Baptisés déserts verts par les associations écologistes, les monocultures d’eucalyptus appauvrissent la biodiversité et gagnent sans cesse du terrain en Uruguay. Ce type d’exploitation forestière, …
Des forêts qui dérangent
Baptisés déserts verts par les associations écologistes, les monocultures d'eucalyptus appauvrissent la biodiversité et gagnent sans cesse du terrain en Uruguay. Ce type d'exploitation forestière, destinée uniquement à l'approvisionnement en matière première des usines de cellulose, grignote peu à peu des terres autrefois consacrées à l'agriculture, dégrade les sols et épuise les ressources hydriques du pays.
En offrant des subventions et des régimes fiscaux préférentiels aux industriels de la pâte à papier pendant plus de 20 ans, l'Uruguay a su attirer de nombreuses multinationales qui ont investi plus de 2,4 milliards de dollars dans ce secteur. Celui-ci génère aujourd'hui près de 600 millions de dollars annuels, une manne pour ce petit pays voisin de l'Argentine, dont l'économie est essentiellement basée sur l'agriculture.
Toutefois, ce nouveau modèle agricole inquiète les écologistes. Il entraîne le déplacement des petits producteurs, qui cèdent peu à peu leurs terres à des entreprises étrangères, accapare d'importantes ressources en eau, et nuit gravement à la qualité des sols. Les monocultures d’eucalyptus ont souvent été installées dans les prairies, où l'écosystème abrite la plus grande biodiversité du pays.
Pour tenter de limiter l'expansion de ce type de forêt, le gouvernement a voté l'élimination des subventions en 2005. Aujourd'hui, tout nouveau projet doit faire l'objet d'études aux niveaux économique, social et environnemental.
Les écologistes dénoncent pourtant la plantation excessive de forêts dans les parties supérieures des bassins versants, là où les fleuves Tacuarembó et Santa Lucía prennent leur source, contre l'avis de nombreux scientifiques. Le Río Tacuarembó est un affluent du Río Negro, qui alimente trois centrales hydroélectriques, tandis que le Río Santa Lucía approvisionne en eau potable 70 % de la population du pays. Une diminution importante du débit de ces cours d'eau aurait donc des conséquences dramatiques au niveau national.
Afin d'évaluer les modifications environnementales survenues durant les dernières décennies en Amérique latine, le Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE) a entrepris la rédaction d’un Atlas recensant les changements grâce à des images satellites prises au cours de cette période. Ces travaux montrent que le couvert forestier uruguayen est passé de 45 000 hectares en 1990 à 900 000 en 2009. Selon le PNUE, cette augmentation s'est accompagnée d'une perte de biodiversité, d'une altération du cycle de l'eau et d'une dégradation des sols. Seule la moitié des forêts est constituée d'espèces indigènes, l'eucalyptus et le pin occupant respectivement 70 % et 30 % du reste du couvert forestier.
Toutefois, les questions soulevées par ce modèle d'exploitation forestière ne semble pas devoir freiner l’expansion de ce secteur d’activité : deux entreprises, l'une chilienne, l'autre suédo-finlandaise, s'apprêtent à installer de nouvelles usines de cellulose en Uruguay.