L’Union Européenne l’avait annoncé1, le législateur français l’a fait : le 20 février 2025, l’Assemblée nationale a adopté définitivement la proposition de loi restreignant la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS2, que l’on surnomme les « polluants éternels ».
L’Assemblée nationale a adopté définitivement la proposition de loi restreignant la fabrication et la vente de produits contenant des PFAS
Cette loi s’inscrit dans la continuité du plan d’action contre les PFAS publié par le Gouvernement le 17 janvier 2023, de la volonté plus globale d’interdire l’ensemble des PFAS au niveau européen 3. Un projet d’interdiction des PFAS a été publié par l’Echa en 2023, préparé initialement par l’Allemagne, les Pays‑Bas, la Norvège, la Suède et le Danemark depuis 2021 qui souhaite une interdiction globale de l’ensemble des PFAS ainsi que de l’arrêté ministériel relatif à l’analyse des substances PFAS dans les rejets aqueux des ICPE soumises à autorisation du 20 juin 2023 4.
L’étendue des risques liés à la présence de ces substances dites éternelles en raison de leur persistance dans les milieux a été portée à la connaissance des français notamment depuis le reportage sur l'usine Arkema qui avait déversé ces polluants autour du site industriel, suivie d’une enquête publiée le 23 février 2023 par le journal le Monde et le « Forever Chemical Project », relative à l’ampleur de la pollution par les PFAS en Europe 5. On se souvient aussi du film Dark Waters.
Les PFAS constituent aujourd’hui un enjeu de préoccupations sanitaires et environnementales majeur, en raison de leur persistance dans les milieux (air, eau, sols), et leurs impacts sur la santé 6.
Dans ce contexte, il est désormais interdit de fabriquer, importer, exporter et mettre sur le marché français certains produits contenant des PFAS et certains industriels doivent surveiller leur présence dans les milieux : analyse de la réglementation française actuelle.
Un plan d’actions ambitieux pour lutter contre les PFAS
Porté par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, le plan d’action PFAS 2023-2027 vise à réduire les risques à la source, à poursuivre la surveillance des milieux, à accélérer la production des connaissances scientifiques et à faciliter l’accès à l’information pour les citoyens. Il s’appuie sur 6 axes stratégiques :
- disposer de normes sur les rejets et les milieux pour guider l’action publique ;
- porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l’utilisation ou la mise sur le marché des PFAS ;
- améliorer la connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux, en particulier des milieux aquatiques, pour réduire l’exposition des populations ;
- réduire les émissions des industriels émetteurs de façon significative ;
- assurer la transparence sur les informations disponibles ; et
- procéder à une intégration, à moyen terme dans le plan micropolluants.
Une loi visant une interdiction presque globale de l’ensemble des PFAS
Déposée en février 2024, le texte adopté a évolué au cours de la discussion en première lecture.
Les PFAS restent autorisés dans les ustensiles de cuisine et les mousses anti-incendie, ou à des concentrations inférieures à des valeurs résiduelles fixées par décret, et ce n’est qu’à partir de 2030 qu’ils seront supprimés pour les autres produits textiles que les vêtements.
- Tel qu’adopté, le texte interdit, à partir du 1er janvier 2026, la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit des produits suivants s'ils contiennent des PFAS en concentration supérieure à une valeur résiduelle qui sera définie par décret :
- cosmétiques,
- produits de fart pour les skis,
- produits textiles d'habillement,
- chaussures, et
- agents imperméabilisants de produits textiles d'habillement.
Cette interdiction ne concerne pas les tenues et chaussures conçues pour la protection et la sécurité des personnes, par exemple, les tenues des pompiers.
Seront également interdites, à compter du 1er janvier 2030, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de tout produit textile contenant des PFAS, à l’exception des « produits textiles nécessaires à des utilisations essentielles, de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour laquelle il n’existe pas de solution de substitution et des textiles techniques à usage industriel, dont la liste est précisée par décret. » 3
- La loi impose également des contrôles sanitaires de la qualité des eaux potables, qui devront inclure le contrôle, dans les eaux destinées à la consommation humaine, de la présence de certains PFAS, qui seront listés par décret. Ces contrôles devront inclure d’autres PFAS si ces substances sont quantifiables et que leur contrôle est justifié au regard des circonstances locales.
- Par ailleurs, les autorités sanitaires devront publier les programmes d'analyse des PFAS dans l'eau potable, y compris s'agissant des contrôles des eaux en bouteille.
- Le Gouvernement devra également élaborer, publier et mettre à jour tous les ans une carte de l’ensemble des sites ayant pu émettre ou émettant des PFAS dansl’environnement, avec des mesures quantitatives lorsqu’elles sont disponibles. Les actions de dépollution et les seuils maximaux d’émissions de PFAS sur l’ensemble des sites émetteurs seront fixés par arrêté.
- Le texte instaure enfin, en application du principe "pollueur-payeur", une redevance assise sur les rejets de PFAS dans l'eau, afin de faire "contribuer financièrement les industriels à l'origine de la pollution". Le tarif de la redevance est fixé à 100 euros par cent grammes. La liste des PFAS visés sera fixée par décret.
