La route veut tracer la voie d’une Europe décarbonée

Par La Redaction Modifié le 2 février 2021 à 21 h 06

Décarboner nos modes de consommation et de transport d’ici 2050 : voici l’un des objectifs affichés par les pays européens engagés dans la transition écologique. Le secteur des transports a rapidement pris le problème à bras le corps. Les usages commencent à évoluer avec l’essor des véhicules électriques et des carburants propres. Moins identifiées par le grand public, routes et autoroutes auront elles aussi un rôle majeur à jouer dans la bataille à venir. Petit tour d’Europe avec des exemples à suivre en Allemagne, en France et en Suède.

Allemagne : vive les autoroutes électriques

Les mythes ont souvent la vie dure et celui des autoroutes allemandes sans limitation de vitesse va en prendre un coup. Parmi les pistes suivies outre-Rhin pour réduire l’impact carbone des transports, la limitation de vitesse sur la totalité des autoroutes est sur la table. Le gouvernement a même d’autres propositions, comme un système de péage autoroutier européen (exception faite des transports collectifs). En juillet dernier, le ministre allemand des Transports, Andreas Scheuer, a en effet soumis le projet d’étendre le système à péage à l’ensemble du continent (pour rappel, son pays n’en a pas), eu égard aux « États membres qui ont déjà mis en place un système de tarification, de péages ou de redevances d’utilisation perçus sur tous les véhicules à l’exception des autocars et des bus ». Mais plus intéressant encore, l’Allemagne est surtout en train de mettre en place des innovations technologiques devant rendre plus vertes ses autoroutes, modifiant par là même une partie de leur fonction.

À la manette, le géant industriel Siemens dispose d’un plan de bataille baptisé eHighways. L’idée est simple : électrifier 4000 km d’autoroutes dans le pays, permettant des économies substantielles en carburant (16 000 euros/10 000 km roulés) et une réduction de 7 millions de tonnes de CO2 par an. En 2019, un premier tronçon a été inauguré pour les poids lourds électriques, sur le modèle des trolleybus urbains. « eHighways offre une alternative économique et durable pour le transport routier, écrit Hasso Georg Grünjes, directeur du projet chez Siemens. Il permet une réduction significative des émissions de CO2, et des économies substantielles pour les entreprises de fret. »

L’électrification va même plus loin. L’Allemagne a également lancé de grands travaux, en vue d’ajouter une fonction aux voies rapides, les transformant en Stromautobahnen (autoroutes à énergie). Sur plusieurs axes majeurs (SuedLink, SuedOstLink et A-Nord), les grandes manœuvres ont commencé : demain, les autoroutes allemandes transporteront l’électricité verte fournie par les réseaux Ultranet, TenneT et TransnetBW grâce à l’utilisation — une première mondiale — de câbles souterrains de 525 kV.

France : l’autoroute bas carbone superstar

En juin dernier, la Convention citoyenne sur le climat a préconisé une baisse de 130 à 110 km/h sur les autoroutes françaises. Si le sujet a créé la polémique, d’autres chantiers plus impactants sont à l’étude, et même en cours de réalisation pour certains. Comme le dit l’adage, en France, nous n’avons pas de pétrole, mais des idées. Et cela se confirme une nouvelle fois avec les nouvelles orientations prises, main dans la main, par l’État (avec à la manœuvre Barbara Pompili et Jean-Baptiste Djebbari), les collectivités locales et certaines entreprises privées du secteur autoroutier.

Principaux acteurs grâce à leurs investissements massifs dans les infrastructures, les SCA (sociétés concessionnaires d’autoroutes) travaillent sur l’autoroute de demain pour en réduire l’impact environnemental. Et il y avait urgence à agir : en 2016 en France, la route représentait à elle seule 74 % des émissions de CO2 du secteur des transports. Les premiers projets sont donc en train de voir le jour, comme dans le Sud de la France. Parmi les SCA, Vinci Autoroutes — qui gère près de la moitié du réseau français — mise sur l’ABC (autrement dit « l’autoroute bas carbone »). L’entreprise a ainsi signé un partenariat avec la région PACA qui a fait de son plan climat l’un des piliers de sa stratégie environnementale.

