Bill Gates et les pauvres

L’homme le plus riche du monde parle de pauvreté (et il dit des choses intelligentes). Notre synthèse de la dernière « annual letter » de la Fondation Bill et Melissa Gates.

Par Pauline Hossin Modifié le 10 février 2014 à 7 h 11

L’homme le plus riche du monde parle de pauvreté (et il dit des choses intelligentes). Notre synthèse de la dernière « annual letter » de la Fondation Bill et Melissa Gates.

© Wechselberger

Sous presque tous les plans, la situation mondiale est aujourd'hui meilleure que jamais auparavant. Les gens vivent plus longtemps et sont en meilleure santé. De nombreux pays auparavant récipiendaires de l'aide sont maintenant autosuffisants. L'on pourrait croire que des progrès aussi saisissants seraient globalement applaudis mais en fait, on est stupéfait du nombre de personnes convaincues que la situation mondiale s’aggrave.

Penser que le monde ne peut résoudre les problèmes de la pauvreté extrême et de la maladie est non seulement faux : c’est une notion dangereuse.

Les pays pauvres ne sont pas condamnés à rester pauvres

On a entendu parler de ce mythe concernant de nombreux endroits, mais surtout à propos de l'Afrique. Heureusement, l'hypothèse de base est fausse. Le fait est que les revenus et les autres mesures du bien-être de l'homme augmentent presque partout, y compris en Afrique.

En 1955 (ndr. quand Bill Gates est né), le monde était divisé en trois : les pays occidentaux - le « premier monde » était aisé, ou « développé ».-, l'Union soviétique et ses alliés, et tous les autres. La plupart des gens qui vivaient dans le premier monde allait à l'école et vivait longtemps. On n'était pas sûr de ce qu'était la vie de l'autre côté du rideau de fer, mais à en entendre parler, l'endroit faisait peur. Et puis, il y avait ce que l'on appelait le « tiers-monde », c'est-à-dire, en gros, le reste du monde. D'après ce que l'on en savait, c'était plein de pauvres qui n'allaient pas à l'école et mouraient jeunes. Pire encore, ils étaient prisonniers de la pauvreté, sans aucun espoir de s'en sortir.

Aujourd'hui, la différence est époustouflante. Le revenu par habitant en Turquie et au Chili atteint aujourd’hui celui des États-Unis en 1960. La Malaisie s’en rapproche, le Gabon aussi. Et ce no man's land entre pays riches et pays pauvres est désormais occupé par la Chine, l'Inde, le Brésil, et d'autres États. Depuis 1960, le revenu réel par habitant en Chine a été multiplié par huit. Il a quadruplé en Inde, quintuplé au Brésil. Il a été multiplié par trente dans ce petit pays qu'est le Botswana, grâce à la gestion avisée de ses ressources minérales. Aujourd'hui, toute une série de pays occupe ce milieu qui existait à peine il y a 50 ans, et qui rassemble aujourd'hui plus de la moitié de la population mondiale.

Les termes « pays en développement » et « pays développés » n'ont plus raison d'être.

La manière la plus facile de répondre à ce mythe qui dit que les pays pauvres sont condamnés à rester pauvres est d'invoquer un seul fait : ils ne sont pas restés pauvres. Même s'il y a clairement des exceptions, de nombreux pays que l'on qualifiait de pauvres jouissent aujourd'hui d'une économie dynamique. Et le pourcentage de miséreux a chuté de plus de moitié depuis 1990.

Il reste toutefois plus d'un milliard de personnes vivant des conditions de pauvreté extrême. Il n'y a donc pas de quoi se réjouir. Mais il serait juste d'affirmer que le monde a tellement changé que les termes « pays en développement » et « pays développés » n'ont plus raison d'être.

Mettre dans le même paquet la Chine et la République démocratique du Congo rend la situation plus confuse qu'elle ne l'éclaircit. Certains pays soi-disant en développement ont tellement amélioré leur situation qu'on peut dire à juste titre qu'ils se sont développés. Il n'y a qu'une poignée d'États faillis qui ne se développent guère. Pour le reste, la plupart des pays se situent au milieu. C'est la raison pour laquelle il est plus instructif de parler d'États à revenus faibles, moyens ou élevés. (Certains experts font même la distinction entre deux catégories de revenus moyens : inférieurs et supérieurs.)

La situation en Afrique

En gardant cela à l'esprit, on revient maintenant à la version plus spécifique, plus pernicieuse de ce mythe : « Bien sûr, les tigres d'Asie vont bien, mais la vie en Afrique ne s'améliore et ne s'améliorera jamais. »

D'emblée, il ne faut jamais laisser qui que ce soit vous dire que l'Afrique est dans une situation pire aujourd'hui qu'il y a 50 ans. Au contraire, pendant cette période, le revenu par personne a augmenté en Afrique sub-saharienne, et dans une mesure importante pour certains pays. Après avoir chuté au cours de la crise de la dette des années 80, il a augmenté de deux tiers depuis 1988, passant d'à peine 1 300 à presque 2 200 dollars. Aujourd'hui, de plus en plus de pays se dirigent vers un développement soutenu et robuste, et d'autres suivront. Sur les ces cinq dernières années, sept des dix économies au développement le plus rapide se situent en Afrique.

Ce continent a également fait de grandes avancées en matière de santé et d'éducation. Depuis 1960, l'espérance de vie des femmes en Afrique subsaharienne est passée de 41 à 57 ans, malgré l'épidémie du VIH. Sans ce fléau, elle serait de 61 ans. Le pourcentage d'enfants scolarisés est passé d'environ 40 % à plus de 75 % depuis 1970. Il y a moins de personnes qui souffrent de la faim, et plus de personnes qui ont accès à une bonne alimentation. Si avoir suffisamment à manger, aller à l'école et vivre plus longtemps sont des mesures d'une bonne qualité de vie, alors la vie est définitivement en train de s'améliorer sur le continent africain. Mais ces améliorations ne constituent pas l'épilogue de cette histoire : elles représentent la base d'un progrès plus avant.

Bien entendu, ces moyennes régionales dissimulent de grandes différences entre les pays. En Éthiopie, le revenu n'est que de 800 dollars par personne et par an, alors qu'au Botswana, il est de presque 12 000 dollars. L'on observe aussi ces écarts gigantesques au sein des pays : la vie dans une grande zone urbaine de Nairobi ne ressemble en rien à celle d'un village rural au Kenya. Ne prenez donc pas pour argent comptant les dires d’une personne qui considère un continent tout entier comme une masse uniforme où règnent la pauvreté et la maladie.

L'essentiel

Les pays pauvres ne sont pas condamnés à rester pauvres. Certains des pays dits en développement se sont déjà développés. Un grand nombre d'autres les rejoindra bientôt. Les pays qui cherchent encore la voie à suivre n'essaient pas d'accomplir quelque chose d'inédit. Ils ont de bons exemples à suivre.

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