Les Ukrainiens sont de plus en plus friands du transport en vélo, poussant les autorités locales à développer les infrastructures dans le pays.
A bicyclette…
Les Ukrainiens sont de plus en plus friands du transport en vélo, poussant les autorités locales à développer les infrastructures dans le pays.
Le parc Chevtchenko, dans le centre de la capitale, Kiev, fait la part belle aux jeux en métal coloré, qu'affectionnent les enfants. L'endroit est également l'un des rares lieux de stationnement pour les vélos du centre-ville. Curieusement, on n'y voit pas une seule bicyclette, la plupart du temps. Pourtant, selon des estimations, les Kiéviens posséderaient près de 300 000 vélos. Mais ils ont du mal, de là où ils vivent, à rejoindre le centre-ville en deux roues. Voilà pourquoi ce stationnement de 20 places est presque toujours vide...
Les cyclistes, dans les villes ukrainiennes, ont deux options : risquer leur vie en conduisant sur les routes près des voitures, ou enfreindre les règles de circulation et prendre les trottoirs. La troisième option consiste à enfourcher son cheval de fer uniquement dans les parcs ou en banlieue.
La plupart des maires préfèrent penser que le vélo fait simplement partie de l'attirail d'une vie saine ou qu'il est un simple hobby, plutôt que de le considérer comme un moyen de transport à part entière. Cependant, il y a des exceptions : certaines villes ont déjà bien planifié (ou commencent à le faire) le développement des infrastructures cyclables.
Les premiers pas
Lviv, à l'ouest de l'Ukraine et près de la Pologne, a été le leader dans le domaine. "Les pistes cyclables apparaissent constamment dans toute la ville", explique Oleg shmid, conseiller du maire sur la question des infrastructures. Cycliste passionné lui-même, il ajoute : "A Lviv, on peut garer au moins deux cents vélos maintenant."
Développer les infrastructures cyclables à Lviv est une tendance prometteuse, car la structure de la ville est parfaitement adaptée à ce mode de transport doux. "Nous faisons tout méthodiquement, rassure Oleg Shmid. Nous voulons mettre en place 268 km de voies dans les neuf prochaines années et un réseau de transport spécifique pour les vélos a déjà été approuvé. Le projet va nous coûter 59 millions de grivnias [7,3 millions d'euros]." Actuellement, l'administration de Lviv travaille à la planification d'un grand circuit qui cheminera autour du cœur historique de la cité et qui sera construit l'an prochain.
Par ailleurs, Oleg Shmid cite un sondage qui révèle que 28% des citoyens de Lviv possèdent leurs propres vélos, tandis que 83% soutiennent le développement de pistes cyclables autour de la ville. Par ailleurs, la vente de vélos double presque chaque année ici. Zaporijie, Vinnytsia et Kiev ont également quelques voies cyclables séparées du reste de la circulation, tandis que Evpatoria (en Crimée), Tcherkassy et Dolyna (dans la région d'Ivano-Frankivsk) ont des projets similaires dans leurs cartons.
A Kiev
Kiev, cependant, va très lentement dans ce domaine. Le programme d'amélioration de pistes cyclables a été approuvé en 2009. Elle implique la construction de 17 voies de 160 km de long chacune. Malheureusement, la construction prend un certain temps. L'administration municipale a également incité les centres commerciaux à construire des parkings pour vélos à côté de leurs bâtiments.
Mais Kiyv Weekly a testé l'une de ces nouvelles voies, sur le boulevard Bazhana : la rédaction a relevé une douzaine de courbes sévères, qui ne rendent pas le trajet en vélo aisé. La voie est coupée bizarrement en de nombreux points et le marquage au sol n'existe pas sur toute la longueur de la voie. En conséquence, les piétons continuent de marcher sur la piste car ils ne comprennent pas à quoi elle sert ! Le cycliste aura quant à lui bien du mal à rouler à pleine vitesse...
Des intérêts divers
Outre les cyclistes, certaines entreprises privées sont également intéressées par le développement de pistes cyclables. Ils encouragent leurs employés à pédaler pour venir travailler. "Nous produisons des médicaments, mais nous avons aussi comme préoccupation la santé de nos salariés", assure Iryna Sytnykova, employée dans une entreprise pharmaceutique basée à Kiev. Nous voulons que les gens soient en bonne santé et fassent du sport. Nous nous exerçons chaque semaine et nous faisons des tours de 50 à 70 km en prévision du circuit Kiev-Lviv en septembre."
Une entreprise internationale, basée à Kiev, a installé 80 places de stationnement pour les vélos à côté de ses bureaux. Celui-ci est toujours rempli, et chaque étage de de l'entreprise dispose d'une cabine de douche pour ceux qui arrivent en sueur. "Nous faisons de notre mieux afin de rendre confortable pour nos employés le fait de choisir un mode de transport alternatif pour venir au travail", raconte Eleonora Fedoriy, une employée.
Cette idée a émergé chez les Ukrainiens au contact de collègues étrangers et la direction de l'entreprise a soutenu ce projet. "L'initiative est venue de nous-même, pas du siège américain, assure Eleonora Fedoriy. Nous travaillons dans le style des grandes sociétés internationales. Un mode de vie sain et la protection de l'environnement sont désormais des tendances mondiales auxquelles nous devons prendre part."
Cependant, les cyclistes ukrainiens ne peuvent guère se sentir en sécurité sur un vélo en ville. "Un membre de la sécurité ne m'a pas permis de laisser mon vélo devant le hall de la mairie, confie Iryna Bondarenko, présidente de l'Association des cyclistes de Kiev. Vous pouvez garer votre voiture, mais pas un vélo. Un autre garde au Musée d'histoire de la Seconde guerre mondiale a menacé de crever nos pneus si nous n'allions pas garer nos vélos plus loin. Nous avons parlé à la directrice du musée et elle a accepté d'installer un espace de stationnement, mais nous a demandé de trouver un sponsor pour ça. C'est ce que nous faisons actuellement."
L'expertise européenne
Certaines villes ukrainiennes ont pris conseil sur le développement d'infrastructures cyclables auprès de l'Association allemande de coopération internationale (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit - GIZ). "Les normes ukrainiennes de construction de pistes sont obsolètes aujourd'hui dans le pays, selon Svitlana Nazar, coordinatrice du programme "Mobilité durable" pour l'Ukraine. En vertu des exigences actuelles, les voies pour vélos prendraient un énorme espace dédié jusqu'ici aux voitures, ce qu'une ville compacte et moderne ne peut pas se permettre. D'où l'initiative de créer un groupe de travail auprès du ministère de la Construction régionale afin de mettre à jour et d'ajuster les normes ukrainiennes aux critères européens."
Cependant, le développement des infrastructures cyclables est également entravé par la mentalité des citoyens, et pas seulement par les exigences légales. "L'Ukraine n'applique pas le principe de mobilité durable qui a été la base pour le développement des transports en Europe depuis près de dix ans maintenant, estime Iryna Bondarenko. Personne ici ne réalise une règle qui a été mise en œuvre à l'ouest il y a longtemps. C'est toujours plus de routes, plus de voitures..."
Conformément à la stratégie de développement de Kiev en 2025, les routes sont censées couvrir un espace trois fois plus grand que celui qu'elles occupent actuellement. Ce qui mènera à un nombre croissant de voitures, qui provoqueront sûrement tout autant de bouchons. Ce n'est pas le bon moyen pour faire face au défi des transports.