Plus de 1000 Indiens ont quitté les plaines amazoniennes pour parcourir à pied les 600 km qui les séparent de La Paz et protester contre la construction d’une route traversant leur territoire. Le président bolivien juge le projet crucial pour le développement du pays.
Evo Morales a-t-il trahi les peuples de l’Amazonie?
Plus de 1000 Indiens ont quitté les plaines amazoniennes pour parcourir à pied les 600 km qui les séparent de La Paz et protester contre la construction d'une route traversant leur territoire. Le président bolivien juge le projet crucial pour le développement du pays et reste sourd aux revendications des défenseurs de l'environnement et des communautés autochtones.
Où est passé le président écologiste?
Défenseur autoproclamé de la Pachamamá (la "Terre-Mère"), Evo Morales n'hésite pas à monter au créneau devant les nations du monde pour réclamer plus d'efforts dans la lutte contre le réchauffement climatique. La Bolivie est d'ailleurs le seul pays à avoir refusé de signer les accords de Cancún, les jugeant trop peu contraignants.
Un portrait qui tranche avec l'attitude intransigeante du président bolivien dans la crise qui l'oppose actuellement aux communautés indiennes du TIPNIS (Territoire Indigène du Parc National Isiboro Sécure). Celles-ci refusent de voir une route traverser leur forêt et livrer ses richesses naturelles à la voracité des entrepreneurs.
Le TIPNIS s'étend sur 12 000 km² et abrite 64 communautés indigènes appartenant aux ethnies Moxeña, Yuracaré et Chimán. Au total, ce sont plus de 15 000 personnes dont l'habitat et le mode de vie pourraient être bouleversés à jamais si le projet du gouvernement se concrétisait.
Une bonne affaire pour le Brésil
La route a pour but d'unir les provinces du Beni et de Cochabamba. Elle constituerait aussi un couloir interocéanique permettant au Brésil de rejoindre le Pacifique par le chemin le plus court. C'est d'ailleurs ce pays qui financera à 80% les 415 millions de dollars [303 millions d'euros] nécessaires à la construction du nouvel axe international.
L'initiative ouvre des perspectives alléchantes pour de nombreux secteurs de l'économie bolivienne. Les cultivateurs de coca, base électorale historique d’Evo Morales, rêvent de s'approprier de nouvelles terres, tandis que les industriels pourraient repousser la frontière agricole afin de produire du soja et des biocarburants.
La déforestation continue
Tout ceci sans oublier bien sûr les compagnies d'exploitation pétrolière ou forestière, qui lorgnent déjà sur les trésors de la forêt amazonienne. La représentante des Nations Unies en Bolivie, Yoriko Yasukawa, remarque :
Si la Bolivie ne fait pas partie des grands coupables du réchauffement climatique, nous ne croyons pas non plus qu'elle appuie suffisamment l'effort de réduction des émissions, lorsque l'on constate que tous les ans, 300 000 hectares de forêt sont détruits.
Le risque n'est pas uniquement environnemental ; il est également culturel. Les cocaleros (les producteurs de coca) ont déjà fait disparaître le mode de vie traditionnel de huit communautés du TIPNIS, en les transformant en main-d’œuvre bon marché dans leurs plantations.
Les habitants de la forêt se sentent plus menacés que jamais et ont entamé une marche désespérée de 600 km en direction de la capitale - ce qui a déjà coûté la vie à deux enfants - pour que le président modifie le tracé du projet. La route amazonienne suscite d'ores et déjà une polémique nationale, et 83% des Boliviens disent regretter l'absence de dialogue direct entre Evo Morales et les communautés indigènes.
Ce conflit illustre les difficultés du gouvernement à concilier développement économique et respect des peuples autochtones, dans un des pays les plus pauvres de la planète.