Un trouble encore discret, mais en expansion rapide : l’éco-anxiété gagne du terrain en France. Si elle révèle une lucidité face aux enjeux écologiques, elle soulève aussi des questions sur l’équilibre psychologique des citoyens confrontés à un avenir planétaire incertain.
Eco-anxiété : l’angoisse climatique menace la santé mentale des Français

Le 15 avril 2025, une étude inédite sur l’éco-anxiété en France a été rendue publique par l’Observatoire de l’Éco-anxiété (OBSECA), en collaboration avec l’ADEME et le soutien d’E5t. Elle repose sur une enquête réalisée auprès d’un millier de personnes âgées de 15 à 64 ans, entre la fin août et le début septembre 2024. Il s’agit de la première démarche scientifique nationale visant à évaluer l’intensité de ce phénomène et ses effets potentiels sur la santé mentale. Le constat est clair : l’impact psychologique du changement climatique devient une dimension à part entière des défis environnementaux contemporains.
L’éco-anxiété : une réaction psychique à la dégradation écologique
L’éco-anxiété désigne l’angoisse générée par la prise de conscience des dérèglements écologiques et de leurs conséquences à long terme. Contrairement à une simple inquiétude, elle s’accompagne d’une souffrance émotionnelle réelle et parfois envahissante. Ce ressenti naît de la confrontation entre la connaissance des menaces environnementales et le sentiment d’impuissance à y répondre.
Selon l’étude, l’éco-anxiété ne doit pas être confondue avec une mobilisation écologique active. Elle peut toucher aussi bien des personnes très impliquées dans les démarches de transition que des individus moins engagés mais fortement exposés aux récits anxiogènes sur l’avenir de la planète. Elle se manifeste par divers signes : ruminations, tensions nerveuses, peur du futur, fatigue mentale, et dans les cas les plus avancés, isolement ou troubles du sommeil.
Une réalité mesurable : quels profils sont concernés ?
L’étude révèle que 15 % des personnes interrogées présentent un niveau modéré d’éco-anxiété, tandis que 10 % manifestent des formes fortes à très fortes. Parmi ces dernières, 2,1 millions de Français seraient suffisamment affectés pour que soit envisagé un accompagnement psychologique. Et 1 % d’entre eux, soit près de 420 000 personnes, présenteraient un risque sérieux de développer des troubles anxieux ou dépressifs liés à la crise écologique.
Certaines catégories de la population sont plus exposées. Les adultes entre 25 et 34 ans sont les plus concernés, suivis des jeunes de 15 à 24 ans, puis des personnes âgées de 50 à 64 ans. La région parisienne et les grandes agglomérations affichent également des niveaux plus élevés. Le niveau d’études joue un rôle : les diplômés du supérieur sont davantage sujets à l’éco-anxiété que les personnes sans diplôme. Une tendance qui pourrait s’expliquer par un accès plus fréquent à l’information scientifique et à une conscience plus précise des enjeux.
Les femmes apparaissent légèrement plus touchées que les hommes. Cette différence pourrait être liée à une sensibilité plus marquée aux questions environnementales, bien que le phénomène reste présent dans toutes les tranches de la population.
Un signal d’alerte et un levier d’engagement
L’éco-anxiété, bien qu’elle puisse provoquer de la souffrance, n’est pas forcément un phénomène pathologique. Elle peut aussi être vue comme le reflet d’une conscience aiguë de la situation écologique. Nombre de personnes concernées sont d’ailleurs à l’origine d’initiatives de changement ou s’engagent activement dans des modes de vie plus durables.
Transformer cette forme d’angoisse en engagement est un enjeu central. L’étude propose plusieurs pistes pour canaliser cette énergie émotionnelle : encouragement à l’action locale, valorisation des solutions collectives, éducation à l’écologie et création d’espaces de dialogue pour partager les émotions. Ces approches permettent non seulement de soulager la tension individuelle, mais aussi de renforcer le tissu social autour d’une cause commune.
Par ailleurs, sensibiliser les professionnels de santé à cette problématique pourrait favoriser un meilleur accompagnement des personnes les plus vulnérables. Il s’agirait notamment d’éviter une pathologisation systématique tout en prenant en compte le besoin de soutien psychologique.
Un enjeu à intégrer dans les politiques environnementales
Cette étude ouvre une perspective nouvelle sur l’impact des crises écologiques : elles n’affectent pas seulement les systèmes naturels ou économiques, mais aussi l’équilibre intérieur des individus. Intégrer la dimension psychologique dans les stratégies de transition écologique devient essentiel.
Cela suppose de repenser les modalités de communication sur les enjeux climatiques, afin d’informer sans paralyser. Cela implique aussi de renforcer les mécanismes de soutien aux citoyens, en particulier les jeunes générations qui devront affronter les conséquences les plus directes du changement climatique.