lima ou de Buenos Aires, les grandes métropoles ont dû faire face au cours des dernières décennies à une urbanisation vertigineuse et chaotique, qui a transformé les conditions de circulation en véritable cauchemar.

Poussées vers les villes par la misère, des millions de personnes ont déserté les campagnes pour venir s’installer dans les favelas brésiliennes, villas miseria argentines, et autres bidonvilles. S’étalant à perte de vue autour des grandes agglomérations, ces « villes horizontales » sont d’autant plus difficiles à connecter que leur densité démographique est faible. C’est pourtant là, dans ces zones concentrant près d'un tiers de la population urbaine mondiale, que l’accès aux transports peut se transformer en véritable ascenseur social.

À mi-chemin entre bus et métro : le BRT

Contournant les difficultés grâce à son faible coût initial et sa grande flexibilité, le bus s’est rapidement imposé comme le principal transport collectif de la région. Des villages andins les plus reculés aux steppes de la Patagonie, ces véhicules sillonnent la quasi-totalité du territoire.

Bien adaptés aux grandes distances, les bus perdent en revanche de leur efficacité en milieu intra-urbain, et génèrent une pollution atmosphérique devenue insupportable dans de nombreuses métropoles. Le smog qui asphyxie la ville de Mexico et ses 20 millions d’habitants illustre ce phénomène de manière dramatique : selon l’OMS, la pollution atmosphérique tue chaque année 14 000 personnes au Mexique.

Conscientes des défis qu’elles doivent relever, les grandes agglomérations se dotent peu à peu de systèmes de transports plus efficaces et plus propres, faisant preuve d'imagination lorsque les moyens manquent pour acquérir les technologies les plus onéreuses, comme le métro.

Conciliant les avantages de ce dernier aux faibles coûts du bus, le système BRT (Bus Rapid Transit) inventé dans la ville brésilienne de Curitiba a démontré son efficacité et fait des émules sur tout le continent. Bogotá, Lima, Quito, Mexico : la plupart des capitales latinos ont adopté ce système offrant un réseau routier exclusif à des véhicules à rallonge articulés, capables d’accueillir plus de cent passagers.

La fréquence élevée des services et leur grande rapidité offrent aux BRT des caractéristiques proches de celles d’un métro aérien, pour un investissement largement inférieur.

Rouler vert ne suffit pas

Mais pour désengorger les centres-villes, les nations latino-américaines misent également sur le champion toutes catégories des véhicules verts : le vélo. Les capitales argentine, mexicaine et équatorienne disposent de leur propre système de vélos en libre-service et les pistes cyclables se multiplient, couvrant déjà près de 100 kilomètres à Buenos Aires, 280 à Rio de Janeiro et plus de 350 à Bogotá. Dans la capitale colombienne, une journée annuelle sans voiture permet même aux cyclistes d’imaginer à quoi ressemblerait leur ville sans l’automobile.

Pour les inconditionnels du moteur, l’Amérique latine peut néanmoins compter sur son formidable potentiel agricole, qui a fait d’elle l’une des pionnières dans le domaine des biocarburants. Dès les années 1970, le Brésil banalisait le « pétrole vert », l’alcool de canne à sucre, pour faire face à la crise pétrolière. Les ingénieurs brésiliens construisent aujourd’hui des millions de véhicules Flex fuel roulant indifféremment à l’essence ou à l’éthanol, ayant même réussi à adapter cette technologie aux motos.

L’Argentine, autre géant céréalier, se spécialise pour sa part dans la production de biodiésel de soja, qui entre désormais dans la composition du gazole vendu à la pompe. Le pays est également leader mondial du GPL, avec une flotte de près de 1,5 million de véhicules bénéficiant de la double carburation essence/gaz naturel.

Particulièrement vulnérable face au réchauffement climatique et à la pollution, l’Amérique latine s’efforce aujourd’hui de limiter l’empreinte écologique liée à la mobilité. Mais dans cette région encore profondément marquée par les inégalités sociales, le vrai défi consiste avant tout à rendre les transports accessibles au plus grand nombre, pour offrir à chaque citoyen les mêmes chances de réussite et la même qualité de vie.

Pierre Fleutot

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