Lac Tchad : un désert de réactions internationales de plus en plus problématique

Par GV Publié le 24 mars 2016 à 15 h 48

En attendant la COP22, qui se tiendra à Marrakech en novembre prochain, les politiques de réductions de gaz à effet de serre promises lors de la COP21 doivent entrer en œuvre. Si, sur le papier, la marche à suivre est claire, la lutte concrète contre le réchauffement climatique connait parfois des retards catastrophiques, comme dans la région du lac Tchad. Idriss Déby, le président tchadien, avait réclamé en décembre dernier à Paris l’attention de la communauté internationale sur le sujet.

Le réchauffement climatique est en marche et sa trajectoire paraît inarrêtable lorsque l'on se penche sur le cas du lac Tchad. Niché à la frontière du Tchad, du Cameroun, du Nigeria et du Niger, ce lac ou plutôt ce bassin de vie est en voie de dépérissement depuis soixante ans. Sa surface diminue chaque année à un rythme si élevé que le lac ne fait plus que 10 % de sa surface d'origine. Catastrophe environnementale d'une rare ampleur, la situation du lac Tchad est sur les lèvres des leaders internationaux à chaque conférence sur le climat, mais peu a déjà été fait pour enrayer ce phénomène.

Idriss Déby, la voix de la COP21 pour le lac Tchad

Présentée comme le Sommet de la dernière chance, la COP21 s'est finalement achevée sur un consensus heureux. Les Etats se sont engagés à contenir « l'élévation de la température moyenne de la planète nettement au-dessous de 2 °C » afin d'éviter le pire prévu par l'immense majorité de la communauté scientifique. Le texte, lorsqu'il sera ratifié par chacun des Etats, entrera en vigueur en 2020. Les quatre années qui nous séparent de cette date sont à marquer du sceau de la mobilisation car la crise est bien avancée sur certains points du globe. Le lac Tchad connaît actuellement un destin similaire à la mer d'Aral et seuls de lourds investissements peuvent sauver un lac qui fait vivre 50 millions de personnes.

Lors de la COP21, Idriss Déby, président du Tchad, a rappelé qu'une solution technique existe pour redonner au lac assez d'eau pour le préserver de la désertification. Il faudrait pour cela détourner les eaux du fleuve Oubangui vers le lac. Une prouesse technique dont le coût est aujourd'hui une barrière jugée infranchissable : près de 4 000 milliards de FCFA. Une montagne qui malgré la bonne volonté des quatre Etats frontaliers (regroupés au sein de la Commission du bassin du lac Tchad) ne peut être franchie. Un soutien extérieur est nécessaire comme cela est prévu dans l'Accord de Paris, car ces pays sont confrontés à d'autres problèmes très sensibles et coûteux comme le terrorisme islamiste de Boko Haram.

Pour convaincre son auditoire, le président Déby a insisté sur les chiffres. « Si on a peur des chiffres aujourd'hui (...) le bassin du fleuve Congo, qui est l'un des poumons de l'humanité, va être envahi par les Sahéliens ». Et ces Sahéliens sont au nombre de 50 millions. Ou comment une catastrophe écologique se transforme en une catastrophe humaine et économique. Les investissements à faire sont certes impressionnants, mais semblent raisonnables au regard des futures dépenses dans le cas probable (si rien est fait) d'un dessèchement complet du lac. « La communauté internationale ne doit pas avoir peur des chiffres » conclut Idriss Déby.

« Appropriation des énergies renouvelables »

Le Tchad, outre le problème gravissime du lac, s'est engagé sans retenue dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le pays connaît l'importance de mener ce combat car depuis plusieurs années la désertification avance et la saison des pluies s'en trouve modifiée. Plus courte et plus intense, elle plonge les quartiers périphériques de la capitale N'Djamena dans des périodes d'inondations ravageuses. Les éleveurs sont obligés de migrer plus souvent et plus longtemps vers le sud créant des conflits avec les agriculteurs. Les autorités savent que la réponse doit être massive et une réforme agricole couplée d'un développement des énergies renouvelables devrait permettre de répondre à l'urgence climatique.

A l'occasion de la COP21, le président Déby a confirmé vouloir diminuer de 18 % les gaz à effet de serre d'ici 2030 ; un chiffre qui pourrait même atteindre 70 % si des pays soutiennent ce plan ambitieux. Le pays jouit d’un fort potentiel de production d’électricité verte, entre l’éolien et le solaire, qui lui permet d’être de plain-pied dans la transition énergétique. « La solution globale du problème énergétique est un impératif majeur de mon quinquennat et de ma vision pour le développement du Tchad. L'appropriation des énergies renouvelables en sera le vecteur essentiel » avait déclaré Idriss Déby en 2012. L’une des mesures les plus importantes fut de faire du solaire la source d’énergie principale dans toute nouvelle construction d’édifice public, ainsi que pour les besoins de l’éclairage public.

L'appel aux actions concrètes, pour le développement des énergies renouvelables comme pour l’avenir du lac Tchad, est plus que jamais d'actualité. Si ce dernier doit finalement disparaitre, la responsabilité serait tout aussi grande pour les pays de la région qui n'ont pas réagi à temps que pour les Etats du Nord qui connaissent depuis des années la situation et qui n'auront rien fait malgré des moyens financiers colossaux à leur disposition. Crise économique ou pas, l'avenir du monde (et donc de tous) s'écrit aussi sur les rives du lac Tchad avec le cortège de problèmes qu'entraînerait sa disparition.

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