Enfin, des banques que nous aimons : Svalbard et les autres conservatoires de semences

Sauver les semences n’est pas juste une question de conservation. C’est aussi et surtout protéger la biodiversité et ne pas mettre tout dans les mains des multinationales.

Par Pauline Hossin Modifié le 19 mars 2014 à 6 h 35

Sauver les semences n'est pas juste une question de conservation. C’est aussi et surtout protéger la biodiversité et ne pas mettre tout dans les mains des multinationales.

© Neil Palmer/Global Crop Diversity Trust

En 2005, dans un laboratoire du Néguev, des chercheurs israéliens ont réussi à germer une graine de palmier dattier de 2 mille ans. Trouvée quatre décennies avant dans les fouilles de plateau de Massada, la graine de la plante rebaptisé "Mathusalem" a été préservée grâce à une série de coïncidences chanceuses, tout d'abord le climat chaud et sec.

Mais si ces cas sont très rares, pour sauver de l'oubli les plantes sauvages, les légumes et les arbres fruitiers qui ont marqué l'histoire de l'humanité et représentent aujourd'hui un atout précieux dans le dernier demi-siècle, se sont multipliés partout dans le monde les conservatoires de semences.

De la Russie à l’Italie

Le premier est né à Saint-Pétersbourg en 1926 et compte aujourd'hui la plus grande collection de variétés anciennes de plantes cultivées européennes, qui dans les années à venir, pourraient retourner dans les champs, car elles peuvent mieux supporter les changements climatiques, les parasites et la sécheresse.

En Italie, les banques de gènes sont une vingtaine, nées pour la plupart au cours des deux dernières décennies. De Trente à Cagliari, on sélectionne et gèle les semences de variétés de cultures en danger d'extinction, leur donnant une longue durée de vie pour plusieurs décennies, parfois des siècles.

L'un des plus actifs est la Banque de semences de Lombardie, né en 2005 avec la collaboration entre les universités de Pavie et de la Région. Un coffre-fort où les parcs naturels, les fermes et les associations apportent les graines de variétés anciennes, et les confient à la garde des chercheurs. Ici elles sont nettoyées des débris, séchées dans une chambre à température et humidité constantes, puis congelées.

Svalbard, « l’arche de Noé » de la biodiversité

La Réserve mondiale de semences du Svalbard (en anglais, Svalbard Global Seed Vault, littéralement Chambre forte mondiale de graines du Svalbard), est le plus grand conservatoire de semences au monde.

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Cette réserve incroyable, ouverte en 2008, a plusieurs caractéristiques uniques. D’abord, le lieu. Il s’agit d’une chambre forte souterraine sur l'île norvégienne du Spitzberg, dans l'archipel arctique du Svalbard à environ 1 120 km du pôle Nord.

« La raison pour laquelle cet endroit a été choisi est que c’est l’un des lieux les plus stables du monde aujourd’hui » explique Roland Von Bothmer scientifique en charge du projet, professeur en génétique et sélection des plantes.  «  Il n’y a presque pas d’activité sismique, la terre est très solide, et même s’il y a des changements climatiques dans le futur, cet endroit sera l’un des derniers endroits du monde à être affecté. En cas de montée des eaux, nous sommes installés au-dessus de la hauteur maximale envisagée. Nous nous préparons au pire mais nous ne souhaitons pas alimenter la psychose; notre rôle premier est d’être là en cas de catastrophe dans les banques de graines qui nous envoient leurs semences. »

Cette banque de graines peut renfermer 4,5 millions de sortes de semences différentes. Pour éviter les variations de températures, la réserve n’ouvre que 5 à 6 fois par an, à l’arrivée de nouvelles graines.

« Les semences nous viennent de banques de graines qui existent déjà, en Afrique, en Asie, en Europe ou en Amérique » précise Roland Von Bothmer. « Les graines sont mises dans des boites puis dans des conteneurs et elles transitent par Oslo avant d’arriver ici. Moi ou mon collègue, nous les plaçons dans la réserve et nous enregistrons toutes les informations nécessaires sur une immense banque de données. Pour chaque variété, nous avons 500 exemples de semences identiques. Mais il y a malheureusement plein de choses que nous ne pouvons pas conserver dans des banques de graines, de nombreux fruits par exemple, car nous devons les conserver vivants… Beaucoup de produits des tropiques ne peuvent pas être conservés non plus, comme les noix de cocos ou les bananes. »

La mission du Svalbard Global Seed Vault est de fournir une protection contre les pertes accidentelles de variétés dans les banques génétiques traditionnelles.

« Ici, on ne fait aucun travail de recherche, et on ne fait rien pousser non plus. C’est un vrai système de sauvegarde, en cas de problème dans les pays d’origine des semences. Par exemple, dans les pays aux moyens économiques limités, il arrive qu’on ne paye pas l’électricité et au bout de quelques années, les semences meurent… En Égypte, on a aussi eu récemment des problèmes d’information et beaucoup de matériel a disparu. S’il arrive une quelconque catastrophe, climatique, ou politique, les banques qui placent leurs graines à Svalbard sauront qu’ici, elles sont protégées. »

Le Svalbard Global Seed Vault est financé par diverses fondations dont la Fondation Rockefeller, la Fondation Bill-et-Melinda-Gates (Bill & Melinda Gates Foundation) et la Fondation Syngenta mais aussi le gouvernement de Norvège, l'Australie, le Brésil, le Canada, la Colombie, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Allemagne, l'Inde, l'Irlande, l'Italie, la Nouvelle Zélande, l'Espagne, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que divers organismes privés.

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