Sur le terrain, les autoroutes bas carbone se déclinent autour de plusieurs axes : densification des points de recharge pour véhicules électriques, développement de solutions multimodales (transports en commun, covoiturage, parcs relais) et travaux d’infrastructures utilisant des matériaux 100 % recyclés (jusqu’à l’asphalte) pour en réduire la facture énergétique. Renaud Muselier, le président du conseil régional, se réjouit de voir ces solutions décarbonées se généraliser sur son territoire : « C’est la promesse d’améliorer les conditions de mobilité de nos habitants. Notre priorité est de nous engager aux côtés de nos partenaires pour développer des projets respectueux de l’environnement et de la santé des habitants du territoire. »

Derrière ces chantiers, Vinci Autoroutes — qui gère 839 km d’autoroutes en PACA — finance et développe les projets. Pour l’opérateur et les collectivités locales, l’autoroute est en effet l’un des meilleurs leviers pour tendre vers la neutralité carbone : « La nécessaire décarbonation des transports (30 % des émissions françaises de CO2) passe par l’autoroute, véritable levier de transformation environnementale, argumente Pierre Coppey, président de Vinci Autoroutes. Nul n’est mieux placé qu’un opérateur autoroutier pour faciliter la transition vers une mobilité non thermique. Grâce à l’équipement du réseau avec des bornes de recharge électrique ou des stations d’hydrogène, il est possible d’accélérer la bascule du parc automobile vers des solutions à faibles émissions. C’est indispensable si la France veut tenir ses objectifs : fin de la vente des véhicules thermiques en 2040, neutralité carbone en 2050. » Un objectif tenable grâce au double engagement, à long terme, entre partenaires publics et privés.

Suède : une triple stratégie pour feuille de route

Après plusieurs années consécutives à la baisse, 2018 a tiré la sonnette d’alarme en Suède, avec une reprise à la hausse de l’impact des autoroutes du pays sur le climat. La bataille sera longue, mais l’exemple suédois fait réfléchir l’Europe entière. « Outre des véhicules plus économes en énergie et une proportion accrue d’énergies renouvelables, atteindre l’objectif climatique signifie davantage de transports publics, estime Marie Hagberg, chef du service qualité du trafic à l’Administration suédoise des transports (AST). À long terme, cela se traduira également par moins de camions et davantage de transport de marchandises par chemin de fer ou par bateau. » Parallèlement, les pouvoirs publics se sont également lancés dans le renouvellement des infrastructures autoroutières, avec des techniques beaucoup moins émettrices de CO2 comme le fait Vinci en France.

Dernier exemple en date : la rénovation de la Route 44 entre Uddevalla et Götene, confiée à la société privée Skanska, 5e plus grosse entreprise du BTP au monde. Dans le cahier des charges lors de l’appel d’offres, l’AST avait un objectif principal : la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le processus de construction. Objectif atteint avec une première baisse de 19 % des rejets et surtout une baisse de la quantité de matériaux utilisés, en faisant varier l’épaisseur de l’asphalte en fonction de la charge supportée. « Lorsqu’il y a deux voies, la circulation dense se trouve dans la voie la plus éloignée de la barrière de circulation au milieu, explique Nicklas Magnusson, responsable du développement durable chez Skanska. Cela signifie que la couche d’asphalte sur la voie la plus proche de la barrière peut être plus mince. Cela contribue à une réduction significative des émissions de dioxyde de carbone. »

Vu de Stockholm, la feuille de route vers l’impact zéro devra donc s’appuyer sur une quadruple stratégie, faisant la synthèse des différentes options des voisins européens : montée en puissance des biocarburants durables, recyclage des matériaux, neutralité des infrastructures et électrification du réseau. Selon l’étude d’Ida Karlssona, Johan Rootzén et Filip Johnsson, « il est techniquement possible de réduire de moitié les émissions de CO2 de la construction routière avec les technologies disponibles aujourd’hui (capture du carbone, électrification des équipements de transport, etc.), de réduire plus de trois quarts les émissions d’ici 2030 et d’atteindre une émission proche de zéro d’ici 2045. » Rendez-vous donc dans vingt-cinq ans.

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