Des obligations concrètes de surveillance dans les milieux aqueux pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)
L’arrêté ministériel du 20 juin 2023 relatif à l’analyse des substances PFAS dans les rejets aqueux des ICPE soumises à autorisation vise à établir un premier état des lieux de la présence des PFAS à l’échelle nationale au sein des rejets aqueux de plusieurs secteurs d’activité.
Cet arrêté vise les ICPE soumises à autorisation au titre de certaines rubriques de la nomenclature 7 ainsi que les installations qui, à la date d’entrée en vigueur de l’arrêté, utilisent, produisent, traitent ou rejettent des PFAS.
Ces exploitants doivent, dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’arrêté, établir une liste des substances PFAS utilisées, produites, traitées ou rejetées, ainsi que celles produites par dégradation, à la date de l’arrêté mais également avant l’entrée en vigueur de l’arrêté. Cette liste doit être tenue à jour et mise à la disposition de l’inspection des ICPE.
Ils doivent également mener une campagne d’identification et d’analyse des PFAS sur chaque point de rejets aqueux de l’exploitation, à l’exception des points de rejet des eaux pluviales non souillées, sur une durée de trois mois consécutifs, à raison d’un prélèvement par mois.
Les émissaires d'eaux de ruissellement des zones où ont été utilisées des mousses d'extinction d'incendie en quantité significative sont également concernés par cette campagne, ainsi que ceux d'eaux contaminées par des PFAS d'une manière plus générale.
Les résultats des campagnes d’analyse devront être communiqués, par voie électronique, à l’inspection des installations classées au plus tard le dernier jour du mois suivant chaque campagne. 4
Ces campagnes devront porter sur l’estimation de la quantité totale de substances PFAS présente, en équivalent fluorure et sur uniquement certains PFAS 8.
Les campagnes devront porter sur d’autres substances PFAS9, lorsqu’elles sont susceptibles d’être ou d’avoir été présentes dans les rejets aqueux de l’établissement et si leur présence peut être techniquement quantifiable selon les dispositions prévues à l’article 4 de l’arrêté.
En cas de non-respect des prescriptions édictées par l’arrêté, et en l’absence de sanctions prévues par ce dernier, les dispositions prévues à l’article L. 171-8 du Code de l’environnement devraient s’appliquer, c’est-à-dire, mise en demeure de se conformer à la réglementation dans un délai déterminé par l’autorité administrative, puis, le cas échéant, consignation d’une somme correspondant au montant des opérations à réaliser, procéder d’office à l’exécution des mesures prescrites au frais de l’exploitant, suspension du fonctionnement de l’installation, paiement d’une amende administrative au plus égale à 15 000 euros et/ou d’une astreinte journalière au plus égale à 1 500 euros.
Les producteurs et utilisateurs industriels de PFAS doivent désormais trouver des alternatives viables, tout en redoutant fortement un nouveau scandale sanitaire similaire à celui lié à l’amiante.
Il leur est conseillé d’inclure les PFAS dans les études environnementales, notamment dans le cadre de due diligences, et d’insérer des clauses d’exclusion ou de limitation de responsabilité dans les contrats de vente ou de bail.
Il est en outre fortement recommandé auprès des industriels, en particulier des pétrochimistes, de veiller aux conséquences de la présence révélée de PFAS dans leur politique de remise en état des sites et sols et plus généralement de cession des sites et sols industriels.
1 - Les PFAS dans le viseur du législateur européen, Jean-Pascal Bus, Cathy Morales Frénoy, Face au risque, 28 juin 2022
2 - Les substances per- et polyfluoroalkylées, également connues sous le nom de PFAS, sont une large famille de plus de 4000 composés chimiques, connues pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes ou encore résistantes aux fortes chaleurs, voir « PFAS : ces produits chimiques éternels qui inquiètent », Jean-Pascal Bus et Cathy Morales Frénoy, publié le 13 juin 2022, Les Echos Planète
3 - Un projet d’interdiction des PFAS a été publié par l’Echa en 2023, préparé initialement par l’Allemagne, les Pays‑Bas, la Norvège, la Suède et le Danemark depuis 2021 qui souhaite une interdiction globale de l’ensemble des PFAS
4 - L’arrêté ministériel du 20 juin 2023 définit les rejets aqueux comme les « effluents issus de l’activité industrielle du site rejetés directement ou indirectement vers le milieu naturel, et rejets d’eaux pluviales susceptibles d’être polluées »
6 - En France, le programme national de biosurveillance Esteban a ainsi révélé la présence de certains PFAS dans 100 % du sang des adultes et des enfants testés
7 - Rubriques n°2330, 2345, 2350, 2351, 2567, 2660, 2661, 2750, 2752, 2760, 2790, 2791, 2795, 3120, 3230, 3260, 3410, 3420, 3440, 3450, 3510, 3531, 3532, 3540, 3560, 3610, 3620, 3630, 3670, 3710 ou 4713
8 - à savoir : PFPeA, PFHxA, PFHpA, PFOA, PFNA, PFDA, PFUnDA, PFDoDA, PFTrDA, PFBS, PFPeS, PFHxS, PFHpS, PFOS, PFNS, PFDS, PFUnDS, PFDoDS, PFTrDS
9 - Sont mentionnées : PFTeA ; PFTeDA, PFHxDA, PFODA, HFPO-DA (Gen X), DONA ; ADONA, C6O4, 6:2 FTOH ; FHET, 8:2 FTOH ; FOET