Des chercheurs français viennent de démontrer que les rendements des cultures sont à la hausse lorsque différentes plantes sont mélangées et qu'elles ont un patrimoine génétique diversifié. En un mot : l'exact opposé de ce qu'effectue l'agriculture française depuis 60 ans.
Cyrille Violle, chercheur au Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE-CNRS/université de Montpellier), annonce un nouveau paradigme. Au sein du projet PRAISE sur le perfectionnement génétique des prairies semées, les chercheurs ont pratiqué une expérimentation unique par sa démarche, nouvelle pour la science. M. Violle raconte que pendant un an, ils ont cultivé sur 120 mini-parcelles de 1,2m sur 1,3, cinq espèces fourragères (trèfle blanc, fétuque, luzerne, ray-grass, dactyle). Certaines parcelles ne contenaient qu'une seule plante en monoculture et d'autres réunissaient les 5 en polyculture, ils ont également varié la diversité génétique, certaines parcelles n'accueillant qu'un seul type tandis que d'autres en accueillent cinq ou dix génotypes. Cyrille Violle explique qu'ils ont irrigué certaines parcelles et d'autres non, afin de voir la réaction des plantes en situation de sécheresse.
Ainsi, un an et demi plus tard, les résultats publiés dans la revue Nature plants révèlent que les polycultures ont un rendement plus important que celui des monocultures, surtout lorsqu'elles sont en condition de sécheresse. Pour les parcelles irriguées, les polycultures ont un résultat supérieur de 200 grammes par m2, soit 2 tonnes par hectare. En condition de sécheresse l'écart est de 8 tonnes par hectare. De plus, les parcelles dotées de dix génotypes différents pour une seule sorte de plante, au lieu d'un seul, offrent une meilleure stabilité de rendement d'une année sur l'autre.
Les plantes apprennent à vivre ensemble
Tout cela peut s'expliquer par le comportement des plantes les unes avec les autres. Cyrille Violle explique que dans les parcelles comportant plusieurs espèces, les plantes n'extraient pas les nutriments et l'eau à la même profondeur, du fait de leurs différentes racines. Une meilleure exploitation de la terre est donc possible. Le rendement plus stable grâce au nombre de génotypes est dû aux capacités individuelles de chaque plante, ce qui augmente la possibilité qu'au moins une partie des plantes soit moins affectée par le manque d'eau, alors qu'avec un seul génotype toutes les plantes souffrent en même temps.
Une solution à envisager
Aujourd'hui, une grande majorité des terres semées en grandes cultures, telles que le maïs, les oléagineux et le blé, réunissent des plantes qui possèdent exactement le même patrimoine génétique. Or, cela entraine l'épuisement des sols, des ravageurs qui s'attaquent à des plantes clones présentant toutes la même faiblesse et des difficultés causées également par le climat qui se réchauffe et engendre des sécheresses et peut tuer l'ensemble des plantes en même temps. On peut observer une stagnation des rendements du blé depuis les années 90. En 2050, le maïs du sud ouest devrait perdre une tonne à l'hectare soit 10% de rendement. Selon M. Violle, les résultats de cette étude prouvent qu'il est temps de parier sur la biodiversité pour augmenter les rendements.
Même si le mouvement est encore assez peu populaire, de plus en plus d'agriculteurs et quelques semenciers pensent à changer leurs pratiques agronomiques. Les chercheurs testent cette technique notamment pour le blé, près de Versailles, au centre du Moulon.