Des investisseurs spéculatifs réclament au moins 1,7 milliard d’euros aux pays européens frappés par la crise

Par GV Modifié le 23 juin 2014 à 8 h 21

Un rapport publié par le Transnational Institute (TNI) et le Corporate Europe Observatory (CEO) révèle que des investisseurs spéculatifs réclament plus d'1,7 milliard d'euros de compensations financières à la Grèce, l'Espagne et Chypre devant des tribunaux d'arbitrage privés internationaux pour des mesures prises par ces pays en réponse aux crises économiques.

(c) Corporate Europe Observatory

Le rapport « Profiter de la crise – Comment des entreprises et des avocats s'enrichissent aux dépens des pays européens en crise » décrit la vague croissante de poursuites juridiques lancées par des entreprises contre des économies européennes en difficulté, et comment celles-ci pourraient contraindre les contribuables européens à renflouer de nouveau des spéculateurs à coups de millions d'euros d'argent public. Selon le rapport, ces poursuites constituent une mise en garde salutaire contre les coûts potentiellement élevés de l'accord de commerce proposé entre les USA et l'UE, dont la quatrième session de négociations démarre aujourd'hui à Bruxelles.

Pia Eberhardt, responsable des campagnes 'Commerce' au Corporate Europe Observatory et co-auteure du rapport, explique : « Des investisseurs spéculatifs utilisent déjà les accords d'investissement pour faire main basse sur les trésoreries exsangues des pays européens en crise. Il serait politiquement insensé de donner à des entreprises multinationales les mêmes droits excessifs à travers un accord UE-USA qui se veut encore plus ambitieux »

Le document examine un certain nombre de poursuites lancées par des investisseurs contre l'Espagne, la Grèce et Chypre à la suite de la crise économique européenne. Dans la plupart des cas, ces investisseurs n'avaient pas investi à long terme mais avaient au contraire investi après l'irruption de la crise; ils étaient par conséquent parfaitement conscients des risques. Le rapport explique comment ils ont utilisé les accords d'investissement comme portes de sortie légales pour extraire des bénéfices de ces pays en crise lorsque leur pari initial avait échoué.

Par exemple, en Grèce, une banque slovaque (la Poštová Bank) a acheté de la dette grecque après que la valeur de ces titres se soit déjà effondrée, s'est vue ensuite offrir un dispositif de restructuration de dette très généreux mais a cependant cherché à obtenir encore plus en attaquant la Grèce via le traité bilatéral d'investissement liant la Slovaquie à ce pays.

« Profiter de la crise » montre également comment ces investisseurs spéculatifs sont soutenus par des cabinets d'avocats internationaux qui encouragent activement les poursuites investisseur-État. Qu'ils attaquent ou défendent les États, ces cabinets perçoivent de très substantiels honoraires lors de telles procédures. La société Herbert Smith Freehills, basée au Royaume-Uni et chargée de représenter l'Espagne dans au moins deux cas, a pu par exemple facturer près de 1,6 millions d'euros pour ces cas.

La controverse grandissante autour des discussions commerciales entre l'UE et les USA a forcé la Commission européenne à temporairement interrompre les négociations du chapitre relatif aux droits des investisseurs dans l'accord proposé, et à annoncer une consultation publique sur le sujet qui doit commencer ce mois-ci. Mais la Commission a déjà indiqué qu'elle ne souhaite pas renoncer à ces droits contestés, plutôt les encadrer

Pia Eberhardt commente : « Le système d'arbitrage Investisseur-État ne peut être réformé. Les cabinets d'avocats d'affaires concernés et les multinationales qui ont recours à leurs services trouveront toujours une façon d'attaquer des pays pour des actions qui menacent leurs profits – même s'il s'agit d'une législation indispensable pour sortir d'une crise financière. Ces super-droits octroyés aux entreprises doivent être abolis ».

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